…d’un voyage à Matane.
Pas eu le temps d’écrire, alors je vous offre ce texte d’un de mes écrivains préférés.
On voulait construire un pont au-dessus d’une chute. Comment tendre une passerelle au-dessus d’un abîme mouvant? Pas question de bateau pour traverser le premier câble. On a attaché un fil à la patte d’un pigeon qu’on a lancé de l’autre côté. Le fil en se déroulant devint trop lourd et le pigeon s’est noyé. On a attaché le fil à la patte d’une corneille apprivoisée que son maître appelait sur l’autre rive. Elle a traversé le fil et quand on a un fil de traversé, on en a deux puis dix puis mille; puis un câble puis dix, puis vingt; puis une planche, puis dix, puis mille; puis des poutres, puis de l’acier, puis du ciment et des travées.
Finalement on a un chemin pavé au-dessus d’un gouffre géant dont la vue seule donne le frisson.
On appelle ce chemin : le pont de la corneille.
Félix Leclerc, Le calepin d’un flâneur
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