On trouve de tout à Shizuoka

Par Florentw
Le Japon vis actuellement heures très dures. La catastrophe et ses multiples retombées sont effroyables.
Pour s'en distraire un peu, parce que la vie doit continuer, quoi de mieux pour moi que de parler un peu thé?Cette fois, c'est le tour des thés de ma sélection en provenance de Shizuoka.
Il y en a quatre. Trois sencha et un thé noir japonais.
Commençons par le plus classique, un thé de Hon.yama, c'est à dire un thé en provenance des régions montagneuses au nord de la ville de Shizuoka, longeant les rives de la rivière Abe. Loin des fukamushi sencha (étuvage long) grossiers produits en quantité astronomiques dans les plaines de Shizuoka, nous avons là une production soignée, un futsumushi sencha (étuvage standard) fin et profond. 
 Il s'agit d'un mélange du cultivar Yabukita, qui apporte sa touche classique de fraiche et douce astringence des thés des montagnes, et de Okumidori, qui apporte douceur et belle couleur sans être un cultivar marque par un fort particularisme. Le résultat est bien un Hon.yama qui ressemble a un Hon.yama, avec un équilibre parfait entre douceur, astringence et champêtre parfum. C'est un grand sencha vraiment classique.Pour la préparation, la aussi, du classique, avec un temps d'infusion plutôt long, entre une minute et une minute trente selon vos préférences.
Nous avons ensuite trois productions de Akiyama Katsuhide, en provenance des vallons de la ville de Fuji, au pieds du Mont du même nom. J'ai déjà présente ce producteur à plusieurs reprise, et résumons donc ici par le fait qu'il exploite plusieurs dizaines de cultivars différents, certains chinois même, avec la volonté forte de donner plus de variété  et de parfum au monde du thé japonais grâce aux possibilités qu'offrent les nombreux cultivars de théiers (rappelons que 80% du thé japonais reste dominé par le Yabukita !).
Le premier est l'étonnant Inzatsu 131 印雑131, un cultivar qui trouve ses ancêtres en Inde, plutôt dans l'astringence (ce qui n'a rien d'étonnant avec des racines Indiennes), sa grande particularité est son complexe et piquant parfum dont la dominante rappelle le muguet. J'ai déjà présenté ce formidable thé ici. Je dois avouer que je fus au départ un peu perplexe face au parfum vraiment très personnel de ce cultivar. Mais au bout de quelque dégustations, j'en suis à l'inverse devenu complètement accroc.
Le second est, comme Inzatsu, un futsumushi sencha, produit d'un autre cultivar connu pour son parfum, Kôshun 香駿. Fragrances de fleurs de cerisier japonais, d'amande ou de fécule, un ensemble florale certes, mais rien d'agressif comme sur Inzatsu. Son parfum est subtil, mais clairement prononcé, se faisant sentir de par la gorge comme par le nez.  Les saveurs sont elles aussi florales, astringentes mais d'une fraiche longueur en bouche. Si ce Kôshun n'est certes pas aussi typé que le Inzatsu 131, il reste un sencha original.
L'un comme l'autre ne sont pas de simples curiosités, ce sont de vrai bon sencha fabriqués avec le plus grand soin, et tout le talent nécessaires. Seulement, a la différence du Hon.yama, qui est un classique, ce sont des sencha qui en disent beaucoup sur l'intérêt et la nécessité de toujours aller plus loin dans le travail sur les cultivars. Ceux ci sont la clé de la diversité et d'une amélioration de l'image du thé japonais. En ce qui concerne leur préparation, vu leur particularités, on est tenté d'abord de les infuser à l'aide d'eau plutôt chaude pour des grands sencha, 80-90°C, pour faire ressortir leur fameux parfum. Mais il m'est apparu que cela ne changeait finalement pas grand chose pour le parfum, mais que les saveurs, elles, s'en trouvaient clairement altérées, laissant apparaitre une certaine âpreté. Non, une première infusion entre 70 et 80°C suffit. Une minute d'infusion me semble également tout à fait indiqué.
Enfin, le dernier thé est un thé noir japonais (wa kôcha 和紅茶). Je n'avais au départ de ce projet pas du tout l'intention, de prendre un thé noir, car tout ceux que j'avais jusqu'alors eu l'occasion de boire ne m'ont jamais paru particulièrement passionnant. Même en full leaf, on est toujours proche de chose de type Assam voir Ceylan, pas mauvais, mais sans réel accroche. Bien sûr, ces wa kôcha sont souvent assez doux, bien moins tannique que leurs homologues indiens, cela s'expliquant par les variétés de théiers aussi bien que par le climat (plus on a de soleil et de chaleur, plus la production de tanins dans les feuilles est importante).A propos du Japon et du thé noir, reportez vous à ce billet, cette histoire est passionnante, et, qu'il fut dépensé autant d'énergie dans le passé pour faire du thé noir au Japon n'a pas pu être pure perte ! Cette production de Monsieur Akiyama me l'a démontré à ma grande surprise. Résultat, un wa kôcha dans ma sélection. Bien évidemment, nous n'avons là rien d'un grand Darjeeling, mais un excellent thé noir du quotidien, doux et savoureux, et surtout, exaltant un formidable parfum. Rien à envié à nombre de thés de Assam ou de Ceylan, certains bien plus onéreux !Ce wa kôcha est élaboré avec le cultivar Beni Fûki, variété de théier japonais créé pour la fabrication de thé noir. J'en ai déjà parlé, mais Beni Fûki est aujourd'hui très connu au Japon en tant qu'arme contre le rhume des foins, grâce à un taux très élevé de catéchine type méthyle. Bien sûr, cela vaut pour un Beni Fûki transformé en thé vert, car ce sont entre autre les catéchines qui s'oxydent lorsque l'on fabrique un thé noir. Par ailleurs, en thé vert, Beni Fûki n'est pas fameux, et c'est bien en thé noir qu'il trouve toute sa raison d'être originelle.... je ne cesserai de le dire, le thé ne doit pas être considéré ni comme médicament, ni comme élixir de bonne santé.
Pour finir, j'attends beaucoup de ce que pourra nous proposer notre producteur de Fuji en mai !