ET SI DE SA COLERE, JE ME NOURRISSAIS ?
Maman, t'as vu ?
T'as-vu comment elle s'est ouverte, béante la terre ?
Elle a aspiré toute la méchanceté du monde,
D'un coup d'un seul, envolée, annihilée,
en attendant la prochaine saillie,
la prochaine portée de nos viles pensées,
imperturbables métronomes de notre nature humaine.
T'as-vu comment elle a tout avalé, goulue la mer ?
Elle a laissé là, des plots de bâtons d'allumettes,
éparpillés comme dans un jeu de mikado,
le travail de toute une vie, prémices de ces vestiges
qui nous rappelleront encore,
qu'à la taille du cosmos nous ne sommes que de la cendre d’atomes.
T’as vu comment elle a dégobillé la mort, rageuse la vie ?
Elle a enveloppé de son linceul écru,
l’innocence d’un peuple entier,
dont l’honneur qui se mue en fierté,
défie tombeaux et stèles,
témoins d’une guerre aux forces inégales.
Maman, tu sais ?
De leur poussière qu’ils envoient dans les nuages,
retombera la mort, la malédiction.
Ainsi pourriront alors ceux qui survivront,
auguste parachèvement de l’œuvre de Gaia,
celle dont la colère vengeresse est sans pareille.
Elle m’a dit,
qu’elle n’en avait pas encore fini avec nous.
que nos lendemains seraient encore plus durs,
nos nuits plus sombres,
et nos jours plus amers.
Elle m’a dit encore,
que nous n’étions que des gamins,
que nos enfantillages n’enfantaient que le chaos et la froidure,
comme ceux que génèrent nos cœurs,
à chaque arbre coupé, à chaque puits foré.
Maman ?
Je me dis souvent ces jours-ci :
Honte à nous, fils et filles de Lucy,
dilapidateurs d’un héritage,
dont il ne reste que des miettes à laisser en legs à nos enfants,
malheureuse lignée de maudits, de pauvres et de bannis !