Ah ! Là ! Là ! Vous ne pouvez pas savoir comment cela m’a fait plaisir en découvrant ce matin ce titre sur la newsletter de 20 minutes Benoît XVI appelle les Français à «faire tomber les barrières de la peur de l’étranger» (25 mars 2011) en même temps que le sous-titre : «Dans un message vidéo diffusé sur grand écran sur le parvis de Notre-Dame de Paris…». Le F-Haineux chanoine de Latran peut aller se rhabiller ! Son camail non plus que son rochet ne lui sont d’aucune utilité : chez lui, il n’y a que les mots mais nullement l’esprit… Le paraître et l’avoir, sans l’être.
Dans de telles occasions, je suis fière d’être catholique quoique croyante mais non pratiquante : c’est tout à fait dans la ligne du respect de la personne humaine – quelles que fussent l’origine et les croyances – que l’on m’inculqua quand je militais à la JOC. L’humanisme, qu’il fût chrétien ou celui de mes maîtres à penser de la Renaissance – Montesquieu, La Boétie, Rabelais ou Erasme – est et restera ma ligne directrice tant que Dieu me prêtera vie.
Ce n’est pas la première fois, souvenez-vous que l’épiscopat et – déjà – Benoît XVI l’avaient rappelé à l’ordre cet été lorsqu’il avait lancé la sinistre «chasse aux Roms»… Paroles d’humanité titrait sobrement l’édito de Guillaume Goubert dans La Croix… Toujours – hélas ! – d’actualité. Il ne s’est lancé dernièrement lancé dans sa “croisade” sur la route des hauts lieux de pèlerinages catholiques que pour tenter de récupérer son électorat de 2007. Nicolas Sarkozy et les catholiques : le divorce ? interrogeait l’éditorial du Monde le 24 août 2010. J’espère qu’il est définitivement consommé.
Fustiger les Roms ou les musulmans, c’est du pareil au même et Amine Benalia Benalia-Brouch – «l’Auvergnat» d’Hortefeux – ne s’y est pas trompé qui se demandait : «Aujourd’hui on attaque les Roms, demain ce sera qui ?» et a d’ailleurs quitté l’UMP (20 minutes, 23 août 2011) pour rejoindre «République solidaire» de Dominique de Villepin qui n’hésita pas à parler d’une tache de honte sur notre drapeau… (Le Monde du 23 août 2011).
Leçons de l’histoire aussi. Je suis absolument certaine depuis belle heurette que si Pie XII avait continué sur la lancée de son prédécesseur (Pie XI, 1922-1939) dans la condamnation énergique du racisme païen du IIIe Reich (encyclique «Mit breddenner Sorge» (1937) le tragique sort des juifs eût pu être changé… Se souvenir également de ce que disait le pasteur allemand Martin Niemöller qui connut l’enfermement dans les camps nazis :
«Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, car je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, car je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, car je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, car je n’étais pas juif. Et quand ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester»…
Or donc, Benoît XVI s’est exprimé hier à l’occasion de la réunion sur le «Parvis des gentils» de croyants et non croyants (je ne saurais dire dans quelle proportion). Entendre «gentils» au sens de «païens» donné par les juifs et les premiers chrétiens (l’on retrouve cette expression dans grand nombre des épîtres de Saint-Paul). Je ne pense pas qu’elle dût s’appliquer stricto sensu aux musulmans puisque les trois grandes religions monothéistes révélées – juive, chrétienne et musulmane – sont dites «du Livre» car ils ont la Bible en partage…
J’ai eu assez souventes fois l’occasion d’exprimer mon désaccord avec les prises de position aussi tranchées que rétrodrades de Benoït XVI – divorce, contraception et avortement, homosexualité, mariage des prêtres ou ordination des femmes – pour ne pas saluer comme elle le mérite une initiative qui ne peut que m’enchanter : nouer le dialogue, unir plutôt que désunir – au contraire d’un Nicolas Sarkozy dont je ne cesse de répéter qu’il est le plus grand diviseur commun (PGDC) - et ce rappel qui tombe à pic : «faire tomber les barrières de la peur de l’autre, de l’étranger», Benoît XVI soulignant à juste titre que «la peur de celui qui ne vous ressemble pas naît souvent de l’ignorance mutuelle, du scepticisme ou de l’indifférence».
Ce message «ferait écho aux inquiétudes des respon-sables religieux France, face à ce que nombre d’entre eux qualifient de ««stigmatisation des musulmans» au sein notamment de l’extrême-droite, mais pas seulement». Il suffit d’avoir dépouillé la presse depuis plusieurs semaines et surtout depuis lundi pour savoir qu’une partie de l’UMP – je précise bien “une partie” pour que l’on ne me fît point de procès d’intention car il y a des gens très bien et qui ne mangent pas du tout de ce pain-là à l’UMP – n’est nullement insensible aux thèses de l’extrême droite.
Je ne saurais dire si Benoît XVI a mis de l’eau dans son vin de messe au sujet de la “laïcité ouverte” mais ce qu’il prône aujourd’hui me convient parfaitement, surtout en contrepoint du prétendu débat sur la laïcité de Nicolas Sarkozy, chez qui elle est de toute façon toujours à géométrie variable, en fonction de son seul intérêt et de son obsession permanente : la présidentielle de 2012…
«Beaucoup reconnaissent qu’ils n’appartiennent pas à une religion, mais désirent un monde neuf et plus libre, plus juste et plus solidaire. Il vous appartient de faire que dans votre pays et en Europe, croyants et non-croyants retrouvent le chemin du dialogue (…) Les religions ne peuvent avoir peur d’une juste laïcité, d’une laïcité ouverte qui permet à chacun et à chacune de vivre ce qu’il croit, en conformité avec sa conscience (…) S’il s’agit de bâtir un monde de liberté, d’égalité et de fraternité, croyants et non-croyants doivent se sentir “libres” de l’être, “égaux” dans leurs droits de vivre leur vie personnelle et communautaire en fidélité à leurs convictions et ils doivent être “frères” entre eux».
Ce message fait bien évidemment écho à cet appel que j’entendis si souventes fois dans ma jeunesse – au sortir de la Seconde guerre mondiale - «Hommes de bonne volonté de tous les pays, unissez-vous !». Il s’en faudrait hélas de beaucoup que cela se fût jamais réalisé, bien au contraire ! mais serait-ce une raison suffisante pour penser qu’il faille jeter le bébé avec l’eau – fort sale ! – du bain ?
Benoît XVI a également raison de demander de «devenir attentifs à resserrer les liens avec tous les jeunes sans distinction»… Quitte à me répéter : un pays qui maltraite et méprise ses enfants – tout en les portant aux nues comme prescripteurs de consommation ! la pub jouant sur «l’enfant roi» ce qui revient à en faire de petits tyrans sans éducation – se conduit tel Cronos dévorant les siens et ne saurait avoir aucun avenir.
Benoît XVI ajoutant à ses préoccupations «ceux qui vivent dans la pauvreté ou la solitude, ceux qui souffrent du chômage, traversent la maladie ou se sentent en marge de la société».
Car c’est le même pays qui met la plus grande majorité de ses «vieux» sur la paille. Ne croyez pas la bande de connards qui présentent les retraités comme des bobos profiteurs. J’en connais bien plus qui vivent comme moi avec 900 euros par mois ou 1500 au grand maximum – parfois encore bien moins pour ceux qui ne perçoivent que le «minimum vieillesse» (entre 500 et 600 euros). Et quant à penser que nous aurions été particulièrement gâtés pendant notre jeunesse et notre vie active, c’est encore une belle foutaise.
Certes, jusqu’en 1975 il n’y eut pas le chômage de masse – ce qui veut dire entre parenthèses que les salariés du baby-boom (ma génération) n’ont connu que 10 ou 15 années de plein emploi… Privilégiés ? Ah ! ouiche, alors : j’ai repris mes fiches de salaire quand j’ai préparé mon dossier pour la retraite. En 1972 lorsque j’ai débuté comme infirmière dans une usine d’Orléans, nous travaillions 44 h 30 par semaine…
Mais nous avons eu uniquement le droit de payer des cotisations sociales et des impôts, aucun des avantages qu’eurent par la suite les jeunes qui sont venus après nous : ni carte de la SNCF (uniquement un billet annuel de congés-payés) ni moins encore d’allocation-logement, y compris pour les jeunes vivant dans des foyers de jeunes travailleurs. Entre 1965 et 1968, quand je vécus en foyer chez les bonnes sœurs d’Orléans (où j’avais été en pension) je payais plein pot : la moitié de mon salaire…
Je suivis hier en fin d’après-midi un débat (i-télé ou BFM) portant précisément sur les personnes âgées – maintien à domicile ou hébergement en maison de retraite – et l’Allocation-dépendance. Un spécialiste (je n’ai pas retenu son nom) affirmant in fine que les plus jeunes n’accepteraient pas d’être mis à contribution. MERDALOR ! Avec l’argent de qui ont-ils été élevés ? Qui leur a permis de faire des études ? Sinon le travail de leurs parents, grands-parents - ceux-là mêmes pour qui nous avons tous cotisé et payé des impôts qui ont servi à tous.
Attention, les stupides égoïstes trentenaires nourris à la vulgate ultralibérale du chacun pour soi ! A 45 ans, “l’entreprise barbare” commence déjà à vous regarder de travers et à 50 ou 55 ans c’est «dégage !»… Vous aurez bonne mise quand vous serez à l’âge de la retraite ou un peu plus tard d’Alzheimer, si vos semblables vous font le même doigt d’honneur. Ce n’est pas encore «Soleil vert» mais cela y ressemble furieusement. J’ai amplement raison d’affirmer que pour régler le problème des retraites et de la dépendance des personnes âgées, il n’y a qu’une seule solution : tuer les vieux à la naissance
Il restera bien évidemment à s’interroger sur l’expression publique de la religion et sa compatibilité avec la laïcité républicaine. Point n’est besoin d’aller chercher très loin. Tout est dit, en matière de libertés, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : «La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (…) l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peut être déterminées que par la loi».
Article 4 que complètent les articles 10 «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi» et 11 «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi».
Puisque l’inénarrable et tout autant calamiteux Claude Guéant se croit autorisé à prôner l’interdiction totale des signes religieux dans les services publics (Libération du 24 mars 2011 entre autres titres) aux usagers aussi bien qu’au personnel, je lui rappellerais seulement – je reviendrais par ailleurs sur l’ensemble de ses prestations depuis dimanche car il mérite amplement une friction à l’huile de cotterets ! - que le Conseil d’Etat dans son avis rendu le 27 novembre 1989 au sujet du port de signes religieux à l’école – il s’agissait de mettre un terme à “l’épidémie” de «voiles islamiques» notamment au collège – n’avait visé que les «signes ostentatoires» et non les signes discrets tels une croix, un croissant ou une étoile de David à condition bien évidemment qu’ils fussent d’une taille raisonnable : sinon ils deviennent ostentatoires.
J’ai suffisamment étudié cet arrêt tout frais émoulu en TD de droit administratif (2e année) ou de libertés publiques (licence) pour être certaine de ce que j’avance et savoir qu’au surplus selon la jurisprudence constante du Conseil d’Etat en matière de libertés publiques il ne saurait y avoir «d’interdiction générale et absolue». Claude Guéant qui selon ce que je lis sur sa fiche de Wikipedia aurait poursuivi des études de droit, serait-il néanmoins un In/juriste de la même eau que Nicolas Sarkozy ?
Je ne sais s’il vous en souvient mais s’agissant de la prise de position de Benoît XVI sur les Roms Bruno Le Maire qui invoquait le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat (dépêche de l’AFP, 23 août 2010) avait raté une belle occasion de ne pas proférer une grosse connerie ! Il fut repris de belle volée le 24 août 2010 par l’auteur de l’excellent blog de 20 minutes «Les actualités du droit» qui posa la question qui tue : Le Pape a-t-il violé la loi de 1905 ?, répondant bien entendu par la négative.
Je pense aujourd’hui comme hier que le Pape n’est nullement intervenu dans les affaires intérieures de la France et qu’il était tout à fait dans son rôle de chef spirituel de l’Eglise catholique en affirmant les principes d’humanité qui doivent guider les croyants à l’égard non seulement des Roms mais également de tous les étrangers. Il en est exactement de même aujourd’hui. Puisse son message d’hier dépasser le plus largement possible les limites de la seule Eglise catholique et de la chrétienté, pour être reçu par le plus grand nombre possible.