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« Marine Le Pen, ou la candidate de l’anti-France »

Publié le 23 mars 2011 par Dornbusch

Mon camarade et « maitre a penser » Jean Louis Levet a recemment publié une tribune dénonçant l’imposture Le Pen. Cette tribune a manifestement touché le FN au coeur. Je reproduis ce texte

« Un sondage mettant Marine le Pen en tête au premier tour des prochaines présidentielles met toute la classe politique en émoi. La droite, hypocritement, relativise ce constat et veut organiser dans le même temps un débat sur l’islam et la République. La gauche, à la mémoire courte, se contente de renvoyer les causes de cette montée du Front national (FN) sur Nicolas Sarkosy, alors que depuis 2007 elle se donne en spectacle, incapable de produire un projet mobilisateur. Depuis près de deux décennies, le paysage politique national s’atomise. A gauche, la lutte des classes s’est transformée en lutte des clans. A droite, l’affirmation du bien commun s’est muée en une juxtaposition d’intérêts particuliers. Profitant de ce débauchage des valeurs démocratiques, l’extrême droite ne cesse d’engranger des forces. Faut-il rappeler que moins de 200 000 français votaient FN aux élections présidentielles de 1974, et qu’ils étaient près de 6 millions à celles de 2002 et 4 millions en 2007, malgré une campagne focalisée sur le face à face Sarkozy/Royal ?

Lutter contre le Front national nécessite de le combattre sur ses prétendus arguments, ce que ne fait ni la droite, ni la gauche. Le mode incantatoire, l’indignation abstraite, la dérision, ne font que renforcer un électorat confronté à l’approfondissement des inégalités, à la montée du chômage de masse, à une mondialisation sous influence d’une finance non contrôlée. En un mot, à l’absence d’avenir. Marine Le Pen, comme son père, avance masquée derrière le paravent d’un discours valorisant la nation. En réalité, son projet est résolument anti-national : autoritaire dans le champ politique, ultralibéral dans l’ordre politique, nationaliste dans le domaine social, intégriste comme donneur de sens. Un discours valorisant la nation, un programme contre la nation, dans le droit fil de celui des présidentielles de 2002 où Jean-Marie Le Pen sortait un Lionel Jospin sûr de lui, du second tour. C’est sur cette contradiction fondamentale qu’il faut appuyer.

Prenons le volet économique. Le FN propose la sortie de l’euro, la suppression progressive de l’impôt sur le revenu, refuse le « mondialisme », et vante la préférence nationale (« Les français, premiers servis »). Autrement dit, d’un côté, le choix implicite de l’ultralibéralisme, de l’autre du repli sur soi. Un mélange explosif, le tout intégré dans une conception ethnique de la nation, qui prend celle-ci en otage avec une absence de vision globale des grandes mutations en cours. Marine Le Pen reste dans la tradition de pensée de l’extrême droite. Après la dénonciation du communisme dans les années 1960, le FN met à profit les nouvelles peurs de certaines parties de la société française, en dénonçant successivement l’immigration dans les années 1980, le mondialisme dans les années 1990 et 2000, l’Europe et l’étranger aujourd’hui. Ainsi, la recherche du bouc-émissaire à l’extérieur – la mondialisation et l’Europe – est parfaitement symétrique avec celle du bouc émissaire à l’intérieur : l’étranger. Le salut est donc dans la reconstitution de la « vraie France » et de son symbole le franc.

LES MOTS

La manipulation par les mots demeure. Le discours du FN et celui de Marine Le Pen sont toujours bien étudiés sur le plan sémantique. Il faut produire un effet – « sortir de l’euro » par exemple – puis susciter l’émotion : « la nation est en proie à la dislocation, le drapeau tricolore brûle publiquement », disait Marine Le Pen le 17 janvier. Puis, à la recherche de l’émotion, s’ajoute la technique de la répétition. Il faut marteler les mêmes phrases, les mêmes explications, simples et donc rassurantes. A chaque victime, un coupable : l’étranger, l’Europe, la classe politique. En 1996, le délégué du FN d’alors, Bruno Gollnisch affirmait que « les luttes politiques sont des luttes sémantiques : celui qui impose à l’autre son vocabulaire lui impose ses valeurs ». Cette phrase n’est que l’écho pas si lointain de la définition de la propagande que donnait Goebbels : « Nous ne parlons pas pour dire quelque chose, mais pour produire un effet ». Marine Le Pen poursuit la tradition. Cette fois avec la volonté de conquérir le pouvoir.

Il n’est pas trop tard pour que la droite sorte de son cynisme et redécouvre l’intérêt général et que la gauche et le Parti socialiste en particulier redonne sa place à ses valeurs, tant il est vrai que sa grande mission est « de laisser le champ libre au possible, en tant qu’il s’oppose à la soumission passive à l’état actuel des choses ».


Jean-Louis Levet a dirigé l’ouvrage collectif Front national, le parti de l’anti-France. Anatomie d’un programme contre la nation (Publibook, 2001).

Jean-Louis Levet, économiste »


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