Dans le cadre du Printemps des poètes, le Théâtre des Tafurs est parvenu à faire revenir à Bordeaux Max Rippon, certainement l’un des plus grands poètes franco-antillais.
Pourtant, on ne trouve qu’un seul de ses ouvrages dans toutes les bibliothèques de Bordeaux. Rien dans les librairies, même la très pointue librairie Olympique. Pas de quoi entamer la bonne humeur de ce sexagénaire moustachu. « Ce n’est pas plus mal que vous n’ayez lu que « Le dernier matin » [un court roman pour enfants] : c’est le récit des heures d’angoisse avant mon départ en pension au lycée. J’avais onze ans et je devais quitter mes cinq mamans de Grand Bourg, à Marie Galante», fini par déclarer Max Rippon, avant de poser un regard plus qu’ému sur la photo de la couverture : « J’étais l’ainé. Je suis un brouillon, que mes parents ont trouvé suffisamment intéressant pour me donner ensuite une sœur et quatre frères. Sur cette photo, je suis en costume. Coupé sur mesure ! Je porte une culotte courte : les pantalons étaient alors réservés aux hommes ».
« Chef de meute »
Ce que notre fringant grand-père oublie de dire, c’est combien son enfance a été âpre. Sa mère trimait pour élever ses enfants. Et ses écrits s’en ressentent. « Oui, la famille était assez pauvre, mais il y avait tellement d’amour autour de moi ! J’ai été un enfant heureux. Et aujourd’hui, c’est moi le chef de meute. J’ai eu quatre filles et deux garçons. Ils m’ont donné neuf petits enfants », se plait à répéter ce poète qui, dans ses écrits comme dans sa vie, accorde une place particulière aux femmes. « Si je pouvais réaliser un vœu, ce serait celui de porter un enfant. Combien j’aimerais savoir peindre un enfant, les lèvres entrouvertes par la faim devant les seins nus et gonflés du lait maternel ! », s’extasie Max Rippon. Un art du langage, tant en français qu’en créole, qui a bien failli ne jamais être couché sur le papier : « C’est le grand poète guadeloupéen, feu Guy Tirolien, mon père spirituel depuis l’enfance, qui m’a poussé et poussé pour que j’écrive. » Tout en poursuivant une carrière d’ingénieur hygiéniste alimentaire (sic !), depuis les années 80, il a publié une dizaine de recueils de poèmes, de romans mais aussi quelques albums jeunesses. L’homme est chaleureux. Parfois sur la réserve : « Je me rends disponible quand je le veux. J’ai donc deux maisons : une ou je vis avec ma femme, sur l’ile de Marie Galante. Et une en Martinique, où je me retire pour retravailler les mots jetés dans l’urgence sur des bouts de papiers. » Mardi, Max Rippon est arrivé les mains dans les poches pour une lecture dans le quartier Saint Pierre. « Ces mots viennent des tripes, je les ai en tête ! Et puis, je ne m’interdit jamais d’interpeller quelqu’un dans l’assistance.» Aujourd’hui, il participera à deux conférences, avant une lecture musicale samedi soir au Café de l’Opéra. Plusieurs occasions donc de se faire interpeller par ce chantre des choses simples.• Karine Ménégo
Conférence à 14h à l’IJBA (entrée libre) puis 18h au musée d’Aquitaine sur le thème du colonialisme (entrée libre). Programme complet : www.demandezlimpossible.com