Magazine Moyen Orient

Lettres du Golfe

Publié le 26 mars 2011 par Jcharmelot

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   Les présidents qui voulaient devenir rois écartés, les monarques restent (ANALYSE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 25 mars 2011 (AFP) – Les révoltes arabes ont emporté des présidents et en menacent d’autres, mais les monarques semblent pour le moment résister au vent de réformes qui souffle de l’Afrique du Nord au Golfe.
   Pour des analystes de la région, ce paradoxe s’explique par les tentations dynastiques des chefs d’Etat écartés et par la légitimité encore préservée des souverains qui se maintiennent au pouvoir.
   « Il est clair que les premiers à avoir été dans la ligne de mire de la contestation politique ont été les présidents », souligne un expert du Brookings Institute à Doha, Salman Shaikh.
   Le premier à tomber fut Zine El Abidine Ben Ali, en Tunisie, suivi de Hosni Moubarak, en Egypte. Et aujourd’hui, le président Ali Abdallah Saleh, au Yémen, est la cible de la colère de manifestants qui exigent son départ.
   « Les gens se sont révoltés contre des régimes présidentiels qui voulaient se transformer en familles royales », explique Moustapha Alani, du Centre de recherches sur le Golfe à Dubaï.
   De fait, MM. Ben Ali et Moubarak avaient l’ambition d’adouber un membre de leur famille comme successeur et M. Saleh n’avait pas caché, jusqu’à récemment, son souhait de voir son fils prendre sa place.
   Cette transmission de pouvoir dynastique, en principe étrangère au régime républicain, a permis au président syrien Bachar al-Assad de succéder en 2000 à son père Hafez. Et aujourd’hui le régime de Damas doit, lui aussi, faire face à un début de contestation.
   En Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 12 ans, est confronté à une opposition croissante qui lui reproche d’agir en potentat. Il prévoit de briguer un nouveau mandat de cinq ans en 2014 et de tout faire pour l’emporter.
   En Libye, une rébellion armée, avec le soutien de pays occidentaux et arabes, tente de mettre fin au règne de plus de 40 ans d’un leader autoritaire, Mouammar Kadhafi, dont le fils Seif Al-Islam apparaissait comme l’héritier désigné.
   « Les gens se révoltent aussi contre des dirigeants arrivés au pouvoir comme des révolutionnaires et qui sont devenus à la longue des tyrans », souligne Jamil Mroué, journaliste et commentateur, basé à Abou Dhabi.
   Outre la colère des peuples, l’intervention des armées qui se sont rangées en Tunisie, en Egypte et partiellement au Yémen aux côtés des manifestants est apparue essentielle pour que ces dérives monarchiques soient contrées.
   Les monarchies comme le Maroc, la Jordanie ou les royaumes pétroliers du Golfe ont, elles, mieux résisté aux mouvements de colère populaire et les armées qui défendent ces régimes n’ont pas montré de signe de nervosité.
   A Bahreïn, la contestation de la dynastie sunnite par des manifestants chiites a été réprimée lorsque les exigences des protestataires à plus de participation politique se sont transformées en appels à la chute de la royauté.
   « Les monarchies bénéficient d’une plus grande légitimité et d’une plus grande stabilité, liées à leur ancrage dans des sociétés traditionnelles », assure M. Shaikh.
   En outre, le processus de transmission du pouvoir, même s’il est opaque et souvent l’objet de tractations internes, n’est pas remis en cause. « Un roi a le droit de transmettre le pouvoir à son fils ou à son frère », commente M. Ani.
   Pour autant, ajoute-t-il, « les monarques, s’ils veulent survivre, doivent conduire des réformes. Leur légitimité historique ne les protégera pas toujours. »
   Les monarchies du Golfe bénéficient d’un atout supplémentaire, estime M. Shaikh, face à la nécessité de se réformer: l’Occident, et en premier lieu les Etats-Unis, ne cherchera pas à précipiter les événements. « En terme de pétrole et de ressources énergétiques, il y a trop d’intérêts en jeu », assure-t-il.
   jch/at/cco

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   Yémen: Al-Qaïda que Saleh combat, hantise américaine et saoudienne (PAPIER D’ANGLE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 23 mars 2011 (AFP) – Les émules d’Oussama ben Laden au Yémen sont une source d’inquiétude majeure pour les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, et la lutte contre le terrorisme devrait rester la priorité de tout pouvoir succédant au président Ali Abdallah Saleh, estiment des experts dans la région.
   Le président Saleh, qui lutte pour sa survie politique, avait fait de ce combat un atout majeur dans ses relations avec Washington, comme l’ont révélé des télégrammes diplomatiques américains, pour freiner les critiques sur la corruption de son régime.
   « Les Etats-Unis se sont tus pendant longtemps parce qu’ils avaient besoin de lui pour combattre al Qaïda », souligne un analyste du Carnegie Middle East Program, Christopher Boucek.
   Dès 2000, un attentat contre la frégate USS Cole, au mouillage à Aden, dans le sud du pays, avait tué 17 marins américains et illustré la détermination des affidés de ben Laden à profiter du Yémen, de son terrain difficile et de l’absence de contrôle du pouvoir central sur de larges régions.
   Depuis, le Yémen, où la famille ben Laden a ses racines, a servi de refuge à des groupes terroristes et Washington voit avec méfiance la remise en cause de sa collaboration avec M. Saleh, de plus en plus isolé.
   « Les Américains ne savent pas qui va succéder au président Saleh, et ils ne savent pas ce que ce nouveau pouvoir va faire », a expliqué M. Boucek.
   Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a souligné mardi cette incertitude. « L’instabilité et le détournement de l’attention vis-à-vis d’AQAP (Al-Qaïda dans la péninsule arabique) est certainement ma préoccupation première dans cette situation », a expliqué M. Gates.
   L’aide militaire américaine au Yémen a été portée à 150 millions de dollars en 2010, et le Pentagone a débuté des programmes d’entraînement pour les forces spéciales yéménites. Washington a même obtenu le feu vert de M. Saleh pour lancer des attaques de missiles contre des cibles présumées d’Al-Qaïda au Yémen.
   Dès 2007, les diplomates américains notaient dans leurs télégrammes que le président Saleh utilisait « la double menace du terrorisme et de l’instabilité » pour faire taire les remontrances des Etats-Unis sur sa gestion autoritaire.
   « Saleh se sert constamment de cette tactique pour obtenir le soutien du gouvernement des Etats-Unis », notaient ces télégrammes divulgués par WikiLeaks.
   Cette alliance n’a toutefois pas suffi à prévenir des tentatives d’attaques terroristes contre les Etats-Unis, notamment celle de Noël 2009 par un Nigérian étudiant au Yémen.
   De même, Al-Qaïda a été soupçonné dans une tentative d’attentat en août 2009 contre le vice-ministre de l’Intérieur saoudien, Mohamed ben Nayef, illustrant la vulnérabilité de la dynastie des Saoud, cible privilégiée depuis 1991 de ben Laden.
   « Nous sommes inquiets parce que le Yémen est à notre porte et nous ne voulons pas y voir se développer des problèmes », a indiqué Khaled Almaeena, rédacteur en chef du quotidien saoudien Arab News, rappelant que le royaume partage 1.500 km de frontière avec le Yémen.
   Mais pour le plus gros exportateur de pétrole du monde, comme pour les Etats-Unis, l’importance du Yémen tient aussi à son contrôle du détroit de Bab el Mandeb, entre l’Océan Indien et la Mer Rouge, par où transitent chaque jour quelque trois millions de barils de pétrole en direction du canal de Suez et de l’Europe.
   Dans des auditions récentes, le Congrès américain avait souligné la proximité du Yémen et de la Somalie, pays sans gouvernement de la Corne de l’Afrique où les extrémistes islamiques sont très actifs, et qualifié ce voisinage « de bombe à retardement ».
   Pour M. Almaeena, cette « bombe » n’est toutefois pas forcée d’exploser, même si le président Saleh doit quitter le pouvoir. « Ceux qui seront en charge à Sanaa », a-t-il assuré, « ne permettront pas Al-Qaïda d’opérer à partir du territoire yéménite ».
   jch/at/cnp

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   Ali Abdallah Saleh, un demi siècle « à danser au dessus des serpents » (PORTRAIT)
   Par Jacques CHARMELOT
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   DUBAI, 22 mars 2011 (AFP) – Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, de plus en plus isolé face à la contestation de son autorité, est un militaire qui a joué un rôle unique dans l’histoire mouvementée de son pays depuis un demi-siècle.
   Avec les défections qui se multiplient parmi les officiers, les dignitaires religieux et les chefs tribaux, celui qui a comparé gouverner le Yémen à « danser au-dessus des serpents » donne le sentiment que son parcours touche à sa fin.
   Né le 21 mars 1942, cet homme trapu, au regard perçant et à la moustache fine a fait son entrée dans l’arène en 1962, au moment du coup d’Etat qui a chassé de Sanaa le dernier imam et instauré dans ces régions isolées et traditionnelles de la péninsule arabique la République arabe du Yémen.
   Une guerre civile va suivre, avec l’Egypte de Gamal Abdel Nasser soutenant les militaires, et l’Arabie saoudite, le grand voisin du Nord, apportant son aide aux tribus fidèles au monarque déposé. Elle prendra fin en 1970.
   Dans le même temps, dans les provinces du Sud, les Britanniques contrôlent encore Aden et la façade maritime. Confrontés à une forte rébellion, ils partiront en 1967 et s’installera alors à Aden une république « populaire et démocratique » qui entrera dans la sphère d’influence de l’Union soviétique.
   En 1978, M. Saleh, qui a atteint le grade de lieutenant-colonel, sera choisi par une assemblée constituante pour remplacer le président nord-yéménite Ahmad al-Ghachmi assassiné dans un attentat organisé par le Sud.
   Il s’entoure d’un noyau de proches, dont ses frères, qu’il nomme à des postes-clés de l’appareil militaire et de sécurité. Il s’appuie également sur le parti gouvernemental, le Congrès Populaire Général.
   Mais pour survivre, il va devoir s’accomoder des structures sociales traditionnelles dans ce pays privé de ressources et où chefs de tribus et religieux ont une influence prédominante.
   M. Saleh est lui-même de la tribu des Sanhan, membre de la puissante confédération des Hached.
   « Depuis 1978, il a eu pour conduite, pour assurer la survie de son régime, d’intégrer les cheikhs de tribus dans l’Etat, en leur offrant des sièges au gouvernement et en les faisant bénéficier de subsides », explique Franck Mermier, un expert du Yémen.
   Il va d’abord oeuvrer à la réunification avec le Sud, qui se réalisera en 1990. Il deviendra cette année-là le premier président du Yémen unifié, et quatre ans plus tard il écrase une tentative de sécession sudiste.
   Marié et père de sept fils, M. Saleh est un membre de la communauté zaïdite, une branche du chiisme qui représente environ 30% de la population. Ils sont majoritaires dans le Nord où le président a dû combattre depuis 2004 une rébellion sanglante.
   Cet homme pragmatique a traversé d’autres épreuves, notamment la crise provoquée par l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein en 1990.
   L’Arabie saoudite punit le Yémen pour avoir pris le parti de l’Irak et expulse plus de 700.000 travailleurs yéménites, privant ainsi le pays d’une de ses principales ressources.
   Après 1990, il organise trois élections législatives et deux présidentielles qu’il remporte haut la main en 1999 et en 2006, où il est réélu pour un mandat expirant en 2013.
   M. Saleh a également dû faire face à la présence dans son pays d’émules d’Oussama ben Laden, dont la famille a ses racines au Yémen. Mais il a utilisé cette menace à son avantage en devenant un allié des Etats-Unis, et le récipiendaire d’une aide de 150 millions de dollars par an.
   Aujourd’hui, confronté à un mouvement de contestation sans précédent, il se retrouve de plus en plus isolé. « Le régime n’a plus comme rempart que les membres de sa famille, dont ses deux fils Khaled et Ahmad et ses neveux qui dirigent les forces de sécurité », assure M. Mermier.
   jch-at/tp

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   Arabie: un pouvoir opaque qui freine l’évolution du royaume (PAPIER D’ANGLE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 11 mars 2011 (AFP) – L’Arabie saoudite, où ont été lancés des appels à la réforme, est un Etat où le pouvoir est jalousement contrôlé par la dynastie des Al-Saoud, qui a bâti le royaume à partir de 1902.
   Mais le processus de décision et la question centrale de la succession au trône restent des mécanismes opaques, influencés par des traditions patriarcales.
   Ce fonctionnement gouvernemental rend les rapports des pays occidentaux avec Ryad difficiles, et sont des sources de paralysie pour un pays de 28 millions d’habitants.
   « Les changements ne sont pas dictés par des théories agitées par des étrangers », a expliqué cette semaine le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal.
   « Nous n’avons pas besoin d’eux et cela depuis le temps du prophète Abraham », a-t-il ajouté en référence à la figure mythique du fondateur des trois religions révélées.
   Relativement marginalisée pendant la domination ottomane des terres arabes, l’Arabie saoudite s’est imposée progressivement comme un acteur mondial incontournable lorsque son sous-sol a révélé, à la fin des années 30, des réserves de pétrole sans égales.
   Dès cette époque, la rente pétrolière, qui a pris des proportions phénoménales dans les années 70, a transformé ce territoire majoritairement désertique où l’islam a vu le jour en 622, et révolutionné une société figée.
   Ces ressources ont fait du royaume un partenaire indispensable pour les puissances occidentales, et son immense richesse a aiguisé les appétits de pouvoir dans le pays lui-même.
   Dans la large descendance du roi Abdul Aziz Ibn Saoud, qui a réuni sous sa coupe trois provinces pour créer un Etat en 1932, un groupe de sept frères a joué un rôle crucial.
   Les Soudairi, du nom de leur mère, sont aujourd’hui six, après la mort du roi Fahd en 2005. Il avait accédé au trône en 1982 mais avait dû renoncer à la réalité du pouvoir en 1995 après avoir souffert d’une attaque cérébrale.
   Son demi-frère et prince héritier de l’époque, Abdallah, a alors pris sa place pour être finalement confirmé en 2005 comme souverain. A 86 ans, affaibli par une maladie, il bénéficie encore d’une véritable affection de la part des Saoudiens qui reconnaissent ses réelles tentatives de modernisation du pays.
   Les Soudairi occupent toujours des postes clefs: Sultan, 81 ans, est ministre de la Défense depuis 1962, et prince héritier; Nayef, 77 ans, est ministre de l’Intérieur depuis 1975; et Salman, 71 ans, est gouverneur de Ryad, siège du pouvoir des Saoud.
   C’est entre ces puissants que doit être désigné le successeur d’Abdallah. « Le défi pour le pouvoir est que la question de la succession a surgi à l’horizon », confirme Leigh Nolan, une experte de l’institut Brookings de Doha.
   Des tractations ont été ouvertes pour organiser une transition qui épargne au royaume des tensions aux conséquences incontrôlables, mais rien n’a filtré de ces discussions de coulisses.
   A son retour de convalescence le roi Abdallah a reçu le soutien de centaines de princes et de vassaux, venus le saluer dans son palais, et parfois exprimer des doléances.
   Les pétitions sont la méthode traditionnelle pour exprimer les besoins du royaume, et elle se sont multipliées récemment, explique Mme Nolan. Le prince Saoud al-Fayçal a lui-même affirmé que « les portes des tous les responsables sont ouvertes pour écouter les citoyens ».
   Mais, pour les défenseurs des droits de l’homme, ces méthodes ne suffisent plus : « Les Saoudiens en ont assez de dirigeants à qui ils ne peuvent demander des comptes et qui leur disent d’obéir et de se taire », a assuré récemment Sarah Leah Whitson, la directrice pour le Moyen Orient de Human Rights Watch.
   jch/at/ram

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   Les Arabes du Golfe contre Kadhafi, mais Ryad veut la caution de la Ligue (PAPIER D’ANGLE)
   Par Jacques CHARMELOT
 
   DUBAI, 11 mars 2011 (AFP) – Les Etats arabes du Golfe, dominés par l’Arabie Saoudite, ont renouvelé leur soutien au principe d’une zone d’exclusion aérienne en Libye, mais insisté sur la nécessité pour la Ligue arabe d’apporter sa caution à une telle opération.
   Réunis jeudi soir à Ryad, les six pays du conseil de Coopération du Golfe (CCG) ont considéré que le régime du colonel Mouammar Kadhafi était « illégitime » et ont exhorté leurs pairs arabes, qui se retrouvent samedi au Caire, à « prendre leurs responsabilités pour arrêter le bain de sang ».
   Cet appel à l’action, le deuxième en une semaine, illustre la nécessité pour les riches Etats pétroliers de montrer concrètement leur solidarité avec la population libyenne face à ce qu’ils avaient dénoncé comme un « génocide », dans une déclaration initiale le 22 février.
   Mais la position du CCG souligne également l’insistance du plus puissant pays de la région, le royaume saoudien, à mobiliser une approbation collective des Arabes à une opération internationale contre un membre de la Ligue.
   « La décision du CCG de soutenir une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye n’est pas venue du royaume seul, mais a été prise de façon collective », a souligné Abdul Aziz Sager, un spécialiste de l’Arabie Saoudite au Centre de recherche sur le Golfe.
   Pour autant, Ryad apparaît comme le dernier poids lourd de la région après le récent changement de régime en Egypte, où l’armée remplace provisoirement le président Hosni Moubarak et doit rapidement satisfaire les aspirations démocratiques de sa population.
   La monarchie saoudienne, berceau de l’islam et détenteur du quart des réserves mondiales de pétrole, est restée seule à disposer de l’influence financière et morale pour mobiliser un soutien arabe, attendu en Europe et aux Etats-Unis.
   Mais, comme le soulignent des analystes dans la région, cette responsabilité est d’autant plus difficile à endosser pour le royaume conservateur qu’il voit avec méfiance et même hostilité les ingérences extérieures dans ses propres affaires.
   « Ce qui s’est passé en Tunisie, en Egypte et en maintenant en Libye, est considéré comme des affaires intérieures de ces pays », a expliqué M. Sager à l’AFP. « Et le royaume a toujours défendu et mis en pratique une politique claire de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays ».
   Dans les deux précédents récents les plus significatifs d’interventions internationales dans le monde arabe, le royaume a adopté des positions différentes, illustrant son ambivalence à cet égard.
   En 1990, le roi Fahd avait approuvé le déploiement de troupes étrangères dans le royaume pour chasser Saddam Hussein du Koweït, et cette décision avait alimenté la haine d’Oussama ben Laden contre la famille régnante.
   En 2003, le roi Abdallah s’était opposé officiellement à l’usage par les Etats-Unis du territoire saoudien pour lancer leur invasion de l’Irak, et cette attitude avait contribué à une période de tension avec Washington.
   Aujourd’hui, « la possibilité pour le royaume d’appeler à une intervention en Libye est tempérée par sa forte méfiance à l’égard des interférences d’autres pays dans ses affaires intérieures », a souligné une experte du Brookings Institute de Doha, Leigh Nolan.
   Et cet exercice d’équilibre entre la nécessité d’agir et la réticence face aux interventions étrangères aux conséquences incertaines s’inscrit dans le contexte très sensible de tensions internes en Arabie, où le régime fait face à des appels à plus d’ouverture politique.
   Ces appels s’accompagnent d’incitations à manifester, alors que les lois du royaume interdisent les démonstrations publiques et que les Etats-Unis insistent régulièrement pour que la monarchie respecte la liberté d’expression.
   jch/at/cco

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   Libye : les Etats du Golfe pour une zone d’exclusion, leur rôle incertain (ANALYSE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 9 mars 2011 (AFP) – Les six pays arabes les plus riches ont apporté leur soutien à une zone d’exclusion aérienne en Libye, mais leur rôle dans une telle opération reste incertain malgré la taille de leurs budgets militaires.
   Le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a approuvé cette semaine le principe de cette zone, au moment où le dirigeant Mouammar Kadhafi fait face depuis trois semaines une rébellion armée sans précédent.
   Mercredi, le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal a toutefois insisté sur la nécessité pour la Ligue Arabe –qui se réunit samedi au Caire à ce sujet– d’avoir le dernier mot sur cette décision.
   L’influent quotidien saoudien Arab News a également mis en demeure la Ligue, qui a déjà indiqué étudier l’éventualité d’un accord, de montrer sa détermination sous peine de devenir « inutile ».
   Pour des analystes, une haine ancienne contre le leader libyen et le souci de démontrer leur soutien aux désirs de changement dans la région, ont inspiré la position des six pays qui composent le CCG: l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirat arabes unis, Koweït, Oman et Qatar.
   « Il n’y pas une once d’estime entre les monarchies du Golfe et Kadhafi », souligne le professeur Salman Sheikh, du Brookings Institute de Doha.
   Il rappelle que le dirigeant libyen, au pouvoir depuis plus de 40 ans, profitait régulièrement des sommets arabes pour afficher son mépris pour les monarques du Golfe.
   « Et surtout », renchérit le journaliste Jamil Mroué « il n’y pas une once d’estime entre Kadhafi et le roi saoudien Abdallah », qui, à 86 ans, reste le souverain le plus puissant de la région.
   Les insultes avaient fusé entre les deux hommes lors d’un sommet en Egypte en 2003 consacré à l’Irak et depuis, rien n’a pu les rapprocher.
   Mais au-delà de ces inimitiés personnelles, le CCG, qui contrôle 40% des réserves de pétrole du monde, a voulu démontrer qu’il était attentif aux souhaits de changement dans le monde arabe, exprimés également au sein de ses propres membres.
   « Ils ont voulu montrer qu’ils étaient du côté de la révolution », estime M. Mroué. Au moment où la rébellion libyenne s’organise, le « GGC a trouvé une voix qui représente la voix du peuple », ajoute M. Sheikh, et « ils ont décidé de prendre une position plus déterminée ».
   Pour Moustafa Alani, du Gulf Research Center, « les Arabes du Golfe pensent que cela va lancer un signal fort au régime libyen que la communauté internationale soutient l’opposition et qu’une opération aérienne pourrait « faire pencher la balance en faveur de la rébellion ».
   Pour autant, ces pays qui ont en 2010 commandé pour plus de 120 milliards de dollars d’armes aux Etats-Unis, selon des chiffres officiels américains, sont restés muets sur leur rôle éventuel dans une opération militaire en Libye.
   « Ils ont l’équipement, ils ont la technologie. En magasin, ils ont tous les moyens », souligne M. Mroué, ajoutant que cette participation démontrerait que les Arabes peuvent régler des problèmes régionaux. « Cela renforcerait leur crédibilité: ils pourront dire à leur propre population qu’ils ont agi pour soutenir la révolution ».
   Mais pour M. Alani, les Arabes du Golfe n’ont pas intérêt à se lancer dans un telle opération. « Ils ne veulent pas et ils ne peuvent pas », assure-t-il.
   Pour lui, les Arabes du Golfe sont convaincus qu’il appartient à la communauté internationale de prévenir une guerre civile en Libye.
   Dans l’histoire récente de cette région troublée, il existe toutefois un précédent d’une participation arabe à une mission internationale : la coalition qui, en 1991, a bouté Saddam Hussein hors du Koweït, comptait sept pays arabes sur 34 nations impliquées. « En Libye, ce serait une bonne chose, mais les chances sont minces », estime M. Sheikh.
   jch/ram

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   Révolte arabe: l’islamisme militant discret, la religion reste un ancrage (ECLAIRAGE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 6 mars 2011 (AFP) – L’islamisme militant, souvent considéré en Occident comme incompatible avec la démocratie, a été discret dans les révoltes qui agitent depuis des semaines l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, notent des analystes.
   Et son slogan central -l’islam est la solution- qui a soutenu pendant des décennies des révolutions, des rébellions et des résistances, a été absent des manifestations en Tunisie, en Egypte, à Bahreïn ou au Yémen.
   « C’est vrai que l’islam politique que l’on a connu a disparu », a assuré à l’AFP la sociologue libanaise Dalal Bizri, jointe au téléphone à Beyrouth.
   Depuis les indépendances arabes, le Coran a été brandi par des présidents en quête de légitimité, comme l’égyptien Anouar Sadate, ou par des monarques absolus, comme les rois saoudiens. Et il a été utilisé par des extrémistes comme Oussama ben Laden ou par des tyrans assiégés comme Saddam Hussein.
   L’islamisme a servi de repoussoir à des dictateurs laïcs comme les présidents tunisien Zine El Abidine ben Ali ou égyptien Hosni Moubarak, et à des chefs militaires comme en Algérie, après leur prise de pouvoir de 1991.
   Mais dans les récents évènements qui ont changé le paysage politique arabe « il y a eu peu mention de l’islam », confirme l’analyste Rami Khoury. « Les islamistes ont joué un rôle mineur ».
   « Les gens veulent participer à la vie moderne, et ils ne veulent pas entendre parler du califat », assure Jon Randall, journaliste et auteur de plusieurs livres sur le Moyen Orient et d’une biographie d’Oussama ben Laden.
   « Je crois que les gens sont assez mûrs, et se demandent pourquoi ils ne peuvent pas avoir une société normale: ils veulent des existences normales », a ajouté le journaliste joint par l’AFP à Paris.
   Ce désir de normalité s’exprime dans les exigences avancées par les manifestants aussi bien en Afrique du Nord que dans les pays du Moyen Orient ou du Golfe. Les slogans sans connotation idéologique demandent plus de transparence politique, une meilleure répartition des richesses, et la fin de la corruption, qui depuis des décennies a été la marque du pouvoir dans le monde arabe.
   Et lorsque la religion est abordée comme à Bahreïn, c’est pour souligner l’unité des destins des grandes communautés du monde musulman: les sunnites et les chiites, dont l’opposition dans des pays comme l’Irak ou le Liban fait craindre l’explosion de conflits confessionnels.
   Pour autant, assurent les experts, les principes de la religion à laquelle se réfèrent des centaines de millions d’Arabes, a trouvé sa place dans le processus de transformation de leurs sociétés.
   Comme le souligne M. Khoury, pendant des décennies, les mouvements inspirés par l’islam ont été les seuls à se dresser contre des régimes autoritaires largement soutenus par l’Occident. Ils ont également été les seuls à organiser des résistances efficaces contre l’ennemi historique, Israël.
   « Et c’est eux qui ont rendu possible les récents progrès », a assuré à l’AFP, M. Khoury, « ils ont été à l’avant-garde du défi lancé contre les régimes en place ».
   Outre ce travail de préparation, les organisations islamistes comme les Frères Musulmans en Egypte, sont venues rapidement en soutien des explosions de colères récentes alimentées avant tout par une jeunesse avide de modernité.
   « La Jeunesse des Frères musulmans s’est mobilisée immédiatement, puis la confrérie a mis ses moyens logistiques à la disposition des manifestants, sans chercher à monopoliser le message politique », a assuré Mme Bizri.
   Pour elle « l’islam traditionnel, un islam d’espérance et de non violence a joué son rôle dans les manifestations ».
   « Il est clair que les nations veulent que les valeurs de l’islam influencent leurs sociétés », renchérit M. Khoury, « tout comme le font les valeurs du christianisme et du judaïsme. Des valeurs de tolérance, de charité et de fraternité ».
   jch/sw

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   Libye: les Arabes se méfient de la force, au succès mitigé dans leur région (PAPIER D’ANGLE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 3 mars 2011 (AFP) – Les pays arabes sont réticents à l’idée d’une intervention militaire occidentale en Libye, échaudés par des expériences récentes aux résultats mitigés dans leur région, soulignent les experts.
   Et des analystes dans le Golfe mettent en garde contre le risque qu’une opération musclée ne ravive dans certains cercles arabes l’enthousiasme pour la guerre contre l’envahisseur étranger -le jihad-, un des devoirs de l’islam.
   « C’est trop tôt », a expliqué à l’AFP Moustafa Alani, un analyste du Dubai Research center, « les pays arabes pensent qu’il est prématuré de parler d’intervention militaire ».
   « Le régime de Mouammar Kadhafi peut tomber, le compte à rebours a commencé. Et une intervention ne ferait que compliquer les choses », assure-t-il encore.
   La Ligue arabe s’est prononcée contre une intervention militaire, et cette position -même si elle ne peut prétendre au statut de veto, venant d’un monde arabe en désarroi- n’en constitue pas moins une affirmation de principe claire.
   Pour Jamil Mroué, journaliste et analyste, basé à Abou Dhabi, cette méfiance à l’égard d’une intervention occidentale s’étend également aux responsables de l’opposition libyenne qui animent le mouvement.
   « Les révolutionnaires craignent l’incompétence de l’Occident », assure-t-il à l’AFP. « Ces gens ont échoué en Irak et en Afghanistan, et ils peuvent échouer encore. Et les Libyens redoutent que la révolution ne se transforme en guerre civile et que la guerre civile ne serve de terrain aux islamistes ».
   Bien sûr, ajoute-t-il, « les révolutionnaires libyens sont confrontés à un grave dilemme: « comment peut on arrêter ce fou? », se demandent-ils, mais ils n’ont aucune confiance dans la capacité pour le faire avec une intervention internationale ».
   « En fait », renchérit M. Alani, « Kadhafi pourrait survivre », et une intervention militaire comme en Irak et en Afghanistan mobiliserait les +jihadistes+, qui voient dans l’Occident l’ennemi à abattre. « Est ce que nous voulons voir ce scénario en Libye? », s’interroge-t-il.
   Dans la mémoire collective des Arabes, et dans les réflexions des gouvernements de la région, plusieurs cas récents d’interventions militaires restent gravés avec des souvenirs et des bilans mitigés.
   L’invasion américaine en Irak lancée en mars 2003 sans l’approbation de l’ONU a conduit à une période de désordres civils qui ont coûté la vie à des dizaines de milliers d’Irakiens.
   Avant l’action décisive contre Saddam Hussein trois pays occidentaux avaient maintenu pendant des années au dessus de l’Irak une zone d’interdiction aérienne, sans autorisation explicite du Conseil de sécurité.
   « Il fallait faire face à un désastre humanitaire », a expliqué M. Alani pour justifier la décision des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et de la France de mener des missions au dessus du Kurdistan et du sud chiite de l’Irak.
   L’objectif était de protéger des populations visées par Saddam Hussein après la guerre du Golfe en 1991, mais ces missions avaient permis la destruction systématique des forces aériennes et des défenses anti-aériennes irakiennes, déjà mises à mal durant le conflit. 
   « L’expérience irakienne », insiste Ibrahim Sharqieh, directeur adjoint du Brookings institute basé à Doha, sert d’avertissement « parce qu’elle a été mal menée et qu’elle a provoqué beaucoup de victimes ».
   Les Arabes sont également suspicieux parce que le mandat et les limites d’une éventuelle intervention en Libye sont mal définis et « personne ne peut en garantir les conséquences ». « Elle pourrait être totalement contreproductive et renforcer Kadhafi », avertit cet expert, dans un entretien avec l’AFP.
   Dans ce contexte très incertain, M. Sharqieh conseille la mise en oeuvre d’une diplomatie arabe plus active, et il incite à la patience: « Nous avons devant nous des semaines de crise. Le statu quo va prévaloir ».
   jch/mh/sw

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   L’argent peut aider les Etats du Golfe, mais il manque à la « révolte arabe » (ECLAIRAGE)
   Par Jacques CHARMELOT

   DUBAI, 27 fév 2011 (AFP) – Des monarchies du Golfe ont choisi de dénouer les cordons de leurs bourses pour tenter de répondre aux critiques de leurs sujets, et cet empressement a donné la mesure de leur inquiétude, estiment des experts.
   Mais si cet expédient peut désamorcer des crises dans les riches états pétroliers, les pays plus pauvres où la « révolte arabe » a commencé devront recevoir une aide internationale massive pour assurer leur développement, préviennent-ils.
   « Il est normal que le roi donne quelque chose à son peuple lorsqu’il rentre de voyage », a expliqué à l’AFP Kate Dorian, analyste de la revue en ligne Platts, basée à Dubaï, en commentant les 36 milliards de dollars d’aides sociales décidés par le roi Abdallah d’Arabie saoudite la semaine dernière.
   « Mais cette fois, c’est plus important. Cela démontre un peu de panique », a ajouté l’analyste. « Le royaume tente d’éviter les troubles qui ont eu lieu en Tunisie et en Egypte ».
   Dans la foulée des mesures prises en Arabie Saoudite, le plus grand exportateur de pétrole du monde, des états voisins ont eux aussi offert des aides à leurs populations.
   Le royaume de Bahrein, où la monarchie est mise en cause depuis deux semaines par des manifestations quotidiennes, a annoncé samedi que 30.000 foyers allaient bénéficier d’une réduction de 25% du coût de leur crédits immobiliers.
   « Il y a également du mécontentement au Koweït », a poursuivi Mme Dorian, « avec une économie qui ne crée pas assez d’emplois », a-t-elle noté au lendemain de l’annonce par le gouvernement koweïtien d’une aide sociale de plus de six milliards de dollars.
   « Dans tous les pays du Golfe, les peuples exigent des réformes sociales, mais pas seulement: voila des pays riches où la richesse n’a pas été partagée », souligne-t-elle.
   Ce fossé entre riches et pauvres dans une région stratégique pour les Etats-Unis a été identifié par un responsable militaire américain comme une cause de changements dans des sociétés où la promotion sociale est très difficile.
   « La globalisation a permis aux gens de se parler dans toutes les régions du monde, et de partager leurs idées. Cela va créer une nouvelle ère », a assuré à l’AFP samedi à Koweït le général William Webster, commandant des forces terrestres américaines au Moyen-Orient.
   « Dans les pays où il y a une grande différence entre les pauvres et les riches, je pense que les pauvres auront un rôle plus important », a-t-il ajouté, dans une rare admission que la pauvreté alimente l’instabilité.
   Mais cette situation risque de devenir critique dans des pays pauvres en ressources naturelles, où des années d’incurie politique ont aggravé des problèmes structurels, comme au Yémen, en Egypte ou en Tunisie.
   « L’Egypte et la Tunisie vont avoir besoin d’un effort international coordonné », a expliqué l’analyste Salman Shaikh, pour mener à bien leur transition après l’éviction en janvier et février des régimes des présidents Ben Ali et Moubarak, autocrates accusés régulièrement de corruption.
   De même en Libye, riche en pétrole et en gaz, le régime du colonel Mouammar Kadhafi, désormais assiégé à Tripoli, a financé un système basé sur le clientélisme, peu propice au développement d’une économie dynamique.
   « L’incurie de la conduite des affaires économiques a provoqué une baisse du niveau de vie », a expliqué M. Shaikh, du Brookings Institute à Doha.
   Selon lui, l’avènement rapide d’une ère post-Kadhafi pourrait permettre à la Libye de jouer un rôle moteur dans le développement de cette partie de l’Afrique du nord, tournée vers le reste du monde arabe.
   « La Libye pourrait être le catalyseur du développement en Afrique du nord », a assuré M. Shaikh, pour qui la « révolte arabe » ne pourra déclarer son succès que si elle tient rapidement ses promesses de justice sociale.
   jch/cnp

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   L’argent peut aider les états du Golfe, mais il manque à la « révolte arabe » (ECLAIRAGE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 27 fév 2011 (AFP) – Des monarchies du Golfe ont choisi de dénouer les cordons de leurs bourses pour tenter de répondre aux critiques de leurs sujets, et cet empressement a donné la mesure de leur inquiétude, estiment des experts.
   Mais si cet expédient peut désamorcer des crises dans les riches états pétroliers, les pays plus pauvres où la « révolte arabe » a commencé devront recevoir une aide internationale massive pour assurer leur développement, préviennent-ils.
   « Il est normal que le roi donne quelque chose à son peuple lorsqu’il rentre de voyage », a expliqué à l’AFP Kate Dorian, analyste de la revue en ligne Platts, basée à Dubaï, en commentant les 36 milliards de dollars d’aides sociales décidés par le roi Abdallah d’Arabie saoudite la semaine dernière.
   « Mais cette fois, c’est plus important. Cela démontre un peu de panique », a ajouté l’analyste. « Le royaume tente d’éviter les troubles qui ont eu lieu en Tunisie et en Egypte ».
   Dans la foulée des mesures prises en Arabie Saoudite, le plus grand exportateur de pétrole du monde, des états voisins ont eux aussi offert des aides à leurs populations.
   Le royaume de Bahrein, où la monarchie est mise en cause depuis deux semaines par des manifestations quotidiennes, a annoncé samedi que 30.000 foyers allaient bénéficier d’une réduction de 25% du coût de leur crédits immobiliers.
   « Il y a également du mécontentement au Koweït », a poursuivi Mme Dorian, « avec une économie qui ne crée pas assez d’emplois », a-t-elle noté au lendemain de l’annonce par le gouvernement koweïtien d’une aide sociale de plus de six milliards de dollars.
   « Dans tous les pays du Golfe, les peuples exigent des réformes sociales, mais pas seulement: voila des pays riches où la richesse n’a pas été partagée », souligne-t-elle.
   Ce fossé entre riches et pauvres dans une région stratégique pour les Etats-Unis a été identifié par un responsable militaire américain comme une cause de changements dans des sociétés où la promotion sociale est très difficile.
   « La globalisation a permis aux gens de se parler dans toutes les régions du monde, et de partager leurs idées. Cela va créer une nouvelle ère », a assuré à l’AFP samedi à Koweït le général William Webster, commandant des forces terrestres américaines au Moyen-Orient.
   « Dans les pays où il y a une grande différence entre les pauvres et les riches, je pense que les pauvres auront un rôle plus important », a-t-il ajouté, dans une rare admission que la pauvreté alimente l’instabilité.
   Mais cette situation risque de devenir critique dans des pays pauvres en ressources naturelles, où des années d’incurie politique ont aggravé des problèmes structurels, comme au Yémen, en Egypte ou en Tunisie.
   « L’Egypte et la Tunisie vont avoir besoin d’un effort international coordonné », a expliqué l’analyste Salman Shaikh, pour mener à bien leur transition après l’éviction en janvier et février des régimes des présidents Ben Ali et Moubarak, autocrates accusés régulièrement de corruption.
   De même en Libye, riche en pétrole et en gaz, le régime du colonel Mouammar Kadhafi, désormais assiégé à Tripoli, a financé un système basé sur le clientélisme, peu propice au développement d’une économie dynamique.
   « L’incurie de la conduite des affaires économiques a provoqué une baisse du niveau de vie », a expliqué M. Shaikh, du Brookings Institute à Doha.
   Selon lui, l’avènement rapide d’une ère post-Kadhafi pourrait permettre à la Libye de jouer un rôle moteur dans le développement de cette partie de l’Afrique du nord, tournée vers le reste du monde arabe.
   « La Libye pourrait être le catalyseur du développement en Afrique du nord », a assuré M. Shaikh, pour qui la « révolte arabe » ne pourra déclarer son succès que si elle tient rapidement ses promesses de justice sociale.
   jch/cnp

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   Abdallah reprend les rênes du royaume dans un monde arabe bouleversé (ECLAIRAGE)
   Par Jacques CHARMELOT
  
   DUBAI, 23 fév 2011 (AFP) – Le roi Abdallah d’Arabie saoudite, le plus puissant monarque du Golfe, a pleinement repris les rênes de son pays mercredi, dans un monde arabe radicalement transformé depuis qu’il l’a quitté.
   « Il doit être très secoué », a commenté un chercheur britannique Neil Partrick, dans un entretien téléphonique avec l’AFP depuis Londres, alors que le roi de 86 ans atterrissait à Ryad après trois mois d’absence.
   Depuis son départ, le 22 novembre, pour des raisons de santé, des bouleversements tout autour de son royaume, qui abrite les plus vastes réserves arabes de pétrole, ont transformé le paysage du Moyen-Orient et du Golfe.
   « L’idée que des coalitions d’élites pouvaient maintenir la stabilité d’un système s’est révélée fausse », a souligné M. Partrick.
   Face à des révoltes populaires soutenues par les militaires en Tunisie et en Egypte, deux autocrates affairistes et brutaux, que le roi avait côtoyés au sein de la Ligue Arabe, ont été évincés.
   Le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali a été accueilli le 14 janvier à Jeddah, au nom de l’hospitalité arabe, et le président Hosni Moubarak a été chassé du Caire, le 11 février, par la foule et l’armée.
   Le leader libyen Mouammar Kadhafi, dont Ryad n’a jamais apprécié les débordements, est confronté à une révolte sans précédent qu’il tente de mater dans le sang. Et au Yémen, à la frontière sud de l’Arabie, le président Ali Abdallah Saleh fait face à des manifestations quotidiennes qui exigent son départ.
   « Il n’y a plus d’immunité », commente Moustafa Alani, directeur de recherche au Gulf Research Center, dans un entretien avec l’AFP à Dubaï. « Il n’y a plus qu’une seule manière de rester au pouvoir, et c’est de répondre aux exigences de votre peuple ».
   Cette « révolte arabe » est arrivée aux portes du royaume depuis que des troubles ont éclaté le 14 février à Bahrein, un archipel de 1,2 million d’habitants reliés par un pont de 24 km aux provinces orientales de l’Arabie Saoudite.
   Une opposition dominée par les chiites réclame de la dynastie sunnite des Al Khalifa qui règne depuis plus de deux siècle la fin de ce qu’elle considère des discriminations sociales et politiques.
   « Les Saoudiens sont très inquiets pour Bahrein: ils savent qu’il ne s’agit pas seulement de la survie du régime mais de l’équilibre stratégique dans le Golfe », souligne M. Alani.
   Ces récents développement avaient été précédés par d’autres changements dans le monde arabe qui avaient alerté les Saoudiens.
   En janvier, au Liban, le gouvernement de Saad Hariri a été écarté après qu’une nouvelle majorité dominée par le parti chiite du Hezbollah se fut formée au Parlement.
   « Les Saoudiens ont perdu un ami et un allié », a souligné M. Alani.
   En Irak, après des mois de vaines tractations, le premier ministre Nouri al Maliki a pu être reconduit grâce au soutien du chef radical chiite Moqtada Sadr, la bête noire de Washington et de Ryad.
   Pour le pouvoir saoudien, cette affirmation d’une plus grande participation des chiites dans le destin de deux pays arabes est considérée avec méfiance. Ils y voient la possibilité pour l’Iran d’exercer une plus grande influence sur les équilibres régionaux.
   Les Etats-Unis, protecteurs des monarchies du Golfe face au danger iranien et gardiens des routes maritimes du pétrole, ont demandé au roi de Bahrein de privilégier le dialogue pour régler la crise.
   Pour autant, cette agitation n’a rien de rassurant pour la monarchie saoudienne. Bahrein fait face aux provinces orientales du royaume, les plus riches en pétrole, habitées par une forte communauté chiite qui se considère discriminée.
   Mais, assure M. Pratrick, les risques de tension sont encore limités: « Depuis les années 90, assure le chercheur, les chiites saoudiens pensent qu’il est préférable de chercher des accommodements dans le cadre du régime ».
   jch/at/sw


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