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Guinée, Kazakhstan, pouvoir d'achat... Sarkozy choisit ses combats

Publié le 24 mars 2011 par Juan
Guinée, Kazakhstan, pouvoir d'achat... Sarkozy choisit ses combatsPour son premier conseil des ministres « de guerre », Nicolas Sarkozy préféra d'abord évoquer ... les élections cantonales et ses consignes frontistes. On lui parla un peu de Libye, de politique spatiale et même de numérisation des livres. Pas un mot sur les troubles en Syrie et au Yémen, ni sur la flambée annoncée des prix alimentaires ou d'EDF.
La dégradation du pouvoir d'achat est un sujet qui ne concerne plus Nicolas Sarkozy.
Diplomatie à deux vitesses
L'organisation des opérations militaires en Libye accouche dans la douleur. Mardi 22 mars, Obama et Sarkozy se sont parlés. Le souci du détail narcissique avait conduit les conseillers élyséens à préciser, dans le court compte-rendu de cet échange, que c'est Obama qui a appelé le Monarque, et non l'inverse. Les deux se seraient « entendus sur les modalités d'utilisation des structures de commandement de l'OTAN en soutien de la coalition.» L'OTAN apportera un soutien logistique, un rôle d'« outil de planification et de conduite opérationnelle », rien de plus. Le « pilotage politique », un terme très à la mode, sera confié à un comité ad-hoc... La subtilité est d'importance... symbolique.
Le lendemain, Nicolas Sarkozy tenait son traditionnel conseil des ministres.  Il fit la leçon à ses ministres, et même à Fillon, le premier d'entre eux. Il leur a demandé de jouer « collectif », c'est-à-dire de se plier à la consigne présidentielle pour le second tour des élections cantonales dimanche prochain, le fameux « ni FN, ni PS. » : « Si vous voulez combattre le Front national, faites le sur le fond, au lieu de vous placer sur le plan de la morale. Un ministre n'est pas un homme politique comme les autres, il est tenu à un devoir de solidarité dans l'expression collective, surtout en période électorale. Je suis président de la République, je n'ai pas de position personnelle, un ministre n'a pas à avoir de position personnelle. Une ligne a été définie, Il est trop facile de choisir ce qu'on soutient et de prendre ses distances avec le reste » a rapporté le Figaro, grâce à la confidence bien placée d'un participant.
Sur les troubles en Syrie, pays allié, le Monarque n'eut pas de commentaire officiel à donner. Pas plus que sur le Yémen, dont l'autocrate semble suivre le destin des Ben Ali et autres Moubarak. Sur la guerre en Libye, le ministre Juppé a rappelé qu' « au cinquième jour de l’opération menée au sein de la coalition née du sommet de Paris, les forces françaises ont réalisé plus de soixante missions aériennes qui ont contribué à stopper l’avancée des forces de M. Kadhafi et à sauver des populations.»
Discrètement, ce Conseil des ministres approuva un accord de collaboration sécuritaire signé le 6 octobre 2009 avec le Kazakhstan, qui « permettra de renforcer la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre la France et le Kazakhstan, en particulier les liens entre les polices françaises et kazakhstanaises, afin de lutter plus efficacement contre les menaces criminelles et terroristes.» Ce pays est une dictature particulièrement choyée en Sarkofrance. Les opposants y sont rapidement taxés de terrorisme. On se souvient de la visite du président à vie Nazarbaïev, en poste depuis 20 ans, en octobre 2009. Sarkozy avait expliqué qu'il avait « besoin du Kazakhstan pour résoudre la crise en Afghanistan et en Iran et pour établir de nouvelles relations avec nos amis russes dans la lutte contre les extrémismes.» Quelques milliards de dollars de contrats furent également signés à l'époque.
Un an plus tard, l'autocrate Nazarbaïev revenait pour commander 2 autres milliards d'euros de matériel, y compris nucléaire. Le communiqué officiel saluant cette rencontre soulignait « le droit légitime et imprescriptible de tout État partie au TNP au développement et à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire ». Claude Guéant, encore grand vizir du Monarque, lui avait organisé un chaleureux dîner, avec quelques patrons, vedettes du show-biz et personnalités politiques. La morale sarkozyenne a ses exceptions que la diplomatie comprend.
Cette étrange visite guinéenne
Ce même mercredi 23 mars, Nicolas Sarkozy recevait le président guinéen Alpha Condé, élu en décembre 2010. Cette visite aurait pu passer inaperçue. Mais le timing de cette rencontre étonne. Le journaliste Sylvain Courage, pour le Nouvel Observateur, lève une partie du voile.
Le 8 mars dernier, le président Condé avait fait expulser la société française Getma International, qui exploitait le port de la capitale Conakry depuis 2008. Il y a trois ans, cette dernière avait remporté un appel d'offre contre le groupe Bolloré. Deux jours plus tard, Condé attribuait justement une concession de 25 ans au groupe Bolloré. Et le 23 mars, le président Condé effectuait donc sa première visite officielle à l'étranger en France. Y-a-t-il eu contrepartie ? Une concession portuaire contre une belle rencontre à l'Elysée ?
Necotrans, la maison-mère de Getma, a porté plainte pour corruption internationale. « Nous souhaitons que la justice enquête sur le fait que Bolloré a soutenu la campagne électorale d'Alpha Condé par le biais de l'agence de communication Euro RSCG, qu'il contrôle, et a obtenu la concession du port de Conakry » a justifié son avocat. « Nous engagerons des plaintes contre tous les propos inqualifiables et scandaleux de Necotrans, qui organise une campagne pour salir une entreprise du CAC 40 et obtenir de l'argent. Il est inadmissible de faire croire qu'un groupe comme Bolloré ait pu corrompre un chef d'Etat étranger » a répliqué l'avocat du groupe Bolloré.
Depuis quelques temps déjà, Alpha Condé, ancien opposant emprisonné, s'était rapproché de Bolloré, avec le soutien de Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères. Depuis, Kouchner est même devenu consultant pour Alpha Condé, explique Le Nouvel Obs.  En Guinée, l'ancien ministre est aussi logé dans les locaux de la filiale locale du groupe Bolloré.
Et le pouvoir d'achat ?
L'inflation repart. Même la ­Fédération du commerce et de la distribution l'anticipe. L'envolée du prix des matières premières et du pétrole va se répercuter sur les prix alimentaires. Le Figaro évoque des « hausses spectaculaires » à venir d'ici quelques semaines, pour l'essentiel sur des produits de base comme la farine (+15% à +20%), le café (+10% à +20%), les pâtes (+5% à +10%), l'huile (+5% à +8%), le pain (+5% à +7%), ou le beurre (+4% à +8%). Sur les produits transformés, l'inflation sera plus maîtrisée. En février dernier, la Banque mondiale avait déjà alerté : « Les prix de l'alimentation continuent à augmenter dans le monde. L'indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 15% entre octobre 2010 et janvier 2011, et n'est que 3% en dessous de son pic de 2008. »
Mais ce n'est pas tout. Qui a dit que l'électricité française, à 80% d'origine nucléaire, était bon marché ? Elle l'était sans doute trop puisque le groupe public, présidé par Henri Proglio, réfléchit à une augmentation entre 5,1% et 6,5% par an jusqu'en 2015, soir ... 30% en 5 ans... Rien que ça. Pour le ministre de l'industrie, Eric Besson, interrogé à l'Assemblée nationale, cette hausse n'est que « légère ». On croit rêver. « Nous n'avons que deux préoccupations: la compétitivité de notre industrie, le pouvoir d'achat des Français. Et c'est sur cette base qu'à l'été, pas avant l'été, il y aura une légère augmentation des tarifs de l'électricité.» Il avait déjà démenti l'existence d'un document préparé par EDF pour justifier auprès du gouvernement des hausses « de 28% à 37% » d'ici à 2015, révélée par les Echos. « EDF ne m'a pas transmis de demande d'augmentation des tarifs correspondant aux fourchettes citées (...). En toute hypothèse, un document qui émanerait d'EDF ne saurait engager le gouvernement ».
Eric Besson fut très en verve il y a quinze jours pour défendre un tarif social du mobile. Téléphoner d'accord, mais se chauffer ... Pour 2011, le gouvernement Sarkozy avait réduit ses dépenses de soutien à l'emploi, et limité la hausse des minima sociaux en misant sur une reprise économique qui, définitivement, ne vient pas.
Au final, l'agenda de ce mercredi semblait curieux, presqu'original. Sarkozy n'était pas candidat, pour quelques heures au moins...


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