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Interview Zig : « je voulais rester en Bretagne… »

Publié le 28 mars 2011 par Dezzig @Zigouiman

StĂŠphane Constant - Zig StĂŠphane Constant - Zig

Comment t’es venu l’envie de devenir Êditeur designer ?
Quel est ton parcours ?

Par hasard, c’est le mÊtier qui m’a choisi ! Je n’ai même pas fait d’Êcole d’art graphique ou de beaux arts. Après des Êtudes ratÊes en informatique, il y a 15 ans, comme je me dÊbrouillais bien avec un ordinateur et après avoir remportÊ un concours, j’ai trouvÊ un petit boulot à La Rochelle pour maquetter les Êcrans publicitaires projetÊs dans les salles de cinÊma. Voilà, c’est comme ça que tout a dÊbutÊ, je ne dessinais même pas à l’Êpoque ! Par contre j’Êcrivais beaucoup (un livre jamais publiÊ) et j’avais une bonne formation de pianiste jazz. J’ai ensuite travaillÊ pour le multimÊdia (cÊdÊroms Atlas par ex.) puis dÊbarquÊ en Bretagne pour rejoindre une agence de communication‌ et ensuite une deuxième. J’ai beaucoup appris à cette Êpoque, dÊcouvert l’univers des imprimeurs, pratiquÊ la photo (j’ai même un labo photo argentique chez moi), dessinÊ puis exposÊ mes peintures. J’ai aussi toujours aimÊ les ateliers, le papier, la gravure, la lithographie, les livres et plein de vieux trucs que je collectionne. Il faut dire que je viens aussi d’Angoulême en Charente, la ville de la bande dessinÊe et mes parents habitent tout près du Moulin du Verger oÚ l’on fabrique encore du papier ! C’est sÝr, j’avais envie de crÊer, mais je n’Êtais satisfait ni par ma peinture ou mes photos ni par mon travail de graphiste en agence.
Le dĂŠclic est venu avec l’exposition d’affiches sĂŠrigraphiĂŠes “Earthquakes & aftershocksâ€� aux Beaux Arts de Rennes. LĂ  je me suis pris une claque ! Je suis littĂŠralement tombĂŠ amoureux de la sĂŠrigraphie pratiquĂŠe par les graphistes West coast amĂŠricains. J’ai dĂŠcouvert de “grandsâ€� noms comme Jon Sueda et plus tard Saul Bass, Paula Scher et Jason Munn. Leurs affiches proposent un style d’illustration et une libertĂŠ de composition typographique qui m’a bluffĂŠ. Ma passion pour le vintage et le design des annĂŠes 50 ont fait le reste : il fallait que je travaille ainsi en associant design graphique et travail artisanal pour revenir Ă  l’essentiel. Pour partager ma passion avec les autres et tourner le dos au “tout numĂŠriqueâ€�, j’ai alors crĂŠĂŠ ma petite entreprise d’Êdition Dezzig (mon surnom de graphiste est Zig).

Dezzig - sĂŠrigraphie

Peux-tu nous ĂŠclaircir un peu plus sur la diffĂŠrence entre numĂŠrique/offset et sĂŠrigraphie ?
Le numÊrique concurrence l’imprimerie traditionnelle offset (sauf pour les grandes quantitÊs comme les livres et catalogues par ex) mais la qualitÊ n’est pas vraiment au rendez-vous. Pour obtenir des belles couleurs, de beaux encrages et une tenue dans le temps, une affiche sÊrigraphiÊe c’est vraiment autre chose ! Attention je parle d’estampes, d’Êdition d’art : l’artiste/graphiste est en mesure d’intervenir pendant le processus d’impression (nombre de passage, choix des couleurs, etc.). Toutes les couleurs sont composÊes les unes après les autres et utilisÊes en aplat. Cette qualitÊ d’impression couleur par couleur permet une Êpaisseur d’encrage plus importante et une qualitÊ de rendu de couleur sans Êquivalent. C’est un gros travail, il n’y pas de machine automatique pour tout faire en appuyant sur un bouton ! Ici tout est manuel. Le rendu final est somptueux parce qu’en touchant la surface du papier avec la main, et à la lumière, on rÊvèle les diffÊrentes Êpaisseurs d’encre, les dÊtails les plus complexes, les motifs les plus fins. Les couleurs peuvent être Êgalement mÊlangÊes directement sur le papier donnant des effets uniques de transparences qui ne peuvent pas être reproduits avec d’autres mÊthodes. Des encres mÊtalliques (or, argent, etc.) ou fluorescentes peuvent aussi être utilisÊes ainsi que des vernis.

Dezzig - sĂŠrigraphie

On comprend bien aussi que la sĂŠrigraphie est particulièrement adaptĂŠ aux illustrations (la bande dessinĂŠe l’utilise largement) et au graphisme, on n’imprime pas de photos. Les grandes masses de couleurs donnent une certaine simplicitĂŠ qui associĂŠ Ă  la typographie constituent un style atypique, souvent ludique et un peu rĂŠtro que j’appelle “sĂŠrigraphismeâ€�. Aujourd’hui on parle de “lecture lenteâ€� pour certaines affiches complexes, voire peu lisibles , parce que ce ne sont pas des affiches Ă  but commercial mais juste prĂŠtexte Ă  expĂŠrimentation et jeu de construction graphique ĂŠlaborĂŠ.

Fais-tu appel Ă  des graphistes, artistes, pour imprimer ? Ou bien rĂŠalises-tu toi mĂŞme tous tes visuels ?
Pour l’instant j’ai rÊalisÊ 6 autres visuels que je compte Êditer petit à petit (patience !). Je travaille avec un très bon sÊrigraphe d’art et nous Êlaborons ensemble la composition des couleurs, le nombre de passages, les essais de surimpression pour obtenir de belles affiches : une vraie collaboration.
Je suis en contact avec des amis graphistes pour Êditer prochainement leur travail, mais je suis encore ouvert à d’autres propositions. Cette phase de mon activitÊ est importante, je respecte le travail des crÊatifs. Comme un vÊritable Êditeur, je paye un droit d’exploitation + 15% royalties sur les ventes (ça c’est dÊjà plus rare !). Je suis aussi membre de l’Alliance française des designers pour m’engager dans une dÊmarche Êthique qui vise à ne pas exploiter la crÊativitÊ d’autrui pour le coÝt minimum (donc le profit maximum). Je ne vais pas devenir riche rapidement c’est certain !

StĂŠphane Constant - Zig

Peux-tu nous parler un peu de la technique, de ses difficultÊs, de la raison qui a fait que tu as choisi celle ci plutôt qu’une autre‌ ?
Il m’a fallu un an de recherche et pas mal d’essais infructueux pour trouver l’artisan capable d’atteindre le niveau de qualitÊ que je m’Êtais fixÊ, surtout sur de grand formats en 70×100 cm. La sÊrigraphie d’art est rare en France, et surtout je voulais rester en Bretagne, faire de l’artisanat local ! On trouve mes affiches en Êdition limitÊe parce que la sÊrigraphie coÝte aujourd’hui plus cher qu’aucune autre technique d’impression.
Je m’engage donc financièrement dans une production, c’est un gros risque, ce n’est pas comme un système d’impression numÊrique à la demande dans lequel il est facile d’imprimer n’importe quoi (et n’importe comment‌).
La grande difficultÊ est donc de vendre sur internet pour trouver mon public. Mais pas simple de montrer de la sÊrigraphie sur un Êcran d’ordinateur ! Il faut toucher, voir le rendu sur papier pour se rendre vraiment compte de la qualitÊ obtenue, elles sont faites pour durer. Mes affiches sont aussi conçues pour le grand public : même si il y a une foule de choses en dÊcoration murale dans les magasins de type Ikea, il y a de la place pour proposer des choses diffÊrentes et de la qualitÊ à un prix accessible (surtout si on ne veux pas la même dÊcoration que son voisin !).

Combien de temps mets-tu pour faire une seule affiche ?
Le temps est liĂŠ Ă  la complexitĂŠ du visuel mais surtout au temps qu’il faut pour trouver la bonne idĂŠe, c’est le mystère ! Pour l’affiche “TĂŞte en merâ€� que j’ai crĂŠĂŠ dans mon atelier pour une exposition nautique, il m’a fallu environ 8 heures de travail. Cela passe par des croquis (et mĂŞme des photos pour trouver la bonne posture !) et ensuite je rĂŠalise le visuel final sur mon ordinateur. Je l’utilise aussi pour faire la sĂŠparation des couleurs Ă  l’aide de nuanciers papier, c’est un gros travail de prĂŠparation qui me prend encore quelques heures : un vrai casse-tĂŞte ! Parce qu’il faut “penser sĂŠrigraphieâ€� au moment de la rĂŠalisation de l’affiche, il y a beaucoup de contraintes, il faut utiliser très peu de couleurs. Ensuite je passe une journĂŠe complète avec mon sĂŠrigraphe pour dĂŠcider quelles teintes seront utilisĂŠes (les couleurs sont composĂŠes au mg près !) et une passe de 10 feuilles pour valider le tirage avant l’impression finale. C’est un processus assez long mais le rĂŠsultat en vaut la peine.

Et la suite ?
Je vend en ligne pour l’instant sur Esty et sur mon nouveau site www.dezzig.com mais aussi dans de vraies boutiques comme la Galerie Issue Ă  Paris (via Sergeant Paper) et Ă  la Librairie l’Index Ă  Nantes. J’ai aussi plein d’autres projets en cours. Je fais construire cette annĂŠe mon futur atelier (enfin de l’espace pour stocker !). Avec un fabriquant, j’ai ĂŠgalement conçu un tout nouveau support aluminium haut de gamme et un système de fixation orignal pour affiche que je compte proposer prochainement (ce qui ĂŠvite de l’encadrer). ll va falloir que je vende beaucoup d’affiches pour faire tout ça !

Interview via Etsy.fr / AmĂŠlie Nello


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