Après une première introduction sur les marchés américain dans les années 80 et japonais en 1999, le concept de « variable annuities » (VAs) y connut un succès fulgurant entre 2002 et 2008. La possibilité pour les détenteurs d’un contrat de bénéficier – via un seul produit d’assurance vie – de profits sur les marchés financiers tout en étant protégés contre leur chute, a rendu les VAs très populaires.
Cependant, et particulièrement aux Etats-Unis, la récente crise financière s’est traduite par de lourdes pertes sur ces produits pour d’importantes compagnies d’assurance.
Suite à l’émergence des VAs en Europe[1], l’EIOPA[2] a décidé de créer une cellule dédiée à la rédaction de directives pour leur supervision dans le cadre de Solvabilité II. Au stade actuel de leur conception, elles sont fortement conservatrices et restrictives, tout particulièrement pour les compagnies qui n’utiliseront pas un modèle interne à court-terme.
Un produit rentable mais risqué
Les VAs constituent un moyen défiscalisé d’investir dans des fonds de placement tout en bénéficiant de différents types de protections, moyennant un coût supplémentaire. La variété de garanties proposées est considérable, les plus répandues étant :
Sur le marché américain, les produits les plus populaires sont ceux comportant une garantie GMWB à vie (78% des produits vendus sur ce marché durant la première moitié de 2005 possédaient cette option). Du point de vue de l’assuré, les avantages sont :
- Liquidité et bénéfices de la hausse des marchés (moins les frais de gestion et de rachat),
- Garantie de revenus indépendante de la durée de vie de l’assuré ou de la performance des investissements sous-jacents.
Les VAs peuvent ainsi être très profitables à l’assuré comme à l’assureur et se montrer plus flexibles, personnalisées et transparentes que les contrats traditionnels en unité de compte. Leurs inconvénients résident dans les risques, multiples et complexes, qui y sont attachés :
- Risques assurantiels (mortalité, longévité, rachat, …)
- Risques de marché (taux, spread, volatilité, liquidité, …)
- Risques de contrepartie
- Risques opérationnels (liés au modèle, légaux, …)
Comme nous l’ont montré les pertes subies par les compagnies d’assurances lors de la récente crise financière[3], ces produits et les programmes de couverture sous-jacents sont extrêmement complexes. De nombreux assureurs ont fait preuve d’un excès de confiance dans leur compréhension de la structure des produits vendus et ont connu de lourdes pertes suite à l’inefficience de leurs stratégies de couverture[4].
En dépit de ces carences, les VAs sont pleinement capables de satisfaire le besoin croissant du client pour des produits d’assurance à la fois performants et assortis de garanties fortes. Ils possèdent le potentiel nécessaire pour devenir des éléments clés du portefeuille produits de chaque assureur européen, après la mise en vigueur de la directive Solvabilité en 2013. C’est la raison pour laquelle l’EIOPA a mis en place un groupe de travail et publié, en novembre 2010, un « consultation paper » (CP n°83) établissant des directives européennes communes pour la supervision de la vente des VAs par les compagnies d’assurance.
Des exigences fortes de Solvabilité II spécifiques aux VAs
Le groupe de travail s’inquiète de la variété des risques associés aux VAs, notamment ceux liés à la modélisation et aux programmes de couverture. En premier lieu, il préconise qu’un processus de management des risques ad-hoc (rôles & responsabilités, reportings & contrôles, stress tests) soit clairement défini entre les acteurs (groupe, entités locales, plateformes de couverture, gestionnaires d’actifs). En second lieu, il met en évidence certains risques systémiques et des enjeux d’avantage macros, qui pourraient émerger si le marché européen des VAs venait à croitre de façon suffisamment signifiante :
- Pro-cyclicité des programmes de couverture (les mêmes opérations de couverture sont souvent effectuées au même moment par chaque assureur selon les mouvements du marché),
- Amplifiée par le fait que d’une compagnie d’assurance à une autre les modèles et logiciels présentent de grandes similarités (provenant souvent d’un même cabinet de conseil),
- Et par des marchés illiquides et peu profonds, à l’image de ceux durant la crise de 2008-2009.
Ces problématiques sont la raison pour laquelle le rapport atteste que la « formule standard » de Solvabilité II n’est pas adaptée aux calculs des provisions techniques et capitaux requis relatifs aux VAs. Son approche est jugée trop simpliste pour prendre en compte ou modéliser avec précision les risques qui leur sont inhérents. Le rapport stipule que les calculs devraient être effectués à l’aide d’un modèle interne. À cet égard, les tests de validation du modèle, l’ORSA (« Own Risk & Solvency Assessment ») ainsi que le « use test » devront intégrer des éléments spécifiquement dédiés aux VAs (stress-tests, analyses de sensibilité, gouvernance dédiée, …).
Cette nouvelle restriction est particulièrement alarmante pour les petites et moyennes compagnies d’assurances. À compter de 2013, les assureurs qui ne disposeront pas d’un modèle interné validé, complet ou partiel, pourront se voir refuser l’autorisation de vendre des produits VAs, ou tout du moins se voir forcer par leurs régulateurs de provisionner un capital add-on. Dans les deux cas, la compétitivité de telles compagnies serait fortement diminuée.
Des impacts alarmants pour les petites et moyennes compagnies d’assurance
Ces restrictions sont apparues peu après la publication des dernières spécifications de la formule standard en juin dernier, liées à l’exercice QIS 5[5], qui se sont avérées bien plus conservatrices et lourdes à implémenter que les précédentes.
L’ensemble de ces récents développements de Solvabilité II accentue ainsi l’idée que la réforme n’est pas calibrée pour les assureurs de petite et moyenne tailles. La directive semble laisser à chaque compagnie le choix entre une formule standard et un modèle interne. Cependant, sur le long terme, le premier n’est pas une option viable en termes de stratégie et de compétitivité : trop couteux, insuffisant pour un management du risque et une gestion actif-passif adéquats et comme démontré par l’exemple des VAs, il pourrait se traduire par l’interdiction de commercialiser de nombreux produits exotiques.
Le passage à un modèle interne semble inéluctable pour chaque assureur. Pour se faire, la formule standard peut s’envisager comme une première étape, dans la mesure où la plupart des développements à effectuer peuvent être réutilisés lors de l’élaboration d’un modèle interne. Cependant, le fossé entre les deux approches reste gigantesque. Le combler à court-terme est couteux et chronophage, en particulier pour les petites et moyennes compagnies d’assurances. Cela pourrait notamment expliquer les récentes fusions observées entre mutuelles d’assurances françaises et, plus généralement, entre assureurs de petites et moyennes tailles.
La consolidation du secteur de l’assurance est une réponse aux exigences que représente Solvabilité II, mais ce n’est pas la seule. D’ici 2013 de nombreux autres axes aux impacts stratégiques majeurs devront être passés en revue par chaque assureur, dû au changement de paradigme : allocation des investissements, appétence au risque, stratégies de couverture, portefeuille produits, …
Sources :
- Consultation paper no. 83: “Draft Report on Variable Annuities”
- US Securities and Exchange Commission: “Variable Annuities: What You Should Know”
- Life&PensionRisk: “Pricing and hedging of variable annuities”
- AXA Equitable: “Variable Annuity Guaranteed Benefits – Dynamic Hedging Considerations”
The Harford
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