La Petite Zilou : des pépins pour la Lune...
Histoire pour enfant (pas) (très) sage…
A force de coucher sur le papier les histoires qui vous trottent dans la tête, on finit par recevoir des demandes de tiers…
Voici donc « La Petite Zilou », personnage réclamé par une petite fille que je connais bien. Toute ressemblance pourrait fort bien ne pas être fortuite !
"La Petite Zilou"
Haute comme trois pomme mais déjà grande comme une géante, la Petite Zilou observe le ciel uniforme de la nuit.
Du salon, au travers de la vitre de la fenêtre drapée de buée, ses grands yeux tentent de percer le mystère qui a englouti son monde habituel. Il lui semble même que l’obscurité a dévoré la lumière en guise de dîner.
Les questions se bousculent dans la tête de la Petite Zilou, elles se poursuivent, jouent à saute-moutons, à cache-cache, mais les réponses restent insaisissables.
« Dis, Papy ? Où est cachée la lune ? »
Le vieil homme qui sommeille dans le large fauteuil capitonné fronce un sourcil amusé et un peu taquin.
A ses pieds, le chien, aussi fatigué que la carpette sur laquelle se déroule le fil de ses bons vieux jours, soulève une paupière ennuyée avant de la laisser s’écrouler avec un soupir de contentement.
- Dis, Papy ? Où est cachée la lune ? insiste la Petite Zilou. La nuit est froide, elle est toute noire. Dehors, je ne vois ni la lune, ni les étoiles. C’est triste et ça me fait un peu peur…
- La lune, ma Petite Zilou, si tu ne la vois pas, c’est qu’elle n’est pas encore née, pas plus que les étoiles !
- Pas encore née, Papy ? Mais elle était encore là, hier !
- Ah oui ? Et que vois-tu ce soir ?
- Rien, Papy !
- Alors, tu vois, elle doit revenir, renaître pour que tu puisses la voir à nouveau.
- Et les étoiles ?
- C’est pareil pour les étoiles. »
La Petite Zilou, se gratte le menton, tourneboule une mèche de ses cheveux.
Elle trouve que l’explication de son Papy est un peu courte.
« Dis, Papy ?
- Oui, ma Petite Zilou ?
- Comment elle fait pour renaître la lune ? Elle a un papa et une maman ? »
C’est au tour de Papy de se gratter le menton et de se tournebouler le cerveau…
« Pour renaître, il faut que le soleil laisse tomber un de ses pépins dans la mer, loin, très loin, à l’horizon. Alors, du pépin doré sort une longue tige qui grandit, grandit tellement qu’elle finit par atteindre le point le plus haut du ciel. Au sommet de la pousse, une fleur s’épanouit. C’est la lune qui s’ouvre à la nuit et baigne de sa clarté les rêves des petits enfants. Les étoiles sortent de la mer et entourent la lune pour lui faire la plus belle des parures que tu puisses rêver. La jolie fleur de lune se fane peu après, les étoiles retombent dans la mer, la nuit redevient noir d’encre et tout est à recommencer. Allez, Petite Zilou, il est grand temps d’aller dormir, file te coucher ! »
La Petite Zilou se réfugie sous la chaleur de son duvet mais elle tarde à trouver le sommeil.
Elle repense encore et encore à ce que lui a dit son Papy, à la façon dont la lune grandit à partir d’un petit pépin de soleil.
Et si son Papy s’était trompé ? Et si le soleil n’avait plus de pépin pour faire renaître la lune ?
La nuit serait-elle condamnée à rester obscure, sans lune et sans étoiles ?
Alors, à l’heure où la grande horloge hésite à sonner hier ou aujourd’hui, elle se relève tout en prenant garde de ne pas troubler le silence absolu de la maison endormie. Elle marche jusqu’à la cuisine à petit trottins de souris, et, dans le noir, elle cherche à tâtons la corbeille de fruits posée sur la table.
Sa petite main frôle une belle boule lisse, tendre et parfumée, une belle balle qu’elle sait être d’un magnifique jaune parsemé d’or.
Ses dents arrachent la chair délicate de la pomme. C’est bon, c’est sucré, un peu de jus barbouille le visage de la Petite Zilou.
Grignotis-grignotons, il ne reste bientôt plus qu’un trognon.
Et dans ce trognon, la Petite Zilou récupère trois pépins.
Serrés au cœur de sa main, ils sont si petits et fragiles qu’elle se demande comment de si petites choses peuvent faire naître la lune si immense !
La Petite Zilou se hisse sur la pointe des pieds et ouvre grand la fenêtre de la cuisine.
A l’extérieur, la nuit est noire, profonde, d’une obscurité épaisse où se tapisse tous les monstres qui n’ont pas pu trouver un dessous de lit d’enfant où se terrer…
Puisant dans son cœur tout le courage et la volonté possible, la Petite Zilou tend son bras par la fenêtre et jette le plus loin possible ces petits pépins de soleil.
Confiés au vent, ils tournent, virent, tourne-bricolent, décrivent des pirouettes puis
disparaissent …
Le pas et le cœur léger, la Petite Zilou regagne la douce chaleur de son édredon et s’endort jusqu’au lendemain matin…
Le soir suivant, la Petite Zilou scrute le ciel nocturne. Il demeure vide.
Peut-être est-ce trop tôt pour qu’un pépin de soleil germe dans l’immensité ?
Le soir d’après et celui d’après, toujours rien.
La Petite Zilou est bien déçue et se demande si elle ne doit pas recommencer toute l’opération.
Elle boude un peu et son Papy se dit que ça lui passera bien même s’il se sent un peu responsable de tout ce tracas.
Enfin, le quatrième soir, le Papy l’appelle :
« Ma petite Zilou, vite, viens voir, dépêche-toi ! »
La petite fille accourt et retrouve son Papy qui la hisse dans ses bras pour regarder par la fenêtre.
Dans le ciel, ce n’est plus l’obscurité qui règne.
Dans le ciel, il y a une belle sphère blonde et lumineuse, accompagnée d’un cortège de petits diamants scintillants.
La lune est là, sortie des profondeurs du néant, belle fleur épanouie avec ses fidèles compagnes, les étoiles !
Un sourire jusqu’aux oreilles, la Petite Zilou entoure le cou de son Papy de ses petits bras blancs.
« Tu avais raison, Papy, pour que la lune renaisse, il fallait attendre que le soleil laisse tomber un pépin d’or et qu’une belle fleur pousse tout droit dans le ciel noir.
Même les étoiles sont venues ! Oh, que je t’aime mon Papy !!!»
Ce soir-là, serrés l’un contre l’autre, Papy et la Petite Zilou sont restés longtemps à contempler la magie d’une nuit étoilée.