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Todd devrait rompre avec les philosophies zombies

Publié le 27 mars 2011 par Copeau @Contrepoints

Todd devrait rompre avec les philosophies zombies

Si Todd n’existait pas, on pourrait s’en passer avec bonheur. Malgré ça, des « journalistes » en mal de philosophie prédigérée et d’économie pour les nuls ne peuvent s’empêcher de venir lui demander son avis. Il est vrai que le sociologue / politologue / démographe / historien, plus ou moins adhérent du parti communiste dans sa jeunesse, a certainement des choses à raconter sur l’économie qu’il ne connaît pas, ce qui lui permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc déjà douteusement chargé.

Todd, c’est un bon client du blog.

Socialiste keynésiano-marxiste mal assumé se cachant derrière ses multiples casquettes pour faire passer ses messages boiteux en loucedé, il est de tous les commentaires, de toutes les fines analyses dès qu’il s’agit d’actualité.

Et le dimanche, c’est finalement reposant d’aller voir un bon client. Quand Todd écrit, on entend, dans le fond, le bruit du percolateur à café, des pièces de monnaie qui tombent sur le zinc, des dominos qui claquent sur les petites tables marbrées auxquelles jouent un triplet de seniors chenus, celui de la craie de la Georgette sur l’ardoise qui indique le menu du midi… On sent presque l’odeur caractéristique des bistrots en fin de matinée.

Todd, toujours le mot pour rire

Ce dimanche, Todd nous fait de la réflexion de comptoir.

Mais elle décoiffe ! Marianne, le journal qui combat le mal par le mal, la pensée unique par la pensée foutraque, a envoyé ses habituels gratte-papier coller un gros micro mou sous le nez du sociologue tiret politologue tiret démographe tiret historien tiret pilier de bar, et, comme de juste en pareil cas, cela a immédiatement déclenché, de façon pavlovienne, un torrent d’analyses sur les cantonales et la montée du Front National.

D’après les journalistes, la grille de lecture que Manu nous propose nous serait donc inédite. Comme on va le voir, elle n’est inédite que pour ceux qui ont cette douce tendresse pour Todd de le considérer comme un phare de la pensée française moderne.

Dès la deuxième question (la première aura consisté à remarquer que le Front National monte presque plus vite que l’abstention, ce qui est bouleversant, mais n’y revenons pas), Todd nous assène ainsi sa première découverte, issue de sa grille de lecture si inédite :

la classe dirigeante [des Français] était incompétente. Ou totalement indifférente à leur sort.

La puissance de la déflagration à la lecture d’une telle affirmation est immense : plusieurs paragraphes-carrés de réflexions intense sur la démocratie, l’état qui pourtant devrait nous vouloir du bien, ou le présupposé d’intelligence pour nos dirigeants, volent en petits morceaux. Tout le monde, en effet, était persuadé jusqu’alors que nos élites tenaient le haut du pavé. N’est-ce pas ? Non ? Ah.

Bref.

Après cette révélation, Todd enchaîne enfin sur le coeur de son argumentation : pour lui, les socialistes officiels du Parti Officiellement Socialiste et les ultra-néo-turbo-libéraux (socialistes) de l’UMP se sont accroché à deux options dont tout le monde sait aujourd’hui qu’elles sont obsolètes : le libre-échange et l’euro. Oui. Tout le monde le sait. C’est comme ça.

Partant de cette affirmation clamée haut et fort parce que c’est comme ça, Todd poursuit ensuite sur ses habituels mantra : l’euro doit être démantelé, le libre-échange, c’est caca, et il faut du protectionnisme parce que c’est bon, mangez-en.

Sauf que ces mantras ne sont pas placés dans la bouche de Todd, mais – et là, effectivement, c’est ébouriffant – sont replacés dans le programme du Front National et les babillages médiatiques de Marine Le Pen. Le jeu consiste, dans la suite de l’interview, à déterminer ce qui est la ligne officielle du Front National et ce qui forme le gros des propositions de Todd :

- le Front national peut aussi se déployer sur les thèmes économiques et sociaux en prônant la sortie de l’euro
-les responsables des grands médias doivent être capables de penser en terme de protectionnisme économique, européen si possible.
-s’il y a un problème d’identité nationale pour la France, il réside dans sa relation à l’Allemagne et non dans ses rapports avec les Arabes.

Pour lui, les propositions économiques du Front National sont … courageuses, et le protectionnisme et la dévaluation ramènent à la notion de solidarité nationale. Manu et Marine devraient faire des dîners-débats ensemble, ce serait croustillant.

Todd montre ainsi ce que tout ceux qui avait réfléchi deux minutes savaient déjà : les socialistes et autres altercomprenants économiques se retrouvent très à l’aise avec les fariboles du Front National.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant de retrouver exactement les mêmes propositions de dévaluation joyeuse, de perpétuation d’une dette rigolote, de protectionnisme frais et pimpant chez les souverainistes, gaullistes et autres villepinistes, tout ce ramassis d’étatistes, passionnés d’interventionnisme, de constructivisme et de socialisme en camouflage républicain imbibé d’une Graâââândeur de la Fraônce qui forme tout le spectre politique et qui est, pour le coup, le vrai zombi de la politique franchouillarde.

Je tiens cependant à préciser qu’il est évident que notre homme-orchestre de la pensée socialoïde ne peut pas être assimilé aux frontistes ; il s’empresse d’ailleurs, dans son interview, de bien faire comprendre que sa proximité avec le Front n’est qu’économique et de circonstance, et que le reste, c’est du nauséabond, de l’ignoble, du cra-cra qui tache.

Cette interview est en fait très utile : elle permet de confirmer l’ancrage interventionniste et étatiste du Front National, la proximité idéologique du souverainisme avec le socialisme le plus standard. Mieux : l’adoubement de leurs fadaises ridicules par Todd permet de confirmer l’indigence des raisonnements économiques du parti socialiste d’extrême-droite.

En somme, le cachet « E. Todd » sur la partie économique du Front permet de le jeter immédiatement dans la même poubelle collectiviste pour ceux qui avaient encore des doutes. Ceux-là sont, ne nous leurrons pas, de moins en moins nombreux : chacun a bien compris qu’en France, pour exister politiquement, sociologiquement, économiquement, il fallait produire du socialisme, vendre du socialisme, penser socialiste et vivre socialiste. Après, on peut choisir la variante nationaliste (comme Marine) ou l’une des autres variantes plus ou moins colorée.

Quel que soit le choix final, en tout cas, le résultat reste le même : plus de socialisme.

Ce pays est donc foutu.
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