« Voudriez-vous me dire, s'il vous plaît, par où je dois m'en aller d'ici ?
— Cela dépend beaucoup de l'endroit où tu veux aller.
— Peu importe l'endroit...
— En ce cas, peu importe la route que tu prendras.(Alice au pays des Merveilles)
Mais quand on le sait, comment peut-on arrêter ?
Se mettre en route
Il y a quelques trente ans lorsque Kalima ferma et que certains autres journaux se proposèrent de nous ouvrir leurs colonnes, j’avais, je m’en rappelle, apporter un texte du Pair de France qu’était Chateaubriand pourfendant des lois scélérates, « vandales » dira –t-il, de 1826 qui entravaient la presse , Il avait aussi crée une société des amis de la liberté de la presse :
Le texte était d’une telle vigueur qu’il fut refusé par tous
S’il avait été publié, ce discours du XIX siècle, les choses auraient elles avancé ? Incertitudes de l »Histoire.
30 ans plus tard, je reste admirative de l’engagement de ceux qu’on appelle « intellectuels » :
Certes il faudrait définir ce terme, le sens de l’implication sociale qu’il symbolise dans la marche d’un pays ? Hugo fut exilé (non pas s’exila) et avait enquêté minutieusement dans les taudis du Nord et dénoncé l’exploitation des enfants et des femmes dans les mines, Chateaubriand , qu’on envoya Ambassadeur à Berlin parce que son opposition pouvait devenir dangereuse, Zola qui publia à la une de l’Aurore « j’accuse »et dont la mort est suspecte ( on a même évoqué un assassinat)
Ils publiaient dans les journaux ; Mais, surtout ils étaient lus, Car l’instruction avait considérablement augmenté ; Seule l’école pour tous peut faire progresser une société
Le Royaliste
Homme d’état, ambassadeur, royaliste, aristocrate, mais aussi pamphlétaire, journaliste, Chateaubriand, qui fut un homme balloté dans l’histoire de 1789 et celle de 1830(refusant le monde bourgeois étriqué des intérêts qui est celui du XIX),opposant viscéral à la Monarchie absolue, est contre Louis XVI, et l’ancien régime, de la monarchie de droit divin, tout en détestant autant la Révolution
Royaliste il proclame pourtant bel et bien, dans ‘ Le génie du Christianisme » :« Les rois nous retiennent en arrière, refusent de s’éclairer et veulent rester les hommes du XV siècle dans l’an 1796 », pensée qu’il confirme en 1826 ; Dans Voyage en Amérique « Le sacre usurpe l’élection »
Homme de la Chartre, chantre de la monarchie constitutionnelle, il aurait souhaité pouvoir être le précepteur du Dauphin pour faire son éducation de futur Roi
La Liberté dans tous ses états
Il donne par la relecture de ses œuvres un éclairage original sur le monde qui nous entoure : En effet, tous ses écrits tournent autour, finalement, de la Liberté : Liberté née du XVIII, affermie par les lois et permettant à l’homme de vivre dans le respect de lui-même
Il ne cesse de dénoncer les pays et les états qui bafouent les droits de l’homme les plus élémentaires, la tyrannie, l’arbitraire, la brutalité des pouvoirs autocratiques .Au contraire, il est un ardent défenseur de la monarchie constitutionnelle dont il fait l’éloge, du rôle du parlement, du respect des libertés individuelles et de celui de la presse ;
L’émigré qu’il est, puisque la révolution lui a fait fuir la France, débarque le 10 Juillet 1791 pour y rester 5 mois et visite les chutes du Niagara: L’intérêt que porte France de cette époque aux US est vif !;Et puis ce XVIII siècle est celui des grands voyageurs, Cook, La Pérouse, Bougainville.
Châteaubriand ne part pas dans un optimisme humanitaire comme le Maçon La Fayette , et mais parce qu’attiré vers un monde nouveau, et peut être en héritier digne de Voltaire, il voudra élargir l’Histoire, devenue un véritable genre littéraire, aux idées et aux mœurs
Lui qui se présente « comme le dernier historien des peuples de la terre de Colomb » (Voyage en Amérique) en observant les Indiens, il dénonce le triomphe de l’hypocrisie européenne qui « , incapable d’ôter et de supprimer les vices, se contente de les cacher »
Il se rend compte que les voyages ont des conséquences intellectuelles capitales pour l’homme, mais aussi pour les nations : Celles-ci ne pourront plus jamais être refermées sur elles .
La monarchie parlementaire
La liberté de l’homme est garantie par les Lois, car la légalité protège contre la tyrannie, mais aussi contre l’anarchie, la liberté dont celle suprême des idées et de la presse, Liberté qui, rappelle -t-il fait vivre le monde industriel, liberté de penser « il y aura toujours des hérésies parce que l’homme libre a le droit fondamental de choisir (Discours historiques)
Il prend conscience que l’univers s’ouvre de plus en plus et rend caduque les idées sur lesquelles s’était érigé un univers mental (V en A) : Chaque civilisation n’est qu’une civilisation parmi d’autres, réaffirmant la notion de relativité chère au XVIII.
Homme public , acteur politique, lui qui revendique la paternité de la guerre d’Espagne et de celle contre la coalition turco-anglaise, « j’ai fait l’histoire » reconnait-il dans « Les Mémoires d’Outre Tombe », soutien de la Monarchie « par fidélité », cela ne l’empêche pas de s’opposer à elle au nom de la liberté qu’elle ne garantit plus, de s’allier même avec une certaine gauche libérale, d’être directeur de journal et pamphlétaire (1831De la restauration de la Monarchie élective »)
Mais, mais par refus de profond mépris de l’arrivisme, du carriérisme, des portefeuilles, de l’esprit courtisan et servile, il démissionnera ou sera démissionné
Refusant toute tyrannie, il opte pour une constitution prise sur le modèle de l’habeas corpus anglais, partant du principe que la monarchie, restait ,à tout prendre, le moins mauvais des gouvernements, à condition qu’elle laisse le parlement avoir tout son rôle. Dès ses premiers écrits « les Natchez », il avait affirmé le droit à la propriété, le refus absolu de la torture, dénoncé la misère et l’inégalité des revenus, contre lesquels, lui, l’aristocrate, se révoltait
En conclusion
Dans « La recherche du temps perdu »Proust, à ceux qui le traitent de « poseur », de « grand maitre du chiqué » réplique : »Il est beaucoup plus vivant que vous le dites »
Aristocrate, Comte, Royaliste que peut cet écrivain illustre, né au XVIII siècle, avoir à nous dire à nous gens du XXI siècle, de l’an 2011 ?
Cet ultra, ce royaliste est bien vivant, homme de chaire et de sang qui nous bouleverse par sa compréhension extraordinaire qu’il a de son époque : »Je suis un homme de mon temps, mais aussi , il l’a montré à maintes reprises, un génie visionnaire
Homme expérimenté, lucide, courageux, terriblement, admirablement , terriblement libre, ce qui fait sa grandeur