Il faut rappeler qu'en matière de référé, toute décision est par essence provisoire ; j'ai déjà évoqué ce point dans ce billet.
Autrement dit, ce n'est pas parce que vous avez une décision prise en référé que celle-ci est irrévocable.
Or le problème se pose avec une acuité particulière lorsque vous êtes partie gagnante à un référé, que vous avez perçu des sommes de ce chef et vous demandez si vous pouvez les utiliser librement. Sur le principe, oui, mais il existe toujours un risque que vous ayez à les rendre, entièrement ou partiellement.
Il faut d'ailleurs observer que l'ordonnance de référé précise toujours que la condamnation est provisionnelle.
Passons en revue quelques exemples.
Premier exemple, une décision de référé peut faire l'objet d'un appel, comme presque toutes les décisions de justice. Donc la décision rendue par la Cour d'Appel peut-être différente de celle rendue en première instance.
Si vous avez bénéficié d'une condamnation de 10.000 Euros en première instance, et que cette condamnation a été ramenée à 5.000 Euros en appel, vous n'avez droit au final (sauf pourvoi en cassation, mais c'est une autre histoire) qu'à 5.000 Euros.
Autrement dit, si on vous a déjà versé les 10.000 Euros, il faut en rendre 5.000. Donc, premier conseil, si vous percevez des sommes, et que le référé fait l'objet d'un appel, attendez l'issue de l'appel pour les dépenser, vous aurez peut-être à les rendre.
Notez que ce conseil est aussi valable pour toute condamnation réglée suite à un jugement de première instance. Tant que le délai pour faire appel n'est pas écoulé, ou, si appel il y a, qu'il n'est pas jugé, il est fort imprudent de dépenser les sommes allouées.
Second exemple, après une décision de référé, l'affaire est rejugée entre les mêmes parties, et fait donc l'objet d'un nouveau référé.
En effet, comme la décision de référé est par définition provisoire, si on peut faire valoir un élément nouveau, il peut y avoir un nouveau procès.
Là il est difficile de faire des pronostics. L'élément nouveau peut ne pas arriver immédiatement, mais plusieurs mois après la première décision... Là aussi il faut faire preuve de prudence dans l'emploi des condamnations payées. Il vaut mieux interroger son avocat qui saura vous donner des conseils en fonction de votre cas particulier.
Troisième exemple, après qu'une décision de référé ait été rendue, une des parties décide de porter l'affaire au fond. Dans ce cas, l'affaire est entièrement rejugée, dans toute sa complexité, peu important ce qu'a décidé le Juge des référés.
Il est des lors possible que la condamnation de la partie A qui profitait à la partie B, et qui a été payée par A à B, soit annulée ou modifiée à la baisse. B devra alors rembourser A, totalement ou partiellement selon les termes du jugement.
Certes, si une condamnation a eu lieu en référé, il y a de bonnes chances qu'elle ne soit pas remise en cause par la suite, puisqu'en principe le Juge de condamne que s'il considère l'obligation évidente.
Il n'est toutefois pas impossible que ce qui est évident ne le soit plus du tout, si de nouveaux éléments contraires sont communiqués par la suite.
Il est donc conseillé de se montrer très prudent avec les sommes qui sont versées. Il serait dommage d'avoir à faire un prêt bancaire pour les restituer si le vent tourne...
Photo par Nerdegutt
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