Si maintenant, tout de suite,
vous me demandiez de décrire le plus beau jour de ma vie, j'en serais tout simplement incapable. Un anniversaire inoubliable ? Un noël particulièrement réussi ? Une fille qui a enfin fini par
dire "oui", après des jours, des semaines, des mois de stress ? Un premier baiser ? Un bac ou un permis de conduire en poche ? Un premier boulot à plein temps ? Non, il y a trop de ces journées
que je pourrais qualifier de "plus beau jour de ma vie" pour en choisir une seule.
Pourtant, aujourd'hui, on s'en approche. Aujourd'hui, mes mains fébriles ont enfin pu se poser sur Rez, après des années à jouer à des shoot'em up fades et sans saveur. Après des années sans y
avoir touché, à ce shoot de SEGA. C'est donc avec une joie non dissimulée, un sourire ineffaçable de mon visage d'enfant, que je me suis lancé dans une partie de Rez HD, qui est disponible depuis
mercredi en téléchargement sur le Xbox Live.
Avant toute chose, je dois vous
avouer que raconter Rez HD est un exercice assez délicat. Rez n'est pas un jeu comme les autres. On ne peut donc pas en parler comme les autres jeux. Rez s'apparente plus à une expérience unique
en tous points qu'à un jeu vidéo à part entière. Sauf qu'ici, quand on parle d'expérience unique, on est bien loin des fantaisies de la Wii. Il s'agit plutôt d'un jeu hors du commun, d'un genre
qui n'existait pas avant, et qui n'a pas vraiment survécu après. Rez est un jeu unique, inimitable et inimité, d'autant que celui-ci n'a pas vraiment cherché à s'apparenter à la masse de jeux qui
l'a précédé.
Rez est ce qu'on pourrait appeler un "shoot musical". Le concept n'est pas bien compliqué en soit : vous dirigez le personnage au centre de l'écran. Enfin, vous ne le dirigez pas vraiment, mais
plutôt son "viseur", qui se promène librement au gré de vos pressions faibles, mais assurées sur le joystick de la manette. Comme dans tout shoot qui se respecte, vous avez pour mission de
débarrasser l'écran des ennemis qui s'y trouvent. Et c'est après avoir dézingué les premiers que vous comprendre tout de suite l'immense étendue de ce jeu en apparence complètement déjanté. Parce
que oui, Rez est un jeu assez simple à prendre en main, mais complètement rebutant au premier abord. Les graphismes sont... attendez, quels graphismes ? Point de ça ici, le premier niveau
ressemble plus à une vaste boîte de nuit dans laquelle le patron a fermé les yeux sur la consommation de drogue qu'à un jeu vidéo. Les habitués des shoot'em up, pour ne pas dire des jeux vidéo en
général, risquent de perdre tous leurs repères en arrivant sur ce titre, et pour cause : il ne ressemble à rien qui existe.
Et c'est pourtant ce qui en fait sa
force. Parce que malgré des dessins un peu simplistes, des décors psychédéliques et une animation qui donne le tournis, Rez dispose d'un atout de poids, d'un argument sans lequel ce titre aurait
tout juste été bon pour les ordures : sa musique. Et c'est bien là que l'incroyable talent (pas l'émission pourrie de M6, le vrai talent...) de Tetsuya Mizuguchi (si vous êtes un habitué, vous
savez déjà qui c'est, et pourquoi j'aime cet homme) se révèle aux yeux et aux oreilles ébahies du joueur sceptique. La musique, puisque c'est de cela qu'on parle, c'est vous qui la créez. C'est à
dire qu'à chaque pression sur le bouton de tir, à chaque ennemi qui passe sous votre viseur, à chaque tir effectué, à chaque ennemi abattu, vous créez une nouvelle note de musique. Et plus vous
avancez dans le niveau, et plus la musique devient intense. Et plus vous abattez d'ennemis, et plus vous créez l'ambiance sonore du jeu.
Cela peut paraître bête, expliqué
comme ça, mais il faut vraiment y jouer pour saisir toute la quintessence de ce jeu, qui ne délivre ses secrets qu'au joueur qui détient la manette, certainement pas au spectateur assis à côté,
encore moins à celui qui ne le découvre que par un article sur Internet. À mi-chemin entre le jeu d'arcade et le jeu musical, Rez ressemble plus à un voyage qu'à une mission. Pas vraiment
compliqué, il est possible de finir le jeu la première fois qu'on y joue, sans jamais mourir une seule fois. La seule influence que peut avoir la manière de jouer sur l'aventure, c'est au niveau
de l'énergie accumulée. En détruisant une série d'ennemis sans en manquer un, vous faîtes apparaître un objet. En tirant sur cette objet, vous récupérez son énergie. Quand vous avez emmagasiné
suffisamment d'énergie, votre personnage augmente d'un niveau et les notes que vous jouez sont différentes. Et ainsi de suite jusqu'au niveau suivant.
En définitive, Rez est en quelques sortes un jeu qui ressemble à son joueur. Si l'aventure est linéaire et ne laisse aucun choix dans la direction à prendre, il existe malgré tout une infinité de
manières d'apprécier Rez. Chaque joueur le découvrira à sa façon, et aucun n'y jouera comme un autre. C'est un jeu à acheter immédiatement si vous avez une Xbox 360. Déjà parce que pour 10 euros,
vous avez l'un des jeux les plus originaux de sa génération, ensuite parce que ce jeu est d'une rareté frustrante en boutiques, même s'il est sorti sur Dreamcast et PS2 à l'époque.