Par Benjamin H. Friedman
Compte tenu de l’éventail des moyens que la coalition (dont l’État français fait partie depuis hier) peut déployer pour aider les rebelles en Libye, il est étrange que les gouvernements se soient engagés à mettre en oeuvre une zone d’exclusion aérienne, étant donné que c’est une forme d’intervention militaire qui aide les rebelles sans vraiment les aider. En mettant en place cette « no-fly zone », l’État s’engage à gagner la guerre, mais semble démontrer une volonté limitée à la gagner réellement. C’est donc une mauvaise décision politique.
Les frappes aériennes qui sont la conséquence de cette politique des « no-fly zones » sont plutôt adaptées pour aider des forces au sol afin qu’elles se défendent contre un adversaire une fois les forces aériennes adverses mises hors-jeu. Cette stratégie a été mise en place avec succès au nord de l’Irak dans les années ’90. Mais cette stratégie ne contribue pas à renverser les dirigeants autoritaires ou à aider des rebelles retranchés et trop légèrement armés. Pire, cette stratégie est totalement inadaptée pour protéger les civils contre les armées ou les milices.
Si la coalition est si attachée au sort de la révolution libyenne qu’elle est prête à tuer pour elle, les États devraient prendre des mesures décisives en sa faveur, comme l’utilisation de la force aérienne pour attaquer les forces pro-Kadhafi.
Si la coalition désire aider les rebelles à gagner mais ne souhaite pas tuer des Libyens de manière directe ou risquer la vie des pilotes de la coalition, les États devraient se limiter à fournir aux rebelles des renseignements (intercepter les messages pro-Kadhafi et surveiller les forces du régime), des conseils et peut-être brouiller les communications du régime.
Si d’autres États veulent intervenir, les États de la coalition pourraient offrir leur soutient, sous la forme d’une assistance dans le transport des moyens militaires.
Les frappes aériennes, comme les solutions alternatives exposées ci-dessus, ne permettent pas de réduire les deux risques suivants :
- intervenir, c’est prendre le risque de prolonger la guerre et d’accroître les souffrances des civils ;
- intervenir, c’est prendre le risque de perdre cette guerre ; nous pourrions bientôt avoir affaire à un régime que nous avons essayé de renverser et qui pourra tranquillement retourner à ses habitudes contraires à toute notion d’État de droit.
Ce que nous devons éviter, c’est de confondre sécurité et philanthropie. Quand les dirigeants des États de la coalition mobilisent leur défense nationale pour mettre en place des mesures militaires charitables mais sans s’impliquer réellement comme dans le cas de frappes aériennes, ils font naître une confusion préjudiciable. Nos alliés potentiels en Libye, étant amenés à croire que nous sommes prêts à les aider, peuvent prendre des risques qu’ils n’auraient pas pris autrement.
D’une manière générale, alors que la guerre en Afghanistan continue depuis 9 ans, l’opinion publique occidentale (et en particulier américaine) pourrait ne pas soutenir une autre guerre douteuse basée sur l’exagération d’une menace.