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Le croisé

Publié le 24 mars 2011 par Malesherbes

Voilà que notre ministre de l’Intérieur brandit son dictionnaire pour nous expliquer le sens du mot croisade qu’il a employé le 21 mars sur Figaro.fr. Sa déclaration était la suivante : « heureusement, le président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l'Union africaine". Vous serez sensible, j’espère, à l’hommage que le valet rend ainsi à son maître, génie incontesté qui défend partout, en Arabie séoudite, en Côte d’ivoire, au Yémen, à Bahreïn, en Syrie, en Algérie, en Corée du Nord, et autres, les peuples sous la botte de régimes criminels.

Ce que cet éminent personnage au visage si avenant ignore, c’est qu’un même mot peut avoir plusieurs sens. Ainsi, le plus souvent, le mot âne désigne un animal. Nous constatons que, dans le cas présent, il peut aussi s'appliquer à un ministre, même régalien. N’en déplaise à Claude Guéant, la première image qui vient à l’esprit au mot de croisade, c’est celle d’une expédition menée au Moyen-Ȃge par des chrétiens pour libérer le tombeau du Christ. Comment peut-on être offusqué par le moindre voile islamique et ne pas remarquer que dans croisade il y a croix ? Cette signification la plus fréquente du mot croisade a été rafraichie au vingt-et-unième siècle par Ben Laden qui, par exemple, a déclaré en 2006 : « ils [les dirigeants occidentaux] insistent pour poursuivre leur croisade contre notre nation et piller nos richesses ». Et tout récemment, Mouammar Kadhafi a affirmé qu'il ne laisserait jamais « les pays croisés » prendre possession de la Libye.

Lorsque, à l’été 2007, Claude Guéant avait été chargé d’accompagner en Libye l’envoyée spéciale du président, en la personne de son épouse de l’époque, intronisée ainsi grande spécialiste ès affaires étrangères, j’avais cru que le rôle de M. Guéant était de lui apporter le support de son expérience. Je me demande maintenant si Cécilia n’était pas plutôt la pièce maîtresse de l’opération, chargée de dompter le colonel Kadhafi par son charme.

J’ai entendu ce matin sur France Info une joute entre Sylvie Pierre-Brossolette, du Figaro, et Laurent Joffrin, rédacteur en chef du Nouvel Observateur. Davantage d’accord avec Joffrin qu’à l’ordinaire, la journaliste accordait à notre ministre des circonstances atténuantes, déclarant que sa fonction réclamait une présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qu’il pouvait parfois être fatigué. Non, personne ne travaille continuellement sur ce rythme et, contrairement à ce que certains sont prompts à proclamer, nul ne peut travailler plus de 100% de son temps. Quant à la fatigue de politiques qui ne se déplacent qu’en véhicules officiels, en quoi est-elle supérieure à celle de travailleurs passant chaque jour trois heures ou plus en transports en commun ?


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