Magazine Humeur

Rounds d’observation avant le KO

Publié le 24 mars 2011 par Jlhuss

clay.1300916934.jpg

Il est assez commun d’entendre ou de lire à propos des enquêtes d’opinion, sondages en tout genre et même en grandeur nature (cantonales) :rien n’est joué, nous sommes très loin de l’échéance qui compte véritablement, celle de la présidentielle, les candidats ne sont pas encore en place et même connus” etc.
C’est à la fois vrai et faux.
C’est vrai en ce sens que l’histoire des élections présidentielles a bien montré que c’est en général vers la fin novembre de l’année qui précède l’élection que les choses commencent à prendre véritablement formes, que l’opinion commence à considérer véritablement l’élection, à s’en préoccuper. Ainsi à la lumière de cette expérience on pourrait conclure que 8 longs mois nous séparent de ce véritable « début »
Mais c’est faux de considérer ces périodes qui précèdent l’ultime ligne droite comme neutres, sans effets et facilement « réversibles » Au contraire ces moments sont souvent déterminants pour ce qui concerne l’ambiance de la future élection, son environnement, ses thèmes et, plus important, la validité de la présence ou non de tel ou tel candidat.

dsk-usb.1300917006.jpg

A ce titre on se rappellera certainement la légèreté d’un DSK en primaire contre Ségolène Royal en 2007, certain de sa supériorité intellectuelle et finalement éliminé de la course finale par une « Jeanne d’Arc » s’appuyant sur des enquêtes d’opinion favorables. L’homme du FMI en était pour ses frais et obliger de lui remettre, sur une petite clé USB, les propositions programmatiques dont elle ne fera aucun cas.

giscard.1300917337.jpg

Il y a bien plus longtemps, le sortant Giscard d’Estaing longtemps certain de sa réélection ne vit pas venir dans cette période délétère la bombe à retardement des diamants de Bokassa. Considérés comme pacotilles sans véritable importance, d’abord négligés, puis avoués avec dédain, ils furent finalement un élément déstabilisateur indiscutable.
Ces exemples d’un autre âge, peuvent apparaître obsolètes; ils sont cités ici pour démontrer que c’est pendant cette période « préliminaire » qu’ils furent à l’œuvre, loin de l’échéance véritable. Sans vouloir abuser des métaphores, comparons cette période aux premiers rounds d’un combat de boxe. Apparemment le jeu est égal, le combat relativement équilibré, mais les coups marquent imperceptiblement, usent. Chaque combattant retourne dans son coin avec une égalité apparente mais l’un est plus marqué que l’autre et lorsque le KO survient, ce n’est pas seulement à cause du merveilleux uppercut, mais parce que le gagnant l’a placé après une préparation de longue haleine et usante.
Nous sommes actuellement dans cette période ou les stratégies s’affirment, les coups se rôdent, les thèmes s’affinent. A ce titre la stratégie de l’UMP et tout particulièrement de Nicolas Sarkozy m’apparaît très mauvaise. Ils sont persuadés depuis longtemps que l’évolution des opinions française et plus largement européennes se déplace vers la droite de l’échiquier des idéologies. Ils demeurent figés sur la stratégie de 2007 avec le succès d’un siphonnage réussi des voix du FN. C’est sans compter sur deux variables qui ont radicalement changé.
Ce n’est plus Jean-Marie Le Pen qui dirige le FN et sera son candidat. Cet homme était plus « joueur » que véritable ambitieux en quête du pouvoir. Il s’amusait de ses frasques, de ses provocations et son visage défait au soir du premier tour de 2002 qui le qualifiait pour le second, était à lui seul un aveu. Rien de tel pour la fille, elle court véritablement la course et pas pour rire ! Elle se donne les moyens et travaille. Elle range dans un tiroir discret les accessoires repoussants du père : ils sont là, bien présents mais on ne les brandit plus comme seules amulettes. Surtout elle ajoute la dimension qui manquait au discours du père : la situation économique et sociale, la désespérance vis à vis des décisions  prise ailleurs, d’un Bruxelles des marchands et des banques. Elle va même jusqu’à évoquer les délicates questions environnementales dont le père se préoccupait comme d’une guigne. En clair, Marine Le Pen propose la panoplie complète du parfait parti démagogique, épousant toutes les peurs et angoisses sans en omettre. Ce changement fondamental n’a semble-t-il pas encore franchi la barrière corticale des « siphonneurs » d’hier.
Ils en restent aux questions de sécurité et d’immigration pensant refaire le coup de 2007 alors que pour le plus grand nombre, les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses qu’il ne fallait pas faire. Plus grave, la crise financière puis économique a mis à mal le slogan du travailler plus pour gagner plus, le pouvoir d’achat n’est pas ressenti comme étant au rendez-vous là encore promis et les banques un moment honteuses affichent à nouveau des profits confortables avec des traders tout autant frimeurs et faisant les beaux. Autrement dit l’UMP n’a pas toute la panoplie en magasin y compris dans son discours : on fait à fond sur la sécurité et l’immigration pour cacher l’incapacité à rééquilibrer la finance et le social. Certes la crise est passée par là, certes Marine Le Pen est incapable de répondre aux questions qu’elle soulève, mais dans cette phase tellement importante des « préliminaires » l’UMP est inaudible, non crédible.
Une erreur supplémentaire consisterait à croire qu’un « remplaçant » à Nicolas Sarkozy pourrait faire mieux. C’est encore une illusion que commencent à véhiculer certains membres de l’UMP affolés par le spectre de la déroute. Ils ne font qu’ajouter à la confusion et renforce l’image de looser qui se profile.
Il n’y a qu’une seule manière d’essayer d’éviter la casse définitive pour l’UMP et c’est Nicolas Sarkozy qui en détient la clé. Il doit radicalement tourner le dos à ses vieux conseillers usés, faire l’effort du grand coup de balais : Guéant est maintenant arrivé au stade d’un bon préfet ayant droit au hors cadre et aux pantoufles. Il arrivera bientôt à faire regretter Hortefeux, ce qui n’est quand même pas le moindre tour de force. Nicolas Sarkozy doit se résoudre à abandonner la stratégie du siphonnage sur sa droite, en aucun cas il pourra se hisser à la hauteur démagogique de Marine. C’est donc vers le centre, les républicains progressistes, les gaullistes sociaux qu’il doit réserver ses réflexions. S’il ne réincorpore pas cette dimension sociale-démocrate dans son discours et ses actes, l’affaire sera cuite. L’effort n’est pas mince, il suppose une remise en question d’une politique européenne et atlantiste trop affirmée, la perception sans équivoque de ce qui fut le thème de Jacques Chirac « la fracture sociale » C’est possible mais actuellement ce n’est pas le chemin parcouru et il ne faudra pas attendre trop longtemps : bientôt il sera trop tard. Les dernières annonces de l’augmentation des tarifs d’EDF rendus nécessaires en partie à cause d’une réglementation bruxelloise ne font que rendre les révisions européennes urgentes…

Cette note ne fait aucun cas des ambiguïtés profondes du PS et de ses propres difficultés dans cette phase préliminaire qui culminera pour lui à l’occasion des primaires ouvertes. Cette procédure peut d’ailleurs se révéler finalement payante, selon la manière dont elle sera organisée. Nous reviendrons sur l’analyse de ce côté-là de l’échiquier à l’occasion d’une note spécifique. Qu’il soit simplement souligné que le problème du PS se situera à sa gauche, ce qui devrait renforcer la nécessité pour l’UMP de se préoccuper du centre, car c’est là, et toujours bien là, que les choses se gagnent ou se perdent !

[AgoraVox a publié cette note]


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jlhuss 148 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines