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Une maison/une femme/une raison.

Publié le 26 mars 2011 par Alexcessif
Une maison/une femme/une raison.
Impudique et vaincue, la Villa Rose est nue. Ses murs égratignés, écorchée des tableaux, dépouillée de ses tentures, vidée de ses meubles, dévalisée de ses livres partis dans les malles, demain il faudra la pomponner pour les nouveaux proprios. Pour l’heure qui vient dans le soir qui tombe, la cheminée cuit quelques magrets et les déménageurs d’occasions ont la dalle en pente. Un Cahors, vin de cailloux noir comme de l’encre rabote les gosiers. Colorant les canines il fait des mines de vampires à chacun de nos rires que n'arrange pas la lueur des flammèches. Cet après-midi, il y avait de l’enthousiasme à chaque mouvement de meubles et une activité de ruche pour déshabiller la reine, souveraine déchue d’avoir trop été envahie, trop dévastée par le fleuve comme un amant fougueux et imprévisible. Jacky  a fait un nœud de chaise pour accoupler deux échelles avec un bout tandis que j’écartais les branches du tilleul avec un bambou. David, équilibriste un peu kamikaze à cheval sur les barreaux assurait les attaches cependant qu’Alphonse et Phill défenestraient les armoires, les faisaient glisser sur les échelles et que Marco ralentissait la descente.
Sous les regards affolés ou admiratifs des filles les garçons jouent au portefaix une machine à laver sur l’épaule, un frigo sous le bras, et un lave vaisselle dans la poche comme des Gulliver au pays de l’hyperbole. David est préposé au chargement et je me suis taillé un beau succès en découvrant le marche pieds escamotable bien planqué sous la caisse du camion de loc. De la cour des petits à la cour des grands, rien n’a vraiment changé, on s’agite encore et toujours pour un sourire de filles. La Villa Rose tient son nom de cette habitude qu'elle avait de retenir le dernier rayon de soleil rosissant de tout son crépi quant l’astre au couchant s’allongeait sur elle. La petite commune  n’a pas les finances et pas non plus d’évergète pour ériger une digue décente. A l'équinoxe, rien n’entamera la vigueur de l’eau de là. Le batardeau débordé laissera passer le Roméo de la Villa Rose. Les aloses et les lamproies viendront se marrer en regardant par les fenêtres les âmes nouvelles des Capulet des lieux. Le mimosa d’aujourd’hui magnifique et doré n’était qu’un arbuste quand, nomade de l’affect, je n’avais pas encore déposé mon baluchon dans cette vie là rose.
Impudique et vaincue la Villa Rose est humide….."

Mémoire d'un fuyard, schizophrène et plus si affinités.  "Émile Honoré Laforêt. Promoteur immobilier."annonce la devanture.La plaque professionnelle est bien connue sur la place de Bordeaux et d'ailleurs.
Son père, Germain, longtemps en friche et cultivé sur le tard par Zola et Balzac, l'avait affublé des prénoms de l'auteur de "La fortune des Rougon-Macquart" et de celui de "la Comédie humaine" comme si, les lisant, il s'était obéré auprès des deux auteurs.
 Il a bien pris sa revanche l'Emile!
Sur la cruauté de ses lointains camarades de primaire moquant son prénom suranné et sur son hérédité paysanne avec l'ambition gardée de posséder la terre, de déboiser la forêt et de lotir.
Ce matin, pour empêcher sa tête d'enfler, il revient à l'origine de son métier: un modeste état des lieux avant la visite des candidats à l'arnaque.
La maison, mal agencée, inondable, invendable, lui, la vendra.
"Facile" se dit Émile sans se douter de ce qui l'attend.
Dès l'entrée les murs lui compriment la poitrine. Décidément cette bicoque sent la  défaite et ravive des douleurs fantômes comme autant de pièces à conviction. Absentes de la scène de crime, les photos d'un bonheur assassiné dessinent des abîmes blancs sur les murs et des précipices du coté du poumon. Les sons ne se cognent plus contre les meubles comme des bruits aveugles et rebondissent sur les cloisons. La toise du petit dernier, qui grandira ailleurs avec un autre père, réveille en lui l'ancienne peine enfouie des enfants coupés en deux par des jugements de Salomon . Les murs se rapprochent et le plafond descend. Titubant d'ivresse sous la douleur qui l'assaille, il se précipite vers les volets en apnée pompant de l'air pour vaincre sa panique et sa claustrophobie.
Rien à faire:les cadavres sortent des placards et, lui, refoule l'inondation un peu trop souvent.
Un barrage fissuré, est en train de lâcher prise sous les coups des trop nombreuses nuits peuplées de spectres:

"David leurmôme aux yeux cernés échange sa solitude, ses quatre ans et son sommeil contre la compagnie amusée des adultes et l'indifférence de ses parents. Trente deux dents et un mètre soixante seize plus tard, David comprendra la blessure sonore de la risée suivant la dernière phrase de l'ami Priot à la cantonade:
"-Quand t'es défoncé, c'est marrant un nain!"

 Aiguisés de séquelles, les rires taillent le silence dans ce salon hostile coupant dans son âme où se réfugie la mémoire bannie. Passif et écartelé entre leur vie qui prend l'eau et elle qui se noie, cette nuit ou celle d'après, Émile a quitté May lassé de voir leur môme servir de singe savant lors de ces soirées qui dévoraient les journées. Émile s'est laissé cueillir par la mystérieuse chimie de l'air emplissant la maison ou une image invisible dans le carré blanc d'un portrait décroché victime de ses micro sommeils où l'esprit assoiffé de souvenirs s'abreuve une dernière fois aux sources venimeuses de la mémoire.
Un objet tombe et résonne sur le plafond.
"-Un grenier" se dit Émile, "il y a un grenier!"
L'ultime épreuve du fourre-tout déchirants remplis des bibelots de l'enfance.
"Des souvenirs, tu parles" se dit Émile dégrisé, en poussant la trappe en haut de l'échelle de meunier.
Oublié dans la pénombre sous une poutre, un jambon sèche, pendu.
L'imitant, le corps de Thomas Benjamin Dunid en suspension sous une corde, tournoie lentement autour d'un tabouret renversé.....

Et si je vous disait comment on en arrive là? En passant par là:


Le fond est honnêtement bleu ciel pour un après midi de Juillet et moi je révise les noms des nuages. Qu'est-ce que je fous dans cette douce aquarelle?
Pas un souffle de vent. Des cumulo-nimbus suspendus, espacés, répartis dans le cadre formé entre le cèdre et le magnolias d'un tableau qui ne doit rien à la main d'un artiste s'il n'était "Céleste Divin-Aquarelliste". Plus haut, les cirrus s'effilochent sur les bleus qui rivalisent comme les souvenirs de belle-mère de Simone.
Hier soir, elle me serrait la main pour la première fois saisissant la poignée de ma fatigue pour ouvrir la porte de mon alibi: Je ramène la première et dernière femme de ma vie presque intacte à sa maman. Je dois laisser ici Maybe et repartir en solo accompagné d'une légère tristesse. 

 

"-restez pour la nuit!"propose-t-elle.
Il me reste une grosse heure de route et le cocon de la "safety car" risque de n'être pas très sûr. Nous interceptons des regards qui se disent OUI.
Encore plus belle et amoureuse que le premier jour de nos premières vacances May vient renouer avec Elliot, le chien et Clio, la voiture pour rentrer en ville plus tard.
 Au matin, Simone m'embrasse et (m')enchaîne: "Restez à déjeuner vous repartirez ensemble.Auditeur impartial, passif mais pas sans passion me voilà intégré puisque simultanément la bidoche du barbecue gémissant ses dernières braises contre la haie vient d'offrir sans résistance à la lame du Laguiole, son ultime bouchée, l'âme de ma récente belle-mère, son hospitalité et la vie, sa suprême offrande.
Intégré je suis. Intègre, c'est une autre histoire.
Aimer désormais comme "Boudu sauvé des eaux" aime la bouée qu'on lui jette.
La reconnaissance du verbe aimer conjugué dans la panique.
Le besoin de résilience n'a pas la patience d'attendre le désir, avec la complicité des mots tactiques esclaves soumis à la stratégie de ce sentiment opportuniste et 
asexué.
Le besoin d'amour désespéré, forcené et vital ferait aimer le vivant. Juste le vivant et sa chaleur.
Chance, hasard, aléas, compassion du destin: La faveur du présent est du genre humain et de sexe féminin. Ouf!

Pendant le repas et bien au-delà, la chaude mémoire de Simone est comme une scintillante nova lointaine et éteinte. Pourtant brûlante encore. Sa lueur illumine la compréhension désormais et elle adoucie quelques souvenirs blafards avec les couleurs pastels d'aujourd'hui.
May apporte suave et subtile, les retouches personnelles et les nuances à la  gouache de son ressenti de ces petits arrangements avec le passé. Deux mois passés dans l'intimité croissante et constante de Maybe et rien n'indique une quelconque lassitude depuis "l'arrangement" mais la crainte des sentiments factices moi, la contrefaçon, l'illusionniste, l'usurpateur. Simple passeur et fragment du temps! A moins que...
Quand le maïs sera récolté, il faudra tailler la haie.
Ambitieux, le dandy bichon provoque Elliot dix fois plus grand et le vent se lève entrainant quelques fibres de sa carpette d'aiguille de pin dans nos assiettes.
L'aquarelle, déjà change de tons et les camaïeux de bleu rosissent.
Déjà, "fuir ce bonheur de peur qu'il ne se sauve"
Je me détache d'ElleS et prends la route du retour.
Le rond point, l'autoroute et déjà l'envie de lui parler pour ne rien lui dire, juste entendre sa voix.
Je revoie tout mes départs, mes dérobades, mes régressions et mes fuites en avant.
Et surtout mon inaptitude a téléporter le bonheur.
Celui d'avant, si proche et déjà trahit. Trop de rose et pas assez de bleu, il était nécessaire d'abandonner sept ans et sept vies trop étroites et pourtant sans nuages.
 Repenti, j'ignore quel jour nous sommes, quel tableau je suis en train de repeindre et vers quelle nuit je me dirige. On doit être en été! Achevées toutes les autres vies. Luxure, gourmandise, orgueil et paresse, envie et colère. La nuit et l'hiver bientôt seront de retour pour une nouvelle alliance de froidure.
Il me faut devenir enfin moi: j'ai retrouvé Maybe Perhaps, la première peut-être.
"-Quand tu aimes, il faut partir! "insiste lourdement Roman Talist, gardien de l'ordre établi ou de la paix, imitant la voix de Blaise Cendrars.
J'ignore encore et toujours si ce second Moi manipulateur ou bien intentionné travaille à ma sauvegarde ou à ma perte.
Mercenaire de l'ordre, le changement le dérange. Il transmet, dés qu'il le peut à qui l'écoute, sa trouille de la zone inconnue.
C'est la main de Tom B. Dunid et non la mienne qui glisse dans le mange disque moderne le CD de Léotard Philippe.
Tom B. Dunid, le gars en bas débit, l'être qui comprend tout à J+1 est de retour.
La"Caroline....."du poète c'est
 Elle, Maybe, peut être celle "qui j'ose aimer...."
".....qui m'a pris pour un dieu tombé
au moment qu'on n'est plus fidèle
qu'à la dernière rencontrée
une femme! n'importe laquelle
qui tienne encore la nuit couchée
et pour qui on sera sûr et blême
au matin, la pute de soi-même"
Il est grand temps de changer de peau, encore,et de rejoindre le monde des certitudes aléatoires. Délocaliser cette réalité onirique et cette encombrante schizophrénie!
Pourquoi pas une peau de promoteur immobilier?
Squatter l’intérieur d’un spécialiste de la spoliation, c’est fun, non ?
Un lapin blanc passe au loin. Il a en bandoulière, l'outil, le moyen, la méthode, la corde qui me pendra au cou de la dernière femme ou à la poutre dans le grenier.
Je m'acquitte du péage et quitte (maispasque) l'autoroute.
J'ai dit: "au revoir" à Simone.
J'ai menti: c'était "Adieu!"
Ce n'est pas moi!
C'est Tom B. Dunid, Alex Cessif, G. Laloose et le lapin blanc!

Pour reconstruire il faut démolir, parfois: Etat des lieux. Le temps hésite! Il est plutôt celui de solliciter les adducteurs de sa compagne que les abdos fessiers du coureur à pieds. Le médoc de l’intérieur ressemble à une toile de Turner s’il n’était un navire sur le fleuve, vers l’estuaire hors de vue.
Alors c'est Sisley qui s'y collerait et rendrait avec douceur et vérité les camaïeux bleu/gris  de cet après–midi d’octobre  aux langueurs de novembre.
"La foulée des vignerons" voulue par la commune d’Arsac est une enjambée de chat botté sur le pays de cocagne de neuf kilomètres pour la randonnée pédestre et une autre de dix-huit de course à pieds pour les Gargantua, dont Thomas Benjamin Dunid fait partie.
Une dernière consultation du portable avant le départ. Alerte S.M.S:«Pense à l’état des lieux mardi à 10h ne soit pas en retard! »
L’état des lieux d’une tranche de vie!!! 
1 ans de réglage, 7 ans de vie, commune mais pas banale, 1 dérobade, 1 arrangement, 6 mois de cohabitation raisonnable, 3 mois de transition et de semailles. Pile sept ans et cinq minutes plus tard  lors de l’état des lieux du dix kilomètres dedimanche dernier
 « Je suis un arbre!..... »
Presque une décennie, le temps de faire connaissance, les weekend, quelques périples à vélo : 150 kilomètres aller, pour la mériter, et 150 au retour pour s’absoudre de la servitude volontaire de la séparation. La décision de la vie à deux et le transfert de nuit « comme un pont entre deux rives ». Un arrêt sur l’aire d’une station service, un camion de déménagement de chez Do it yourself pour des bras enthousiastes, deux tasses pleines de café et quatre  yeux emplis de promesses.


Couloir : peinture écaillée sur radiateur ; Murs B.E, ;Sols parquet B.E.

Des ajoncs en bordure de chemin griffent les impatients. Tom se cale, attendant son heure et les espaces à venir entre les pampres véritables. Le profil altimétrique de la course avec ses 44 mètres de dénivelé positif n’a rien d’effrayant, pourtant Tom stagne gentiment en milieu de peloton. Au lieu-dit Ligondras et au kilomètre quatre, juste avant le château éponyme la césure se fait entre les stances du 9 kilos et la prose des  18. Vincent fait rimer identitaire avec solitaire et grappille des places étalonnant son propre état des lieux. Le souffle : Bon. État, les cuisses, Bon. Fonctionnement, sauf une légère pointe au mollet et derrière le cuissot tribord dans la zone de l’ichtio-jambier. Des carrés de vignes, de la grave, du sable par endroit, quelques flaques dérivent les coureurs de la trajectoire idéale.

« …….Je suis un arbre et j'ai quatre saisons.
Bien planté dans le sol, des racines jusqu'aux antipodes je suis dans et sur la terre, élancée dans le ciel, je suis un arbre fille.
Kilomètre sept, Château Kirwan, il y a une batterie et une basse. Un ampli pour l'ambiance et des tables dressées pour le casse-croute des randonneurs. A la fin du printemps, de mon printemps, ya un gros zarbre qui s'est planté à côté de moi. Y m'a fait peur çui-là avec ses grosses racines! Eh puis non, finalement. Alors j'ai bourgeonné plusieurs fois. Un bonheur, de bonne heure et, puisqu' on était deux ramures entrelacées, on a construit une cabane pour ne pas se lasser, bien solide avec de grosses branches pour se protéger.
Salon : parquet B.E. Salle de bain : un meuble sous casque une vasque, un mitigeur B.F.la toise improvisée sur la poutre de la mezzanine stoppera sa croissance sur le dernier relevé du petit dernier. La peinture a recouvert les traces des portraits décrochés. C'est l'été, mon été. Les bourgeons ont fleuri, je suis sûre qu'ils vont donner de beaux fruits. En tout cas je fais tout pour: je les nourris de ma sève, je leur donne ma fraîcheur, mon ombrage. Je les caresse de mon feuillage et j'invite quelquefois dans notre arbre, des oiseaux à picorer et partager nos jeux d'eaux et de soleil. C'est pas facile, des fois avec ces chèvres qui viennent brouter mon écorce et ces chiens qui viennent me renifler le tronc. Alors je laisse s'évader quelques feuilles de mon imaginaire, s'envoler portées par la musique, le vent et se poser parfois sur une plage pour y rester, parfois sur la mer pour y voyager, quelques fois entre les pages d'un livre pour y sécher. Qu'importe, j'en ai plein des feuilles! Autant que de rêves! Chambre 1,2 et 3 : Peinture B.E ; Sols B.E. Tom en mal de repère cherche un meneur d’allure. N’en trouvant pas, il continue son train de sénateur remontant station après station le tortillard des concurrents. Les cours gravillonnés contournent les chais où, sur des tréteaux, des magnums, des Jéroboam et desNabuchodosor repusgonflent le ventre devant les randonneurs.
C'est  l'automne, mon automne ou  monotone, je ne sais pas comment on dit: je suis un arbre. Pourtant, de plus en plus de feuilles tombent après l'orage. J'ai peur. Je résiste à la bourrasque encore et toujours …….. » Quatre clés restituées : 2 de l'entrée, 1 de la cave, 1 du garage. "Signez ici" Une bise sur la joue pour deux vies déjà « refaites ». Tom B. Dunid  regarde s'éloigner la petite voiture, le coffre à demi ouvert sur un pécule de souvenirs. Myope et manichéen, il a toujours de la confusion devant la frontière du noir et du blanc et de la faiblesse face à la force du destin. De toute façon, c'est mort! « ….. Je crains que parfois l'une d’elles rencontre un étranger, s'y pose et s'y repose, le caresse et lui plaise. Qu'il me prenne (?!) des petits bouts de bois, des petits bouts de moi! Ce n’est pas ma faute : je suis un arbre !...... » « A la poursuite du temps perdu » lors du ravitaillement en eau Tom a laissé passer cinq coureurs. Le temps retrouvé des cinq places échangées contre un verre d’eau au temple du nectar et de l’ambroisie, il quitte la cour pavée duChâteau Giscours. Sur ce terroir et avec modération un sédiment de mémoire abreuvera l'arbre de nostalgie, sa douceur et ses périls. Un sprint orgueilleux sur la ligne d’arrivée pour le prix d’un rien et la valeur de tout coutera à Tom une douleur à l’ichtio- jambier tribord contre un sablier presqu'honorable   de quatre vingt dix minutes. Il faut quitter le champ clos des pleurnicheries et ouvrir le champ des possibles où déjà les semailles promettent. Trouver la clé de la nouvelle vie. Prendre le corps d'un promoteur immobilier et squatter l'intime d'un spécialiste de la spoliation.
"Un objet tombe et résonne sur le plafond....."
Une maison, un arbre, un promoteur immobilier, ça peut l'faire, non? Pas Sûr:

D'une malle, un vélo et sa remorque, d'une toile noire érigée entre deux spots, elle a annexé quelques mètres carrés de la rue Gambetta habillant le pavé d'un bout de moquette rouge que les passants hésitent à franchir. Le spectacle a déjà commencé: Solen harangue et houspille! Ceux qui passent et les téméraires qui s'assoient. "-J'aime pas les trous, ça m'annnngoisse!" Elle enrôle, elle installe, elle compacte à sa manière un parterre de spectateurs involontaires. Gestuelle de cirque, déplacements exagérés genre petit Poucet mais botte de sept lieux, sa silhouette filiforme charme et l'expression du visage aux mimiques de théâtre de No en instance de maquillage capte le chaland hésitant. "-serrez-vous, c'est frontal, sur les cotés vous n'y verrez pas" Et ça fonctionne:le piéton vertical replit ses cannes et devient statique et assis,obéissant, charmé, acquis, sans avoir encore rien vu. L'abattage de Solen vaut une promesse du bon moment à venir. Laborieuse, la ville aux heures closes s'ouvre aux saltimbanques devant une banque fermée et les commerces somnolents. En cet Aout 2010 qui, à peine entamé, déjà donne des signes de fatigue, étals de candies, déballage, baladins, cracheurs de feux, augustes en redingote, fakirs et gratteurs de guitares, équilibristes et accordéonistes sont les maîtres de la rue pour le off des Fest'arts à Libourne. J'étais dans ma vie d' Émile Honoré Laforêt. J'avais une maison aux rives de cette Garonne qui mouillait les pieds lors des grandes marées quand le mascaret s'invitait au rez de chaussée. L'année Maybe. Miraculeusement retrouvée et aussitôt repartie. Définitivement! Involontairement! les restes de la vie brûlée aux clopes etc... dont il faut solder les cendres du temps. Solen est arrivée un fin d'Aout sans doute ou était-ce en septembre? Qu'importe! c'était la fin du Moi la plus difficile de mon existence Il pleuvait. Sinon elle n'aurait pas été trempée d'orage et de désespoir avec son vélo à plat, sa remorque, sa fortune dans un malle trop petite pour sa passion trop grande, sa marionnette, une sono atone et son enthousiasme pour l'heure un peu douché Moi ,j'avais dans le cœur un grand vide comme celui de la chambre où je ne dormais plus, des rustines et une garbure qui mijotait sur la fonte du poêle. J'ai réparé son vélo tandis qu'elle honorait ma soupe. J'avais des lasagnes en phase terminale. J'ai fait une béchamel et j'ai mis au four à gratiner. Pour pas gâcher, j'ai aussi creusé un puits dans une pomme, que j'ai empli de crème fraiche et de cannelle et mise au four dans un caquelon. Et puis comme l'automne nous faisait sentir son empressement d'envahir l'entre deux mers, et parce qu'elle me rappelait Maybe, Solen a passé l'hiver à se refaire la santé et l'enthousiasme avant de repartir vers sa vie de patachon, d'artiste de rue, de saltimbanque, la foi chevillée au corps, l'espoir dans le cœur et la sébile désespérément vide. Je n'avais pas de questions ni d'opinions sur sa vie de bohème,juste de l'admiration pour sa ferveur et la flamme de ses yeux, elle qui n'avait pas encore renoncé. Amour, succès, reconnaissance. Autant de maladies mentales sont ces obsessionnelles certitudes de croire à son talent auto proclamé et il faut être gonflé de prétention pour prétendre à l'état de gagnant qui touche si peu d'élus pour tant d'appelés. Motivé ni par une gratitude de bouteille à la mer ramassée, ni par la reconnaissance du bas ventre, ou par le retour sur investissement des couples GIE*, attendre le succès ou préserver la puretè de l'amour de la salissure du quotidien relève d'une  même démence. 
Puisque le talent ne suffit pas.  Et pourtant!
Maybe! La synthèse et mon privilège. Il me souvient que je posais après l'amour mon oreille sur son ventre pour écouter la théorie du meilleur spermato preum's à l'ovule. Tu parles: il fait ce qu'il veut, l'ovule! Il bloque l'entrée et attends que tous le monde soit là. Il ne choisit ni le plus vif, ni le plus ceci ou le plus cela. Il choisit le plus compatible. Celui qui complètera ses propres qualités et non pas celui qui l'écraserait de son arrogance de vainqueur. Il n'est pas impossible qu'un vieux têtard, la flagelle au ralenti, se pointe en déambulateur et à la bourre et soit élu.
Il sait attendre. Maybe m'avait attendu renonçant au chant, puisque le talent ne suffit pas, et à la carrière pour déchirer des tickets à l'entrée d'un ciné qui vendait aussi du pop corn, mais surtout pas aux cigarettes qui font rire et ces poumons avaient lâché l'affaire. J'avais quitté son monde pour la retrouver dans le corps de celui qui l'avait aimé avec vingt ans de mieux. J'étais invulnérable. Elle, ne l'était pas. De résilience en résurrection, revenu enfin sur son territoire à coup de subterfuges, transfuge de toutes mes vies où j'avais cru aimer alors que je n'aimais que l'amour, j'avais rejoint son univers, suivi son rythme, respiré sa peau, reconnu sa chaleur et retrouvé la tendresse. Il me fallait encore tout désapprendre et apprendre d'elle.
Fuyant sans cesse le bonheur, de dérobade en débandade et  d'une mue à l'autre, c'est maintenant lui, le fuyard. La vie c'est mortel et, à part l'enclouté qui résurrectionne trois jours plus tard pour rejoindre, pas rancunier, son daron qui est aux cieux, d'elle, qui paya l'addition de tous les excès antérieurs, je ne tiendrais jamais plus le visage entre mes mains. Tandis que j'occupais définitivement la chambre d'amis, Solen vivait des hivers régénérants dans notre alcove désertée à jamais et repartait inlassablement vers sa vie, de tournées en fêtes et de fêtes en festivals. Défaite les lendemains de fêtes, je retrouvais cette migratrice et sa passion échaudée en automne avec dans l'escarcelle aussi peu d'euros que de goy dans un film d'Arcady, puis sa ferveur de nouveau intacte dés le printemps piaffant aux canicules. L'impitoyable arithmétique additionnât les années d'attente de nos chairs qui pourrissaient l'une au tombeau, l'autre dans l'absence et de Solen qui usait sa jeunesse. Trois saisons sur quatre, je partageais cette vie de répétitions, celle des spectacles et celle des déceptions, à la lumière de son soleil, au cœur de mon hiver. Puisque le talent ne suffit pas et comme son ventre s'arrondissait des œuvres d'un illusionniste inconnu qui lui fit un instant de bonheur éphémère, l'effet mère d'un numéro de prestidigi/tateur et parce que le Karouf d'à coté embauchait des caissières*, elle Sourit-Bonjour-Au revoir-Merci* huit heures par jour au bip des code barre sur le tapis roulant de son renoncement. Elle mange presque à sa faim. Elle est juste un peu aigrie.

Solen a remplit son espace. Chaque passant conquis, assis ou debout figé par sa mobilité, sa folie et sa fraicheur. Tout en se maquillant au noir de fumée sous les aisselles et au vermillon sur les lèvres pour un numéro de marionnettiste cracheur de flamme. Elle lace un bustier inutile sur son 85 B gracieux et un nez rouge plus tard au son d'un radio-cassette, elle entame un dialogue de ventriloque avec un négrillon de chiffon sorti de sa malle à malice. Au royaume du pas grand chose et des bouts de ficelles, des crèves-la-faim et des croques-notes, la reine blanche et solaire devient accessoiriste minimaliste qui pénètre avec sa pince monseigneur les chambres fortes des passants réticents. A l'énergie, elle gagne à sa cause, un par un les intrus dans la coulisse de Sa rue devenue coté cour, coté jardin. La narration poétique, comique, émouvante touche la part enfantine des grands et la curiosité complice des petits. Nous la suivons dans sa folie exubérante comme un tournesol suit le soleil de l'aube au crépuscule captivés par ce jour d'été qui durerait vingt minutes. Prés de moi était Maybe. Puis  Solen salue son public assis qui "y va"courageusement de quelques euros et les "debout"de la foule impécunieuse, ingrate pourtant émue et mouvante qui se carapate à la vue de la sébile. Pauvrement riche d'applaudissements nourris, l'artiste dinera ce soir du buffet à volonté de la réalité suivi du plat du jour, de tous les jours, le plat de résistance de l'avarice. Au dessert, le fakir d'à coté viendra avec les cigarettes qui font rire les solitaires des espérances .


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