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Les Articles littéraires et politiques de Paul Nizan

Publié le 25 mars 2011 par Les Lettres Françaises

Les Articles littéraires et politiques de Paul Nizan
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Ce premier volume rassemble les textes de 1923 à 1935. Nizan écrivait beaucoup car il était sur tous les fronts de l’époque. Si sa vie littéraire ne commence pas avec son adhésion au parti communiste, il est indéniable que celle-ci l’accélère. Tout ce que Nizan lit lui est occasion d’en dégager l’intérêt idéologique ou politique, sans s’embarrasser de vaines élégances. L’élégance est de dire pour quelle cause on parle. Il se place en tête de ceux qui refusent de séparer la littérature de la question sociale, celle-ci de la révolution et donc de l’action du parti communiste. Nizan s’est fait le porte-voix de la cause communiste et tient son rôle avec maestria.
Il lit et critique beaucoup, avec une verve réjouissante dont on ne trouve plus guère l’équivalent. D’abord pour stigmatiser les pions du camp de la bourgeoise qu’il descend sans manière. Parlant de l’édition d’un ouvrage de Chiappe, il écrit : « Admirable collection où s’unissent les curés à mitre et à tiare, les policiers, les traîtres, les maréchaux, les fabricants de la guerre, les radicaux, les fascistes et l’Armée du salut. La bêtise bourgeoise s’y étale avec une merveilleuse satisfaction de soi-même… » Inversement il n’oublie jamais qu’il parle pour les prolétaires dont il veut renforcer la prise de conscience, que l’URSS est leur grande lueur et qu’il faut la défendre. Il ausculte la littérature française, détectant les talents, indiquant de quel côté ils penchent. Cela donne des textes des plus subtils sur Céline, Drieu La Rochelle, Gide et quelques autres, mais parfois de belles erreurs quand il choisit Georgette Guégen contre Marguerite Yourcenar. Nizan était un homme de parti pris et le revendiquait.
Jusqu’à présent on le connaissait plutôt par le début de son légendaire pamphlet Aden Arabie : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. », repris par vingt commentateurs. Presque tout Nizan est d’ailleurs en germe dans ces deux phrases : l’appétit de vie, la jeunesse, le malheur, le droit à l’insurrection, exprimés dans un style rapide, précis, élégant sans apprêt. Après cette tonitruante entrée en littérature il restait à faire une œuvre, ce qu’il a entrepris avec la gourmandise et la pugnacité de quelqu’un qui attendait tout de la vie et de la révolution. Une balle allemande près de Dunkerque en 1940 y a mis fin. Nous n’aurons pas la suite de La Conspiration, cette Soirée à Somosierra, perdue à jamais.
L’autre élément de la légende de Nizan est sa démission du parti communiste en 1939, à la suite du pacte germano-soviétique. Elle a joué pour en faire une victime du parti communiste qui pendant longtemps lui garda rancune de l’avoir abandonné au moment où il était interdit. De ce fait Nizan a été souvent utilisé contre son parti et il n’est pas sûr que cela ait servi sa cause de romancier. C’est bien à tort que Jacques Deguy avance, dans sa préface, qu’Aragon prit ombrage du succès de celui qui apparaissait comme son brillant second. Rengaine dont on aurait pu être débarrassés. Nizan était brillant mais la galaxie littéraire communiste comportait d’autres étoiles non moins brillantes. Voir sur ce point la liste des collaborateurs de Commune.
Ce volume replace Nizan dans les perspectives qu’il se donnait et le sort des stéréotypes dans lesquels son image est restée longtemps figée. Il faut souhaiter qu’Anne Mathieu, architecte de cette édition, puisse publier rapidement les trois autres.

François Eychart


Paul Nizan, Articles littéraires et politiques, tome I, 1923-1935, textes réunis, présentés et annotés par Anne Mathieu, Éditions Joseph K, 2005, 566 pages, 30 euros.


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