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Publicité et digital : faut-il de nouvelles mesures ?

Publié le 31 mars 2011 par Christophe Benavent

Publicité et digital  : faut-il de nouvelles mesures ?

Friendfeed vs Twitter

[pour la Journée AFM GfK France - 1er avril 2011]
L'environnement publicitaire se caractérise d'abord par la multiplication des canaux et moyens d'actions dont les métriques varient sensiblement de ce à quoi on était habitué, chaque instrument par nature suscite ses propres indicateurs : les taux de clics, nombre de pages vues, nombres de vidéos vues, les niveaux de recommandation sur les réseaux sociaux, des indicateurs de sentiments, des scores d'influences, des taux d'ouverture, de conversion, de transformation, d'appétance. Cette multiplication des indicateurs cotoie sans complexe l'exigence du ROI, ce mot magique qui justement jamais ne donne le retour sur investissement, se contentant d'un ratio entre un effort et un résultat. Les As du ROI sont de piètres comptables, et souvent de mauvais économistes.
Si on peut croire qu'un indicateur peut refléter le résultat d'un effort effectué dans un canal et être comparé à travers différentes actions (le coût par clic en est un moyen), on voit mal comment comparer différents indicateurs d'un canal à un autre ( le coût du clic et celui de l'ODV). Il faudrait une échelle commune, où un critère définitif puisse trancher : quel impact sur les ventes, la part de marché, le profit ou mieux encore la valeur client ? Les myriades d'indicateurs que l'on constitue à mesure que des canaux nouveaux s'ouvrent, sont des indicateurs secondaires de performance, l'enjeu est de les lier aux mesures fondamentales.
Le caractère ad hoc des indicateurs est sans doute le problème le plus simple. Nous avions déjà rapporté l'argument de Gian Fulgoni à propos des taux de clics si faibles qu'on devrait abandonner l'usage des bannières, il sont de l'ordre de 0,1%, mais ils tiennent compte ni des effets de mémorisation ou d'image qu'on retrouve dans le glissement des ventes. C'est à travers la multiplicité des campagnes que l'on doit mesurer la performance. Le plan doit dominer sur les opérations. Les obsédés du ROI peuvent perdre de vue la stratégie. Et son résultat mesure l'effets de toutes les opérations sur les ventes.
Le problème le plus important vient des effets cross-canaux qui sont fortement intriqués. Les mass media incitent à fréquenter les sites, et la frequentation des sites accroit sans doute la performance des mass média. Le marketing direct peut pousser avec précision une marque et augmenter la fréquentation du site rendant un nombre important de consommateurs sensibles aux messages des mass-media. Les effet vont dans un sens et dans l'autre, ils sont récursifs.
La conséquence est qu'il est difficile de démêler les effets, sauf à comprendre les inductions dans le temps : comment un canal affecte la performance d'un autre. Les indicateurs d'un médium ne mesurent pas forcément l'effet unique de ce média, mais aussi l'influence des autres. Ce souci est augmenté par le fait que les campagnes sont désormais en continu, comment isoler l'effet d'une campagne de l'accumulation des effets des précédentes ?
C'est une question à laquelle Fulgoni propose une réponse simple. Pour analyser l'efficacité des bannières il ne faut pas regarder le taux de clics qui est extrêmement faible : 0.1%. L'effet d'une campagne peut difficilement être apprécié en tant que tel. Le clic représente une action, mais un silence n'est pas forcement sans effet, les expositions sans action peut aussi travailler la cible. C'est pourquoi il propose de regarder l'effet cumulé sur les ventes, et d'isoler ce "drift", qui n'est rien autre qu'un calcul d'élasticité. On en revient à l'idée fondamentale d'un Little et de son decision calculus.
La différence est qu'aujourd'hui nous disposons de quelques trésors économétriques. La solution passe par un effort de modélisation sophistiqué qui est le seul moyen de distinguer les effets. Les solutions sont disponibles depuis plus de 10 ans avec les modèles VAR, VECM ou DLM dont l'intérêt principal est de tester simultanément les effets d'un indicateur sur un autre par un jeu simple d'équation d'auto-régression. Une batterie d'outils les accompagnent :
    1. les tests de causalité à la Granger qui aide à étudier le sens de la causalité, par exemple de nombre cumulés de membres de la page de fan influence-t-il la mémorisation d'une campagne TV et/ou la campagne TV influence-t-elle le nombre de membres de la page ?
    2. Des tests de cointégration qui sont essentiel dans la mesure où de nombreux nouveaux indicateurs sont des indicateurs cumulatifs : le nombre de membre twitter est la somme des précédent plus des nouveaux. Dans ce cas les séries sont intégrées.
    3. Des fonctions d'impulsion qui par simulation permettent de calculer et de représenter l'influence d'une variation unitaire d'une des variables sur les autres variables en examinant sa distribution dans le temps. Ce sont en fait les formes modernes de l'élasticité qui reste le seul critère de mesure d'efficience.

Que l'on dispose de la méthode est une chose. Mais ce n'est pas suffisant. C'est une connaissance plus fine des interactions des médias qui est nécessaire. L'écologie des médias en temps réel, tels que twitter, et des grands médias d'information est instructive : à l'examen des grands événements on devine assez nettement les interactions. L'info primaire qui y circule a d'autant plus de chance d'être reprise par les médias qu'elle est retwittée, mais en retour sa reprise par ces médias active les Rtwits. Mais à ce cycle, qui prend quelques heures ( par observation directe de certains événements la reprise par les grands médias se réalise quelques heures après – souvent le temps de vérification – et son effet sur les re-tweets dure on va dire 36h), s'ajoute un effet parallèle sur les blogs qui se nourrissent de cette double information mais dans un rythme plus lent, celui de quelques jours. Pour compliquer la chose, un certain nombre de nouveaux médias reprennent a posteriori l'information en la republiant (syndication). Cette activité d'ailleurs peut être institutionnalisée, c'est ainsi que le Monde réinternalise un certains nombre d'articles de Internet.actu. Pour achever cette analyse, rappelons que les adwords s'articulent sur le contenu !! L'exposition dépend de la production des informations. D'une écologie complexe.
C'est ce cycle d'information qui doit être l'objet de recherche approfondies, doit être mieux compris, non seulement dans l'ordre et l'importance des interactions, mais aussi dans la structure des populations qui l'animent : spécialiste de RP, blogueurs influents, fan de marques, leader d'opinion et ce grand public qui demeure en dépit de la socialisation de l'internet : 90% des consommateurs d'information ne font rien ou presque, le taux de recommandation n'est guère plus important que 5% et celui des contributions inférieur à 1%. Une écologie complexe de la communication publicitaire et non publicitaire est en train de se mettre en place. Il est essentiel d'en avoir une connaissance plus fine sur le plan empirique.
Nous avons les méthodes, nous avons les données, il reste à les réunir. Quand à la nécessité de nouveaux indicateurs et de nouvelles mesures laissons cela aux marketers des nouveaux services. En réalité on en a pas besoin. Il suffit de pouvoir mettre en ligne et en modèles, les données disponible. On examinera a postériori s'il permette de mieux rendre compte de la dynamique d'ensemble, et de savoir quelle place prendre dans le système à construire qui n'est rien d'autre qu'une forme de balanced scorecards
Alors oublions les mauvais comptables, coupons la tête au ROI, réapprenons ce que les spécialistes du contrôle de gestion nous apprennent depuis longtemps, prenons tous les indicateurs disponibles et cherchons quelles causalités les relient, et comment les tactiques contribuent à réaliser les objectifs de la stratégie. En marketing ces objectifs sont peu nombreux, ils se résument à la part de marché et à la valeur du portefeuille de clientèle.

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