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Contrôles T2A, vite la réforme !

Publié le 17 mars 2011 par Oy

FlickR - No controle (in control) - renatotargaAmorce d’un dialogue constructif ou consécration d’un unilatéralisme destructeur ? A examiner les conditions pratiques des contrôles externes de la tarification à l’activité et les règles de procédure qui gouvernent ces contrôles, une réponse mitigée s’impose à l’évidence.

Les contrôles sont nécessaires, voire indispensables, pour lutter contre les abus et les irrégularités.

La presse quotidienne s’est récemment faite l’écho de la révolte – à juste titre – des fédérations hospitalières contre des sanctions financières vécues comme injustes et arbitraires.

Afin de bien saisir les enjeux de la question, il convient de distinguer deux étapes obéissant à une logique différente et à un juge différent :

  • la récupération, à travers la notification d’indu émanant de la (ou des) caisse(s) d’assurance maladie, dont le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) est seul juge ;
  • la sanction, à travers la décision administrative de sanction financière prononcée par l’Agence Régionale de Santé (ARS), susceptible de recours devant le Tribunal administratif (TA).

Contrôle sur site : rapidité ne rime par avec qualité

Assuré par les praticiens-conseils, le contrôle sur site s’opère en général sur un bref délai (une semaine maximum, en principe), de sorte qu’il n’est pas rare que plusieurs centaines de dossiers médicaux soient examinés en quelques jours, ce qui laisse augurer du degré de qualité du contrôle. Comme le soulignait le Docteur Philippe CORMIER, dans son entrevue accordée à DSIH, le dialogue entre le médecin DIM et les médecins contrôleurs s’en trouve limité.

En suite de l’envoi du rapport de contrôle, l’établissement dispose d’un délai de 15 jours pour produire ses observations. Ce rapport signale les anomalies de facturation, les codages erronés, les dossiers incomplets, etc. Autant dire que l’établissement doit disposer d’une excellente organisation et d’un système d’information irréprochable pour mobiliser les compétences en interne afin de produire une argumentation convaincante et solidement étayée. D’autant plus cruciale est cette phase que c’est sur la base de ce document que l’indu sera calculé et notifié, observation étant faite que le Directeur de la caisse d’assurance maladie, n’étant pas médecin, ne se risquera pas à contredire ses propres experts médicaux.

La lettre de notification obéit à un certain formalisme réglementaire duquel certaines caisses se sont affranchies par le passé. Sans doute échaudées par une jurisprudence régulièrement défavorable sur le non-respect des formes, la plupart sont progressivement rentrées dans le rang.

Contestation : des règles de procédures défavorables aux établissements

Le législateur a semé beaucoup d’embûches procédurales pour dissuader les établissements de contester les réclamations d’indu et faciliter aux caisses la procédure de recouvrement.

En effet, à chaque caisse qui réclamera un montant d’indu, il faudra obligatoirement saisir au préalable sa commission de recours amiable (qui n’a d’amiable que l’adjectif), ce qui peut aboutir dans certains cas à plus d’une dizaine de saisines, et à autant de procédures judiciaires correspondantes devant le TASS pour des sommes parfois inférieures à 4.000 euros, seuil en deçà duquel la voie de l’appel est fermée et ne subsiste alors que le pourvoi en cassation.

Force est actuellement de constater que la Cour de cassation a, jusqu’à présent, rendu une jurisprudence systématiquement favorable à l’Assurance maladie, en évitant soigneusement d’aborder le problème de fond, en se retranchant sur des questions de forme (motivation de la notification d’indu, notamment). Ainsi et par exemple, au visa des articles L.133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale :

« Attendu que pour accueillir le recours de la clinique, le jugement qui constate que la notification et la mise en demeure sont accompagnées d’un tableau récapitulatif de l’indu réclamé comportant un code au titre des faits justifiant l’indu, en déduit que, faute d’énoncés détaillés des faits expliquant cet indu, la notification et la mise en demeure sont irrégulières et que la procédure de recouvrement doit être annulée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clinique ne contestait pas avoir reçu à l’issue du contrôle un rapport exposant par date, acte, patient, et régime d’assurance maladie, les faits détaillés motivant chaque indu par référence à un code normalisé, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les textes susvisés ; « 

(Cass. Civ. 2ème, 3 mars 2011, CMSA de la Gironde c/ Clinique ophtalmologique Thiers, n°10-30.652)

Questions de fond : l’interprétation nuit à la sécurité

C’est bien connu, la sécurité juridique passe par l’édiction de règles claires, non susceptibles d’interprétations fluctuant du jour au lendemain. Or, en contrôle T2A, les règles applicables donnent libre cours aux appréciations des médecins contrôleurs. La médecine n’est pas figée, nul n’en disconviendra : les pratiques évoluent, s’améliorent, s’affinent et c’est heureux. Mais, de même que le juge administratif fait application des règles de droit applicables au moment du déroulement des faits, les médecins contrôleurs – toute proportion gardée – devraient adopter une démarche similaire.

Et pourtant, on voit assez régulièrement que sur telle période (des actes médicaux ayant eu lieu en 2008, par exemple), le contrôle exercé en 2009 se fonde sur des articles scientifiques parus en 2009 pour formuler un désaccord sur tel ou tel codage. Plus caricatural encore, certains contrôleurs n’hésitent pas à reprocher à un établissement de ne pas avoir utilisé en 2008 un codage qui n’a été créé qu’en 2009. Ce procédé consistant à faire rétroagir des « règles » a quelque chose de choquant. A ce jeu là, l’établissement se trouvera systématiquement perdant.

L’insécurité se manifeste également sur la notion d’ »actes frontières ». Parce que la définition d’une liste exhaustive des situations cliniques autorisant la facturation d’un GHS se révèle impossible, la nouvelle circulaire frontière (instruction DGOS du 15 juin 2010 remplaçant et annulant la circulaire DHOS du 31 août 2006) se borne à délivrer une définition en creux.

Que dire du sempiternel argument se fondant sur un élément manquant de tel ou tel dossier médical pour contester un diagnostic associé ? Qu’un dossier médical ait été égaré par l’établissement contrôlé est, de nos jours, inacceptable. Mais que les médecins-contrôleurs prennent prétexte de l’absence d’une pièce au dossier pour récuser une hospitalisation qui est par ailleurs objectivée par d’autres éléments, c’est tout aussi inacceptable.

Sanctions financières : des pratiques locales inégalitaires

Après le temps des indus vient celui des sanctions financières. L’établissement s’étant vu redressé pour un indu reçoit généralement quelques mois plus tard une décision portant sanction financière envisagée, laissant au destinataire un mois pour formuler ses observations, lesquelles n’auront que peu d’échos auprès de l’ARS. Le délai écoulé, et sans qu’il soit besoin de rentrer dans le détail de la procédure, le Directeur Général de l’ARS prononcera sa sanction définitive.

Selon les régions, les établissements de santé, à taille comparable et à volume d’actes similaires, ne sont pas tous logés à la même enseigne.

Force est de constater que les ARS distribuent les bons et les mauvais points aux hôpitaux et aux cliniques, en faisant preuve d’inventivité.

Pour sensibiliser le corps médical aux bonnes pratiques, certaines utilisent par exemple une obscure formule mathématique aboutissant à minorer le montant de la sanction, ajoutant parfois une minoration à la minoration. Rabais, remise ou ristourne sont au menu, dans un joyeux contexte d’infantilisation.

D’autres agences élaborent un « contrat d’engagement » décomposant le montant de la sanction en une partie fixe et une partie conditionnelle. Cette dernière partie ne sera pas due, si l’établissement remplit des objectifs de réduction des coûts fixés par ledit contrat (exemple au hasard : réduire de x% le taux d’évolution des prescriptions médicales de transports).

Certaines enfin tentent de dissuader les directeurs d’hôpitaux d’intenter une action contentieuse en les invitant simplement à produire un recours gracieux pour la bonne forme, sans doute par crainte d’être désavouées devant un Tribunal administratif.

Un appel à une profonde réforme du contrôle T2A

A la vérité, toutes ces pratiques gagneraient à être mises à plat.

Les contrôles sont nécessaires, voire indispensables. Il n’est nullement question ici de remettre en cause le principe. Mais les modalités doivent sérieusement être revues, au plan qualitatif, afin de préserver les droits de la personne contrôlée, de responsabiliser les contrôleurs, et d’assainir le mécanisme de contrôle.

Premier signe d’amélioration, l’article L.162-22-18 du code de la sécurité sociale a introduit la notion de « caractère réitéré des manquements », sous l’effet de l’article 115 de la loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010.

Deuxième signe d’amélioration, la Secrétaire d’État chargée de la Santé, Madame Nora BERRA, a récemment annoncé qu’un nouveau décret et qu’une nouvelle instruction étaient en cours de préparation.

Il est urgent que la réforme consacre un véritable dialogue entre contrôleur et contrôlé.


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