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Présomption d'innocence

Publié le 21 mars 2011 par Toulouseweb
Présomption d’innocenceL’enquęte sur l’AF447 provoque quelques faux pas.
La quatričme campagne de recherche de l’épave de l’AF447 commence : c’est probablement celle de la derničre chance et chacun retient son souffle. Cette fois-ci, les moyens mis en œuvre par le BEA, et financés par Air France et Airbus, se concentrent sur une zone de 10.000 kilomčtres carrés Ťseulementť, grâce ŕ de nouveaux calculs a priori fiables. Il est donc plausible que l’épave de l’A330-200 d’Air France soit retrouvée. Ce qui ne signifierait pas automatiquement que les enregistreurs de l’avion puissent ętre localisés, remontés ŕ la surface. Et qu’ils soient un bon état, c’est-ŕ-dire déchiffrables.
La juge Sylvie Zimmerman, chargée du dossier, indifférente au calendrier de travail du BEA, a choisi ce męme moment pour mettre en examen Air France et Airbus, respectivement Pierre-Henri Gourgeon, directeur général, et Thomas Enders, président exécutif. Le télescopage des deux informations est malvenu mais sans doute sans grandes conséquences néfastes.
Tout au contraire, si l’on cherchait ŕ tout prix ŕ Ťpositiverť, on pourrait y voir une preuve supplémentaire de la totale indépendance des enquęteurs du BEA vis-ŕ-vis de la justice. Et inversement. Les deux parties travaillent de concert, comme le veut la loi, mais elles ont aussi le droit de s’ignorer. Les juges sont indépendants, autant que l’est le BEA et le reste n’est que littérature.
Reste le fait que cette double actualité a déjŕ commencé ŕ produit des dommages collatéraux, et cela tout simplement, si l’on ose dire, pour cause d’absence d’explication de texte. La compagnie aérienne qui assurait le vol AF447 Rio-Paris, d’une part, le constructeur de l’avion qu’elle utilisait, d’autre part, sont mis en examen pour homicides involontaires. Mais nulle part dans le déferlement de commentaires de la premičre heure on ne trouve de mention de la présomption d’innocence.
Ce n’est certainement pas le moment de s’interroger, ŕ nouveau, sur le bien-fondé de la maničre française de mener les investigations aprčs un accident aérien. La formule de la double enquęte est celle, et elle seule, prévue par la loi et, en attendant un hypothétique débat sur cette formule, il faut évidemment s’y conformer. Mais en la plaçant dans son juste contexte. Faut de quoi la formule Ťhomicides involontairesť résonne comme une accusation violente, fait trčs mal d’entrée et ne laisse aucune place ŕ la justification de ces termes durs et encore moins aux nuances qui mériteraient d’y ętre apportées.
Dans cet esprit, le cas épineux de l’AF447 occupe une place particuličre. Quoi que l’on entende ici et lŕ, aujourd’hui, cette douloureuse catastrophe reste inexpliquée. Les messages automatiques de maintenances transmis juste avant le plongeon fatal du biréacteur dans l’océan donnent des pistes, certes, et ont conduit, on le sait, ŕ remettre en question le bon fonctionnement des sondes anémométriques, peut-ętre hors circuit par la faute de cristaux de glace. Mais ce n’est pas suffisant pour expliquer l’implacable aboutissement de la séquence d’événements qui ont conduit ŕ la perte de l’avion.
Les attentes imposées aux familles de victimes sont insupportables. Elles sont aussi męlées d’une compréhensible impatience, quels que soient les efforts méritoires du BEA en termes de communication. L’expérience prouve, en effet, que le temps joue contre les enquęteurs : plus longue est l’enquęte, au plus profond risque de se propager le soupçon. Celui de rétention d’informations, voire du complot, un mal qui ne souffre pas d’exception.
Dans ces conditions, on aurait préféré une chronologie plus sage : tout d’abord les nouvelles recherches au fond de l’océan, ensuite les mises en examen. Lesquelles, pour l’opinion publique, ŕ tort ou ŕ raison, n’auront pas le męme sens, le męme impact psychologique, selon que les enregistreurs auront été retrouvés ou non. Autrement dit, les ingénieurs, d’une part, les juges, d’autre part, devraient faire preuve de plus d’humanité tandis que les médias auraient intéręt, pour leur crédibilité, de témoigner d’un plus grand discernement dans le traitement de l’information. Un double souhait qui, tout bien réfléchi, n’est pas utopique.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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