Magazine

C’est quoi une  » blédarde  » ?

Publié le 22 mars 2011 par Maybachcarter

Je me souviens, quand je vivais encore au CMR, on avait coutume de repérer à distance les  » gens du village « . Le teint poussiéreux, des haillons en guise de tenue, le regard perdu et une drôle de manière de traverser la route… Les cousins qui venaient de la campagne, j’en avais horreur. Et j’étais loin d’être la seule. En fait, la plupart des jeunes résidant en ville avaient une forme de mépris pour leurs congénères venant des zones rurales, qui ne connaissaient ni les Spice Girls ni Sisqo ( à l’époque ) ou encore, n’avait jamais mangé de hamburger-frites et de pizzas. Finalement, par rapport à ces gens, on se sentait supérieur, plus cultivé, mieux éduqué et finalement, pas de la même classe qu’eux.

Et puis, chose drôle, quand on change de pays, on passe – pardonnez-moi l’expression – de bourreau à victime. Imaginez-vous. Vous quittez un pays où vous viviez confortablement, où vous baigniez dans VOTRE environnement, pour vous retrouver quelque part où vous devez tout reconstruire. Quand vous avez pas mal voyagé auparavant, vous n’avez sûrement pas ces réflexes mais quand la 1ère fois que vous sortez de votre pays/continent, c’est pour vous installer en France, bien sûr, vous vous sentez en priorité proches des autres noirs que vous croisez au quotidien. Vous vous attendez à une forme d’entraide et de soutien  » entre frères et soeurs « . Or, vous réalisez assez vite, qu’à part la couleur de peau, certains n’ont RIEN EN COMMUN avec vous et vous le font savoir. Et c’est là que çà devient drôle. La fille de la ville que vous étiez devient …la blédarde.

La première fois que j’ai entendu cette expression, j’étais au collège. Je n’ai pas tout de suite fait le lien avec la notion de « villageois » telle que j’en ai parlé plus haut, mais dans mes oreilles çà sonnait déjà péjoratif :  » ton père c’est un p*Tain de blédard « ,  » comment elle est coiffée comme une blédarde elle ! « ..voilà mes premiers contacts avec cette notion. Ce qui était assez troublant, c’est que cette distinction entre blédards et « noirs français » venaient d’enfants..noirs, et nés ici .

Je n’ai jamais osé à l’époque leur demander la définition d’un blédard mais avec le temps et l’observation, j’ai fini par comprendre. Surtout en observant les filles.

Aujourd’hui, tout le monde se moque des  » niafous « , vous savez, ces filles ( souvent noires ) qui traînent en bande, affublées de tissages multicolores et de fringues qui le sont tout autant . La plupart du temps, elles sont françaises, nées ici, et certaines n’ont même jamais mis les pieds dans leur pays d’origine. Mais toutefois, de par la nostalgie des parents et sûrement une envie d’avoir quelque chose à  » représenter « , elles mettent souvent en avant leur bled ( le code téléphonique, les expressions tirées de dialectes et mélangées au Français etc ).

Ce qui est intéressant est que ces filles, dans leurs apparences et comportements, sont des BLEDARDES telles que les immigrées ( c’est-à-dire les Africaines ou françaises d’origine africaine qui sont nées en Afrique ) les voient. Pour prendre mon propre exemple, les niafous me font penser justement aux villageoises dont je parle au début, ces filles qui viennent de la campagne mais essaient TELLEMENT de le cacher de par leur look excentrique ( qu’elles croient  » TENDANCE  » ) qu’elles finissent par être ridicules . Dans MA position donc, une niafou EST une blédarde . Sauf qu’une Niafou ou une Afro-française par exemple, trouvera que le fait que je (ou quelqu’un d’autre) parle avec un autre accent, que je porte du tissu Wax ou que je ne connaisse pas une comptine généralement apprise en CP ici , fait de moi une blédarde. J’ai fini par me dire qu’en fait, beaucoup de gens nés en France attachent la notion de blédarde au territoire, d’où les questions du style  » tu es venu en France à quel âge ?  » .

C’est quoi une  » blédarde  » ?
Si on re-regarde la situation, c’est un peu caricatural mais ces mêmes afro-françaises qui revendiquent leur pays d’origine, se comportent finalement comme des  » petites françaises  » qu’elles sont ( malgré elles ? ). En effet, elles ont envie d’afficher cette attitude « cool » de filles qui sont fières de leurs racines mais dès qu’une autre fille, fraîchement arrivée du même pays en question s’approche, elle est cataloguée comme  » blédarde  » parce qu’elle n’obéit pas à leurs codes..et surtout, parce que finalement, elle n’a pas cette part française qui lui fait défaut. Cette hiérarchisation entre les  » nés en France  » et les  » nés au Bled  » est souvent motif à railleries de part et d’autre d’ailleurs. On reprochera aux un(e)s de revendiquer des racines Africaines qu’ils/elles n’ont pas ( ce cas est particulièrement récurrent lors de vacances au pays ), et on reprochera aux autres de ne pas s’intégrer ou de rester TROP attaché au pays d’origine.

Autant le confesser, avant, j’avais envie de TOUT sauf de passer pour une blédarde auprès des gens. J’avais l’impression que çà ne faisait pas  » bien » , que c’était une forme de provocation ou une manière de dire que j’étais ici de passage mais que je ne comptais pas faire d’efforts dans un pays auquel je ne me sens pas attachée. J’avais surtout peur aussi du regard des gens, des autres, et disons-le, des blancs. Peur d’être enfermée une fois de plus dans le stéréotype de la négresse qui baragouine du français avec un accent chantonnant alors que je maîtrise sûrement l’histoire des institutions françaises mieux que les français  » caucasiens  » eux-mêmes. Mais on grandit et on évolue.

Et aujourd’hui, je ne sais si c’est lié au fait que j’travaille sur un projet qui m’a fait découvrir une Afrique que je ne connaissais pas, mais je trouve la notion de blédarde plutôt positive. Je n’irai pas jusqu’à dire que je la revendique, mais je me suis totalement affranchie des différentes acceptions qu’on lui colle pour créer la mienne. Je ne me sens plus l’obligation de devoir me justifier du pourquoi du comment je parle en argot du pays, je ne me sens plus gênée d’écouter du Makossa ou du Zouglou quand d’autres fredonnent du Tina Arena. Je m’étonne même de la facilité avec laquelle je passe désormais de l’un à l’autre. Certains diront peut-être que j’avais « honte » de ma culture avant, ce n’est pas çà. Je n’avais pas envie plutôt d’imposer quelque chose qui indisposerait  » la masse « . Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, où je suis en mesure d’assumer ma propre individualité, de défendre le fait que ma singularité passe par ce mix et que je n’ai plus envie de choisir entre l’un OU l’autre, ou encore, de garder mes envies de  » faire l’africaine  » pour quand je suis chez moi uniquement.

Cela me permet donc de faire une FORMIDABLE transition avec le dernier numéro de FashizBlack ( magazine de  » blédards  » donc, comme j’ai pu le lire à une époque..) sur lequel j’ai eu particulièrement plaisir à travailler. Le thème principal a été le luxe en Afrique.

C’est quoi une  » blédarde  » ?

Alors bon, les termes peuvent sembler oxymoriques je sais. Par ailleurs, on sait tous que les personnes fortunées en Afrique le sont souvent devenues aux dépends des autres ( présidents qui confondent budget de l’état et comptes bancaires personnels, ministres corrompus etc..) . Toutefois, ayant collaboré avec plusieurs personnes des différents pays concernés par le sujet, j’ai appris énormément. Par exemple, le cas du Ghana. Si sur le plan politique, ce pays est en train de devenir un exemple pour toute l’Afrique noire, je ne savais pas du tout que la nation ghanéenne était A CE POINT développée ( excusez mon ignorance ).

C’est quoi une  » blédarde  » ?

D’après Paulina ( auteure de l’article sur le Ghana ), çà construit à tour de bras et Accra ( capitale du Ghana ) est en train de se transformer à une vitesse vertigineuse. Quelques recherches GOOGLE plus tard, j’ai lu que le Ghana grimpe de plus en plus dans les classements des pays les plus touristiques/ dont l’IDH se développe et le taux de croissance par an frôle les 13% . Je passe sur le LifeStyle à la Ghanéenne, tout est détaillé dans le numéro . Idem pour l’ Angola, qui à peine sortie de la guerre civile, est sur une véritable rampe de lancement. Il est question également de la situation en Afrique du Sud ( avec une interview de David Tlale par ailleurs ), au Sénégal et au Congo Brazzaville également. Ca a été dur de choisir les pays à traiter, j’aurai voulu parler du Kenya ( dont j’ai découvert les blogs Mode dernièrement ) , de la Tanzanie ( un autre grand foyer potentiel de Mode à l’africaine )..mais bon, il y a d’autres numéros à venir et je tâcherai de faire en sorte de mettre toujours un peu plus l’Afrique au coeur du magazine autant que possible.

C’est quoi une  » blédarde  » ?

Pour lire le numéro, cliquez ICI .Recent Comments:


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Maybachcarter 4166 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte