J'ai assisté hier au point de presse de Nabil Karoui au siège de sa chaine à l’avenue Mohamed V. Le directeur de Nessma TV a cherché à répondre aux multiples polémiques et attaques que subie sa chaine depuis quelques semaines.
Je vais essayer tout d’abord de relayer ce qui a été dit, surtout les clarifications de N. Karoui, pour donner ensuite mon point de vue.
D’une vocation Entertainment à une chaine de News
Le point de presse a commencé avec un bref retour sur ce qu’avait subi la chaine comme pressions et problèmes suite à l’émission du 30 décembre qui était voulue par l’ancien régime comme une contre attaque des chaines Al Jazeera et France 24.
Dans la continuité des événements et de la révolution, Nessma TV s’est vu contrainte en quelque sorte de passer d’une chaine Entertainment (interdiction de parler politique avant) à une chaîne de News.
Nabil Karoui a ensuite déclaré que la chaine allait reprendre petit à petit une grille moins informative et sera diffusé sur Hotbird et le réseau Orange Internet pour toucher une plus grande audience entre téléspectateurs et internautes. La chaine compte aussi récupérer, si le championnat de football reprend, la retransmission de quelques matchs de football.
Avec ce nouveau besoin de concilier entre rentrées d’argents publicitaires et nécessité de respecter sa vocation de chaîne maghrébine Entertainement & News ; Nessma TV se doit de revoir sa grille d’émissions et son positionnement médiatique.
Place maintenant aux polémiques..
Le Talk Show de Hillary Clinton
Première précision, les américains voulaient toucher un maximum d’audience maghrébine d’où leur choix de proposer ce Talk Show à Nessma. Chose que ne pouvait naturellement pas refuser Nabil Karoui, qui a aussi parlé de ce concept, inconnu pour le tunisien, et qui n’a rien à voir avec une conférence de presse classique ou avec un débat télévisuel.
USA ambassy voulait un plateau représentatif de la société civile et avait une liste de questions. Nessma TV n’a intervenue que pour « imposer » des questions qui ne concernaient que le Maghreb arabe.
Sofiene Chourabi a ensuite pris la parole pour exprimer son indignation suite à son exclusion, et celle de Emna Ben Jemaa et Ali Boulila, de ce Talk Show. Nabil Karoui a exprimé son étonnement face à cette tendance de victimisation lui rappelant au passage qu'il est passé sur Nessma TV lorsqu’il a été tabassé par les flics. Il a aussi rajouté qu’à sa connaissance, ce n’était pas Nessma qui les avait refusé.
Cactus Prod et l'abus de pouvoir
Nabil Karoui a tout simplement affirmé qu’il allait attaquer Cactus Prod en justice pour préjudice causé durant des années suite à son association avec les Trabelsi.
Cette concurrence déloyale était un manque à gagner énorme en termes de rentrées d’argents publicitaires, d’émissions avortées et même de factures salées à payer pour éviter une Vendetta.
Le bureau d’études « Sigma Conseil » n’a pas été épargné lui aussi. Le directeur de la chaîne a accusé Hassen Zargouni d’avoir traficoté pas mal de fois les résultats des sondages pour favoriser les émissions produites par Cactus.
Polémique avant/après régime
La déclaration de Nabil Karoui vantant les réalisations du régime de Ben Ali et qualifiant le président déchu de « notre père » a refait surface après le 14 janvier sur Youtube et Facebook.
Pour justifier cette « confession », Nabil Karoui a rappelé toutes les pressions exercées par Abdelwaheb Abdallah et qu’il fallait d’une façon ou d’une autre jouer à ce jeu là. Il a tenu à préciser que sa chaîne n’a jamais diffusé un discours benaliste et que ceux qui le mettent en cause avec virulence maintenant pour cette déclaration d’amour paternel auraient dû le critiquer avec la même force avant le 14.
Conspiration autour du gouvernement de transition ?
La nomination de Moez Sinaoui, Directeur de Communication à Nessma TV, en tant que chargé de la Communication auprès du Premier ministère M. Beji Caïd Essebsi, a été abordé aussi.
Nabil Karoui a rappelé que Moez Sinaoui aidera bénévolement dans l’amélioration de l’image de la Tunisie à l’international et qu’il sera aidé, bénévolement aussi, par Samia Cherif (ecomevent) Fatma Bel Haj Ali (Tunisiana) et Ons Gharbi (TAP)
Et pour comprendre ce choix, il faudra plutôt s’adresser au gouvernement de transition et poser la question à BCE.
Polémique sur le renvoi d’employés de Nessma TV
L’excuse présentée est principalement liée aux difficultés financières qui ont aussi touchées la chaîne et qu’il fallait réduire son effectif. Certaines personnes ayant subies ce licenciement économique avaient des contrats à durée déterminée.
Polémique liée à la laïcité
Le responsable de Nessma a profité de l’occasion pour parler de la ligne éditoriale de sa chaine qui se veut Maghrébine et ouverte à toutes les discussions. Pas d’exclusion donc et un reniement du fait qu’il chercherait à imposer les principes de la laïcité au sein de la société tunisienne.
Une rencontre est prévue avec Rached Ghannouchi alors que Abdel Fateh Mourou est passé hier sur le plateau de Nessma.
Pourquoi toutes ces polémiques ?
J’ai posé cette question et je n’ai pas eu de réponse, ou plutôt j’ai eu un sympathique « A votre avis ? ». Ce que je peux en conclure c’est que Nabil Karoui et toute son équipe ont sûrement une idée plus précise que cette réponse laconique mais qu’ils voulaient éviter de se lancer maintenant dans cette « guerre » qui pourrait et devrait à mon avis passer sur Facebook où la dictature des pages aux milliers de fans fait des dégâts. Qui est derrière tout ça ? Les ex-RCD qui ont déjà usés de cette tactique durant l’ancien régime ou les islamistes bien organisés virtuellement ?
Maintenant, quant au fait d’avoir été convaincu ou non par ses réponses, je reste partagé. Je dirais qu’en temps de crise et de changement révolutionnaire, la communication et le pouvoir de l’information est plus que jamais le nerf de la guerre. Et quand on voit la médiocrité dans laquelle se débat notre paysage audio-visuel trainant les séquelles de l’ancien système et l’incompétence de beaucoup, la chaîne a tout intérêt à se positionner et à profiter de ce vide médiatique.
Qu’elle le fasse en respectant ou pas la déontologie du métier, à travers un lobby ou en jouant sur sa force de communication, ça fait partie des règles du jeu. Un jeu nouveau que les tunisiens doivent apprendre à y jouer et il serait naïf de croire qu'un média de surcroit privé ne dira que la vérité. Il y a tellement d'enjeux derrière cette nouvelle donne auquelle il faudra s'adapter rapidement en agissant et en réfléchissant. Fini le temps de la consommation à la TV7
Et il est clair que le débat reste ouvert et l'affaire Nessma sera loin d'être terminée, au plus grand plaisir de .. Nessma TV