Gaz de schiste : l'opposition dépose une proposition de loi

Publié le 28 mars 2011 par Arnaudgossement

Peu avant le débat sur les gaz de schiste qui doit avoir lieu demain à 17h à l'Assemblée nationale, plusieurs députés de l'opposition ont déposé une proposition de loi visant à interdire l’exploration et l'exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et tendant à assurer la transparence dans la délivrance des permis de recherche et des concessions. Analyse d'un épineux problème qui est aussi juridique.


Le propos n'est pas ici d'apporter un commentaire politique à cette proposition de loi mais bien un point de vue juridique en forme de réflexions et de questions.

En premier lieu, on observera que l'exposé des motifs fait référence au principe de précaution. Il s'agit sans doute d'une erreur et d'une incohérence.

En effet, le principe de précaution ne trouve à s'appliquer qu'en situation d'incertitude radicale. Il n'est donc pas cohérent d'exciper du caractère avéré des risques inhérents à la technique de  fracturation hydraulique des roches tout en fondant son raisonnement sur le principe de précaution. La référence au principe de prévention serait plus adéquate.

En toute hypothèse, on relèvera que l'exposé des motifs fait référence à juste titre à la Charte de l'environnement et non à la partie législative du code de l'environnement. Le Conseil d'Etat a en effet récemment jugéé que les principes directeurs du droit de l'environnement inscrits dans la Charte de l'environnement sont susceptibles de s'appliquer à des matières autres que le seul droit de l'environnement (CE, 19 juillet 2010, Association Les Hauts de Choiseul).

En second lieu, l'article 2 de cette proposition de loi dispose :

"Sous réserve de décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée, tout permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est abrogé."

Reste à savoir si le législateur peut procéder à l'abrogation d'une décision administrative à caractère individuel et créatrice de droits.

Sur ce point, l'exposé des motifs précise :

"L’ article 2 exige l’abrogation des arrêtés ministériels accordant les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Rappelons que  cette procédure est admise par la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que le Conseil Constitutionnel lorsqu’il s’agit de défendre des exigences impérieuses d’intérêt général, ce qui est le cas en l’espèce"

Il est exact que la décision n° 2007-561 DC du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2008 relative à la "Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative)" précise notamment :  

"13. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical et fixe les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ; que, si le deuxième alinéa de l'article 37 de la Constitution ouvre au Gouvernement la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel aux fins de déclarer que des textes de forme législative, intervenus après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958, ont un caractère réglementaire et peuvent donc être modifiés par décret, il est loisible au législateur d'abroger lui-même des dispositions de nature réglementaire figurant dans des textes législatifs ; qu'en vertu de l'habilitation qui lui a été consentie en application de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement pouvait donc procéder à de telles abrogations"

Toutefois, par cette décision, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le cas où le législateur introduit des dispositions réglementaires dans l'ordonnancement juridique.

Reste à savoir si cette solution peut être étirée de manière à ce que le législateur puisse procéder à l'abrogation d'actes administratifs individuels tel un permis de recherche accordé sur le fondement du droit minier.

Je suis preneur de tout analyse sur ce point.

Précisons simplement qu'à la suite des récentes déclarations de Nathalie Kosciusko-Morizet, le projet de loi de ratification de l'ordonnance relative à la partie législative du code minier devraient comprendre un article imposant l'organisation d'une consultation publique. Toutefois, cette nouvelle exigence législative ne devrait valoir que pour le futur, pas le passé. Que faire dés lors des permis de recherche délivrés en mars 2010 ?

En troisième lieu, dans l'hypothèse où les permis de recherche seraient abrogés de la sorte, leurs bénéficiaires pourraient rechercher une indemnisation.

L'exposé des motifs de la présente proposition de loi n'évacue pas le problème même s'il ne lui apportent par de solution à court terme :

"Les sommes déjà engagées par les entreprises pour explorer le sous-sol sont certes astronomiques (citons les 39 933 700€ de la société Schuepbach Energy pour explorer le sous-sol ardéchois, citons également les 90 000 000 $ mis sur la table par Tullow, Shell et Total pour le forage d’exploration offshore au large de Cayenne). Cependant,  les rendements espérés de l’activité future ne valent rien par rapport aux risques sur la santé publique, sur les activités économiques locales et sur les services écosystémiques susmentionnés, et surtout,  par rapport aux coûts qu’ils entraîneront demain pour la société et les finances publiques."

Certes, du point de vue écologique, les sommes engagées ne sont pas comparables aux risques sanitaires et environnementaux. Reste que, du point de vue juridique, il n'est pas certain qu'un recours indemnitaire ne puisse être formé par les bénéficiaires de permis finalement abrogés. Or, les sommes en jeu sont considérables et de nature à faire au moins hésiter les services de l'Etat qui sont sans doute en train de travailler sur cette question.

Enfin, les articles suivants de la proposition de loi tendent à soumettre la délivrance des permis de recherche à la rédaction d'une étude d'impact et à l'organisation d'une enquête publique.

Reste que cette nouvelle exigence ne devrait valoir que pour l'avenir et ne règle donc pas le sort des permis d'ores et déjà délivrés.

A tout le moins cette proposition de loi a le mérite de poser des problèmes juridiques trés importants et de souligner la nécessaire réforme du code minier a un moment où celui-ci est particulièrement sollicité qu'il s'agisse de la recherche d'hydrocarbures mais aussi de géothermie ou de stockage de carbone.

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Le texte de la proposition de loi est disponible ici et ci dessous.

ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIEME LEGISLATURE

PROPOSITION DE LOI
visant à interdire l’exploration et l'exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et tendant à assurer la transparence dans la délivrance des permis de recherche et des concessions

présentée par Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Chanteguet, François Brottes, Philippe Plisson, Philippe Tourtelier, Geneviève Gaillard, Germinal Peiro, Claude Darciaux, Christophe Bouillon, Bernard Lesterlin, Catherine Quéré, Christophe Caresche, Christiane Taubira, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marie-Lou Marcel,  Frédérique Massat, Dominique Orliac, Pascal Terrasse, Henri Nayrou, Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et les députés du Groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

EXPOSE DES MOTIFS

Madame, Monsieur,

Nous devons faire face aujourd’hui à un prix du baril de brut à la hausse. L’or noir, ressource naturelle non renouvelable qui a permis aux pays occidentaux de s’industrialiser et de s’enrichir au siècle dernier, est une denrée rare dont le prix ne cessera, à l’évidence, d’augmenter dans les années à venir.

Pour parer à la rareté de cette ressource omniprésente dans nos vies, et à la hausse inéluctable de son prix, la France a décidé, non pas d’investir massivement dans les énergies renouvelables, afin de réussir rapidement la transition écologique plébiscitée par tant de ses citoyens, mais de s’orienter vers l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, et notamment les forages en eaux profondes et l’exploitation des gaz et huile de schiste.  Concernant ces derniers et comme leur nom l’indique, il s’agit de gaz ou d’huile emprisonnés dans du schiste, roche sédimentaire déposée à l’origine sous forme d’argile et de limon. Autrefois jugées trop coûteuses et malaisées, l’exploration et l’exploitation des mines de ces hydrocarbures non conventionnels sont aujourd’hui examinées avec attention par le Gouvernement français. 

La fronde citoyenne qui s’est mise en place à travers la France ces dernières années contre les forages offshore et, ces derniers mois, contre la prospection de gaz et d’huile de schiste, nous oblige à réagir.

Cette proposition vise, dans un premier temps, à interdire l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels et à annuler les arrêtés ministériels accordant des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures gazeux ou liquides en France et, dans un second temps, à réformer la législation afin de garantir la transparence des activités d’exploration et d’exploitation en général.

Une dizaine de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux a été signé, en toute discrétion, depuis le Grenelle de l’environnement. Cette situation est polémique à juste titre.

Premièrement, le coût d’exploitation de forages offshore ainsi que des mines de gaz et huile de schiste est très élevé : l’extraction des hydrocarbures non conventionnels est extrêmement difficile et très consommatrice d’énergie, elle exige le développement de technologies assez lourdes (forage en eau très profonde pour l’exploitation en mer, forage de puits horizontaux et fracturation hydraulique pour le gaz et huile de schiste) que les entreprises françaises, en ce qui concerne l’exploitation de gaz et huile de schiste, ne maîtrisent pas.

Deuxièmement, leur exploration et leur exploitation auront plusieurs effets largement incompatibles avec les objectifs de protection de l'environnement et partant, avec les engagements du Grenelle de l’environnement et du Grenelle de la mer.

La technique de fracturation hydraulique créée de gros problèmes de gestion de déchets. Environ un quart du fluide de fracturation remonte en effet en surface, où il est récupéré, stocké dans des bassins de rétention à ciel ouvert avant d’être traité ou réinjecté dans des réservoirs géologiques naturels. Les entreprises américaines qui exploitent le gaz de schiste depuis un certain temps outre-Atlantique sont accusées de rendre impropre à la consommation la ressource en eau locale. En effet, à force de creuser, les foreurs traversent parfois des terrains comprenant des minerais radioactifs (uranium, radium) et ramènent en surface les déchets de forage (boues, sables) pour y être traités. En Pennsylvanie (où l’on décompte un puits actif pour 1,6 km2), indique The New York Times, plus de la moitié des eaux de forage sont envoyées dans des stations de traitement d’eaux usées classiques avant d’être rejetées dans différents fleuves tels que le Delaware ou l’Ohio. Or les stations d’épuration ne sont pas équipées pour traiter des résidus radioactifs. L’eau rejetée dans ces fleuves contamine non seulement leur biodiversité mais également la population locale.  

Le procédé de fracturation hydraulique nécessite aussi d’utiliser un certain nombre d’adjuvants chimiques qui sont susceptibles d’engendrer une pollution des nappes phréatiques. Aussi, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a notamment demandé en septembre 2010 aux neuf plus grands opérateurs du secteur de lui envoyer des informations sur les additifs qui composent le fluide de fracturation du sous-sol.
Quant aux forages en eaux profondes, ils impactent la biodiversité marine, et tout particulièrement celui au large de Cayenne, les tortues marines.

Troisièmement, le mode d’extraction de gaz et d’huile de schiste porte atteinte à la ressource en eau. La fracturation hydraulique est en effet extrêmement consommatrice d’eau, chaque puit pouvant en consommer de 10 à 15 millions de litres (l’équivalent de 3 piscines olympiques), recyclés entre 20 à 80% pour d’autres puits. Dans une note d’information sur les gaz de schiste, une équipe d’hydrogéologues de l’université de Montpellier a affirmé que « le mode de recharge des aquifères locaux et leur structure interne favorisent des déplacements de polluants éventuels et la quasi absence d’autoépuration ». En d’autres mots,  leur vulnérabilité aux pollutions est reconnue comme particulièrement élevée et très spécifique. Ceci est également le cas dans d’autres régions où des permis de recherches ont été accordés (la situation des nappes phréatiques chroniquement basses en Ile-de-France, où ont été accordés certains permis de recherches, est par exemple très problématique).

Quatrièmement,  l’exploration et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste, de par la pollution qu’elles engendrent au niveau de l’eau mais également des écosystèmes et de la biodiversité, fait évidemment courir de gros risques aux secteurs économiques de l’agriculture mais également du tourisme. L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures impactent en effet très fortement les paysages : sachant que les puits s’épuisent rapidement, il faut régulièrement en forer de nouveaux de sorte qu’il est aisé, dans les zones d’exploration et d’exploitation, de trouver des forages tous les 500 mètres. Ceci semble, en outre, peu compatible avec la densité de population que l’on connaît en Europe.
Concernant les risques que font courir les forages en eaux profondes à la biodiversité marine et aux activités économiques qui existent autour de la pêche et du tourisme,  nul besoin de nous remémorer les images de l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon le 20 avril 2010, de la catastrophe écologique qui s’en est suivie et de son impact sur le tourisme ainsi que sur l’activité des pêcheries locales.

Cinquièmement, les produits chimiques utilisés par le procédé de fracturation hydraulique sont avérés mutagènes, reprotoxiques et cancérigènes. Plusieurs cas de maladies ont d’ores et déjà été relevés aux Etats-Unis et au Canada. En outre, la pollution de l’air engendrée par les camions utilisés pour évacuer le gaz extrait ainsi que le liquide de fracturation vers des usines de retraitement est assez conséquente et partant, très nocive pour les populations locales. Pour exemple, dans le bassin de Marcellus aux Etats-Unis, chaque fracturation nécessite un ballet de 200 camions.

Sixièmement, le bilan carbone de l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels est très inquiétant. Une première évaluation de la filière d’extraction des gaz non conventionnels réalisée par une équipe scientifique de l’Université de Cornell aux États-Unis a mis en évidence que celle-ci pourrait être aussi néfaste pour le climat que l’extraction et la combustion du charbon. Cette étude s’est consacrée aux émissions de gaz à effet de serre cumulatives incluant ainsi : la combustion du méthane extrait des schistes souterrains, toutes les étapes d‘extraction ainsi que les fuites et les émissions fugitives de gaz imputables à l’exploration et aux nombreux forages exigés par cette technique.
Les résultats mettent en évidence que la totalité des émissions associées à l’extraction du méthane des gaz de schiste atteindrait 33g/eq-CO2 par million de joules d’énergie, comparativement aux 20,3g/eq-CO2 par million de joules d’énergie pour des carburants classiques (diesel ou essence).

Les six arguments énoncés ci-dessus rendent difficilement acceptable environnementalement et socialement parlant le recours au forage off-shore et à la prospection de gaz et huile de schiste. Ils remettent en cause l’initiative gouvernementale qui, par la signature de permis de recherches d’hydrocarbures non conventionnels,  soutient des activités totalement contraires aux principes du développement durable.  Notons, à ce propos, que l’exploration de gaz et huile de schiste a été interdite en Belgique et en Suède en raison des risques susmentionnés. Notons également que le commissaire européen à l'Energie, Günther Oettinger, s'est prononcé à plusieurs reprises pour un moratoire sur les forages en eaux profondes tandis que la Commission européenne, contre l'avis du Parlement, s’est prononcée officiellement en faveur d'un moratoire dans l'attente d'un renforcement de la législation (au niveau des règles de sécurité notamment) prévu dans le courant de cette année.

La dizaine d’arrêtés ministériels signés ces deux dernières années paraît pour le moins inopportune en ces temps de crise environnementale mondiale, et reflète une nouvelle fois la politique « anti-grenellienne » d’un Gouvernement qui refuse de respecter ses engagements nationaux (lois Grenelle 1 et 2) et internationaux (Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et Protocole de Kyoto).

L’argument qui a été avancé, ces dernières semaines, par le Gouvernement pour justifier la délivrance des permis de recherches de mines de gaz et d’huile de schiste, et selon lequel un permis d’exploration ne signifie aucunement un permis d’exploitation – beaucoup plus impactant pour l’environnement et la santé – ne tient pas. Les entreprises, qui se sont vu octroyer un permis exclusif de recherches, investissent des millions dans ce processus d’exploration, espérant pouvoir exploiter les potentiels gisements d’hydrocarbures non conventionnels situés dans leur périmètre. Les forages de prospection ne sont, d’évidence, que la première étape du processus industriel minier.  La logique du Gouvernement qui consiste à attendre les résultats d’une mission d’inspection avant de revenir sur les arrêtés accordant les permis exclusifs de recherches, est en fait plutôt d’ordre financier.

Les sommes déjà engagées par les entreprises pour explorer le sous-sol sont certes astronomiques (citons les 39 933 700€ de la société Schuepbach Energy pour explorer le sous-sol ardéchois, citons également les 90 000 000 $ mis sur la table par Tullow, Shell et Total pour le forage d’exploration offshore au large de Cayenne). Cependant,  les rendements espérés de l’activité future ne valent rien par rapport aux risques sur la santé publique, sur les activités économiques locales et sur les services écosystémiques susmentionnés, et surtout,  par rapport aux coûts qu’ils entraîneront demain pour la société et les finances publiques.

En conséquent et en vertu de l’article 5 de la Charte de l’environnement qui prévoit que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leur domaine d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage », cette proposition de loi demande, en son article 1er, l’interdiction des forages en eaux profondes ainsi que l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines de gaz et d’huile de schiste.

L’ article 2 exige l’abrogation des arrêtés ministériels accordant les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Rappelons que  cette procédure est admise par la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que le Conseil Constitutionnel lorsqu’il s’agit de défendre des exigences impérieuses d’intérêt général, ce qui est le cas en l’espèce. 


Si ces permis d’exploration signés depuis quelques années par le Ministre en charge des mines posent d’importantes questions d’ordre économique, sanitaire et environnemental, l’opacité qui a entouré la délivrance de ces permis d’exploration exclusifs met également en évidence de graves problèmes de gouvernance.

Les permis d’exploration ont été signés sans enquête publique, sans étude d’impact environnemental et social préalable et sans débat public.


Les forages d’exploration de gaz et huile de schiste, mais également de tout autre type d’hydrocarbures non conventionnels, impactent les ressources en eau, la biodiversité, les paysages et les activités économiques locales.


Une étude d’impact environnemental  – telle que définie dans le code de l’environnement- aurait dû être réalisée avant la délivrance des permis de recherches de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux, et doit être réalisée avant toute délivrance de permis de recherche exclusif de mines afin de déterminer ses incidences sur l’environnement et la santé humaine. Le Ministre en charge des Mines doit être dûment informé des risques qu’il fait courir aux citoyens français avant de signer un tel permis, celui-ci ne pouvant logiquement être accordé que si  la prospection qui en découle ne s’avère pas néfaste à l’environnement local.

Le code minier, qui permet, en son article L122-3,  de délivrer un permis exclusif de recherche sans étude d’impact, méconnaît l’article 3 de la Charte de l’environnement au terme duquel « toute personne doit dans les conditions définies par la loi prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou à défaut en limiter les conséquences ». L’obligation d’évaluation préalable du risque environnemental est une exigence constitutionnelle mais également une exigence communautaire (directive 85/337 CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences sur certains projets publics ou privés sur l’environnement modifiée par les directives du 3 mars 1997 et du 26 mai 2003).

Cette proposition de loi demande dès lors, en son article  4, que soit  insérée dans la partie du code de l’environnement qui traite des études d’impact (section 1 du chapitre II du titre II du Livre Ier du code) l’obligation d’assortir toute demande de prospection d’une étude d’impact et ce, afin de s’assurer des conséquences environnementales et sanitaires des forages d’exploration. La proposition de loi vise également à assortir à la demande de concession la réalisation d’une étude d’impact préalable.

Les permis d’exploration ont été accordés aux entreprises sans concertation préalable avec les habitants des périmètres géographiques concernés. 

Or, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement -qui, rappelons-le, a valeur constitutionnelle- : « Toute personne a droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». La procédure de délivrance des permis d’exploration méconnait, à l’évidence, ce principe.


Or, au terme de la Convention d'Aarhus (1998) que la France a ratifié le 8 juillet 2002, le pays signataire s’engage à (i)améliorer l'information délivrée par les autorités publiques, vis-à-vis des principales données environnementales ; (ii) favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement (par exemple, sous la forme d'enquêtes publiques ; (iii) étendre les conditions d’accès à la justice en matière de législation environnementale et d’accès à l’information. Le code minier français méconnait d’évidence les engagements susmentionnés.


Afin de respecter l’article 7 de la Charte de l’environnement et la Convention d’Aarhus, cette proposition de loi demande, en ses articles 3 et 5, que les permis d’exploration soient d’une part, soumis à débat public et, d’autre part, à enquête publique. Les habitants des localités situées dans un périmètre concerné par les activités de prospection doivent en effet pouvoir s’exprimer sur l’opportunité d’une telle activité en toute connaissance de cause.

L’article 3 de cette proposition de loi exige également que les concessions minières soient assorties d’une obligation de débat public.  

Au-delà du débat sur les impacts environnementaux de l'exploration et exploitation des mines d’hydrocarbures non conventionnels, le groupe socialiste s'interroge sur l’opportunité de la politique énergétique vers laquelle semble se tourner actuellement le Gouvernement, qui privilégierait le développement du nucléaire et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, au détriment des énergies renouvelables, de l'éco-innovation et des investissements dans l'efficacité énergétique. Ce choix politique nous enferme dans la dépendance aux énergies fossiles et nous empêche d’aller de l’avant afin de réussir la transition écologique  que les Français appellent de leurs vœux.

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Article 1er

I.   L’exploration et l’exploitation de gaz et d’huile de schiste sont interdites sur le territoire national.
II.   L’exploration et l’exploitation de gisement d’hydrocarbures en eaux profondes sont interdites sur le territoire national.

Article 2

Sous réserve de décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée, tout permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est abrogé.

Article 3

Après l’article L120-2 du code de l’environnement, il est inséré l’article suivant :

Article L120-3. – « I. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L122-1 et suivants du code minier.
« II. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L132-1 et suivants du code minier. »
 

Article 4

Après l’article L122-3-5 du code de l’environnement, il est inséré l’article suivant :

Article L122-3-6. – « Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L122-1 et suivants du code minier.
« II. Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L132-1 et suivants du code minier. »

Article 5

I.   Après l’article L123-1 du code de l’environnement, insérer un nouvel article ainsi rédigé :
« Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L122-1 et suivants du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre. »

II.   En conséquence, la dernière phrase de l’article L122-3 du code minier est supprimée.