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Tokyo : le chaos dans le calme

Publié le 30 mars 2011 par Marine8888

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«Tokyo est en proie à un chaos calme, raconte,  l’écrivain Ryû Murakami. Il ronge la ville, ses habitants, son administration.»

A Tokyo, la vie continue mais plus tout à fait la même... des états d'âme de ces habitants et de leur sérénité obligée, le reportage paru dans le quotidien Le temps, mardi 29 mars traduit ce sentiment mitigé et flou qui se nourrit de la peur de la radioactivité, de la crainte d'une pénurie des stocks alimentaires et de l'envie de vivre.

A lire dans son intégralité avant archivage : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/48007cea-596a-11e0-bd24-072dcf5e1e3f/Chaos_calme_%C3%A0_Tokyo

Extraits :  

"Tokyo refermée sur elle-même, rythmée par les briefings quotidiens de ministres aux allures de contremaîtres, en blouson bleu usine. Tokyo abandonnée par ses légions d’expatriés. Tokyo déprimée, sans autre boussole que des communiqués ponctués de relevés radioactifs trop confus pour être compréhensibles. Tokyo «camisole de force», où le devoir d’aller au bureau et de vaquer «stoïque» à ses occupations l’emporte sur l’envie de tout quitter, malgré les indicateurs inquiétants et le futur opaque".

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"La peur et la détresse ont juste pris d’autres formes, déréglant cette machine urbaine si bien huilée. Un par un, les grands panneaux publicitaires ont d’abord commencé par s’éteindre, plongeant dès 18 heures dans des semi-ténèbres les quartiers si électriques de Shibuya, Akihabara ou Ginza. Idem pour les enseignes lumineuses exubérantes ou les sonos criardes. Kenji, vendeur au grand magasin Yodobashi Camera de Shinjuku, a presque tout débranché. «On s’est mis en mode pause», raconte-t-il, rajustant la pancarte retardant de 9 à 11heures l’ouverture matinale. Rationnée du fait de l’accident de Fukushima et de l’arrêt de quatre autres centrales nucléaires, l’électricité a cessé de couler intensément dans les veines de cet univers de béton et de néons".

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"La cohésion urbaine s’est aussi fissurée. Le Tokyo intra muros, entouré par la ligne circulaire de métro Yamanote et jusque-là préservé de coupures d’électricité pour préserver l’activité économique et le bon fonctionnement gouvernemental, s’habitue peu à peu aux lampadaires blafards, aux rues peu fréquentées dès la nuit tombée, aux concerts annulés. Son immense banlieue-dortoir, elle, est en revanche prise en otage. Moins de courant. Moins d’essence. Moins de trains. Des supermarchés en rupture de stocks pour les produits alimentaires de base".

"La peur de la radioactivité a fait le reste, amplifiée la semaine dernière par l’annonce d’une contamination de l’eau dangereuse pour les bébés et de certains légumes comme les épinards. Pianiste, habituée à faire la navette entre l’archipel et l’Europe, Ayako Kawai, 36 ans, ne sait plus qui croire, ni que faire face à «l’ennemi invisible» propagé par les fumées nocives de Fukushima. Les bouteilles d’eau minérale disparaissent sans tarder des rayons. Idem pour le riz, le sucre, les soupes déshydratées: «Regardez autour de vous, dit-elle. Que doivent faire tous ces gens? Stocker la nourriture? Arrêter de se doucher? Calfeutrer les fenêtres avec du ruban adhésif? Tout quitter pour partir en province, au risque de perdre son travail et d’être pointé du doigt par ses collègues et amis? Ne croyez pas ceux qui s’affirment sereins. Tous les Tokyoïtes deviennent paranoïaques. S’ils s’efforcent de vivre normalement, c’est qu’ils n’ont pas le choix."

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"Les vrais samouraïs sont ailleurs: sur les écrans de télévision. Comme Toyohiko Tomioka ou Yasuo Sato, deux chefs d’équipe de l’unité d’élite anti-catastrophes des pompiers de Tokyo envoyés à la tête d’une centaine de leurs hommes pour arroser, les 14 et 15 mars, les enceintes de confinement des réacteurs de Fukushima afin d’en refroidir le cœur atomique. Dans les bureaux, leurs images repassent en boucle aux côtés de celles des employés de Tepco, la compagnie électrique propriétaire du site, qui demeurent au péril de leur vie aux commandes de la centrale naufragée. Mieux: leurs noms, gravés sur des traditionnelles plaquettes de bois tendre, ornent désormais l’autel du temple shintoïste Meiji, dans le grand parc de Yotsuya, ou celui du fameux temple Yasukuni, si controversé en Asie pour honorer la mémoire des grands chefs militaires nippons."

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«Pas de tristesse, pas de douleur, pas de colère. Mais pas d’espoir non plus.»


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