Tarte passionnément chocolat aux fruits de la passion et aux abricots de Pierre Hermé et déboire d'une jeune enseignante

Par Piroulie

Quand j'ai commencé à enseigner, j'avais une classe de terminale particulièrement dissipée qui donnait du fil à retordre à tous leurs enseignants.
Je passais presque autant de temps à tenter de leur inculquer quelques notions de maths qu'à faire de la discipline et je sortais régulièrement de cours en étant moralement et physiquement épuisée !
Pourtant, u
n jour j'ai eu l'immense surprise en entrant dans cette classe, de trouver des élèves silencieux, assis à leurs places avec leurs cahiers et leurs livres sur les tables et sans aucun retardataire avec excuse tarabiscotée.
J'avoue que j'étais plutôt étonnée et j'ai rapidement balayé du regard la classe et le couloir pour constater qu'il n'y avait ni directeur, ni inspecteur, ni prof ou surveillant en colère dans les parages !
Mon étonnement a alors fait place à la suspicion et j'ai scruté dévisagé mes élèves en essayant de comprendre pourquoi cette classe, assez sympathique au demeurant mais particulièrement agitée, semblait soudain tétanisée par ma présence qui en règle général passait à peu près inaperçue dans les premières minutes de mon arrivée (je vous rappelle que j'étais alors une très jeune enseignante).

Je me suis donc préparée à subir une de leurs farces bon enfant (mes élèves étaient bavards, flemmards et agités mais heureusement pas méchants !) mais tout avait l'air parfaitement normal et aucun sourire furtif ne trahissait l'ombre d'un complot.
J'ai donc continué mon cours sur les nombres complexes, une partie du programme pas particulièrement difficile mais pas non plus follement passionnante, et là je me suis crue victime d'hallucination quand je me suis rendue compte qu'ils étaient attentifs et qu'en plus, ils participaient activement au cours !
Certains élèves me regardaient même avec un air craintif, sentiment que je n'avais jamais inspiré à cette classe !
J'avais, parmi ces terminales, quelques élèves qui auraient remporté haut la main n'importe quel concours de bavardage et qui semblaient avoir toujours une quantité inépuisable d'histoires captivantes à raconter de toute urgence à leurs camarades ainsi qu'une panoplie, parfois franchement hilarante, d'excuses saugrenues pour justifier ces bavardages incessants, l'oubli de leur devoir ou leur retard !
Même ces champions olympiques semblaient captivés par mes paroles et comme je ne consommais pas de substances hallucinogènes qui m'auraient fait planer, j'étais franchement intriguée par leur attitude.
Je distribuais quelques exercices à faire et manifestement personne n'écrivait de petits mots à son voisin, ne complétait un sudoku (mais m'dam c'est des maths !!!), n'envoyait de SMS en douce, ni ne dessinait dans la marge : j'avais devant moi une classe comme en rêvent tous les profs avant de réaliser à quel point ce rêve est utopique !
Et malgré mon peu d'expérience je me suis dit que finalement le mélange de menaces, de punitions et de récompenses que j'utilisais avaient enfin portés leurs fruits.
J'étais légèrement euphorique !
Je commençais à me sentir particulièrement fière de mes extraordinaires capacités pédagogiques et
j'imaginais déjà mon moment de gloire en salle des profs lorsque j'allais leur raconter que j'avais enfin réussi à faire de cette classe une classe modèle !
Je me voyais assener quelques conseils judicieux aux plus vieux enseignants (dont je fais maintenant partie !) qui se plaignaient régulièrement des difficultés de notre métier, de leur lassitude face à des élèves de plus en plus agités et paresseux et j'avais bien l'intention de leur énumérer tous les "trucs" qu'une jeune prof comme moi avait trouvé !
J'avais enfin la preuve que mon manque d'expérience était finalement largement compensé par le fait que j'étais plus proche des élèves par mon âge que les profs plus expérimentés ! 
Je me sentais même prête à apporter ma contribution à un atelier de formation des enseignants, organisé chaque année dans le lycée, lorsque
la sonnerie stridente annonçant la récréation résonna, une sonnerie qui dissipa toutes mes illusions !!!!
Les élèves comme à l'accoutumée se levèrent pour sortir et, dans la bousculade, l'un d'entre eux fit tomber une coupure de presse que je ramassais machinalement.
Je me mis à lire l'article et découvrit le récit d'un incendie qui avait complètement ravagé un pavillon de banlieue. L'incendiaire présumée, qui aurait agi par vengeance, portait le même nom et le même prénom que moi, sans avoir le moindre lien de parenté avec moi ou ma famille.
Avant son procès et après le versement d'une très forte caution elle avait été momentanément relâchée.
Je fus donc obligée de me précipiter derrière mes élèves pour leur préciser que je n'avais jamais allumé d'autres feux que ceux de ma cuisinière et que je n'étais pas la dangereuse criminelle dépeinte par l'article.
Mon égo en prit un sacré coup quand je réalisais que je n'étais strictement pour rien dans l'attitude surprenante de mes élèves qui, du fait d'une coïncidence d'homonymie, avaient été saisis de crainte à l'idée d'avoir une enseignante pyromane capable d'un tel forfait ! ...et effectivement au cours suivant lorsque je rentrai dans la classe, l'habituel brouhaha m'accueillit et il me fallut 5 bonnes minutes pour faire asseoir toutes ces commères juste au moment où deux élèves échevelés arrivèrent en courant en bredouillant une excuse insensée pour justifier leur retard !

J'aurai bien aimé déguster cette tarte en rentrant chez moi pour me remettre de cette cruelle désillusion !

LA RECETTE :

Cette recette de tarte au chocolat aux fruits de la passion garnie d'abricots moelleux, figure dans plusieurs livres de recettes de Pierre Hermé : Dans le Larousse du chocolat (sous forme de tartelettes), dans la Larousse des desserts (mini-tartelettes) et enfin sous une forme beaucoup plus sophistiquée, décorée de nougatine sur un biscuit au chocolat dans Plaisirs sucrés.
Dans les deux premiers ouvrages la ganache est faite avec du chocolat au lait et dans le dernier avec du chocolat noir et de la crème fraîche : c'est celle que j'ai utilisé dans ma recette.

L'association chocolat-fruit de la passion est originale et agréable bien que j'ai préféré la ganache framboise-chocolat : clic, mais si vous êtes fan de fruit de la passion vous l'apprécierez.
Je referai cette recette en ajoutant la compotée d'abricots qui figurait dans la recette initiale et en mettant un peu plus de pulpe de fruit de la passion.

INGRÉDIENTS (pour une dizaine de tartelettes de 8 à 10 cm de diamètre ou une grande tarte)

Pâte sucrée du Larousse du chocolat  
- 250 g de farine
- 95 g de sucre glace
- 1 oeuf
- 150 g de beurre ou de margarine à température ambiante
- 30 g de poudre d'amandes
- 2 pincée de sel
- 1/4 de gousse de vanille

Ganache aux fruits de la passion (de Plaisirs sucrés)
- 16 cl de crème liquide (fleurette ou parvée)
- 350 g de fruits de la passion (6 à 7 fruits)
- 20 g de sucre en poudre
- 300 g de chocolat noir à 66 % de cacao (ou de chocolat au lait)
- 70 g de beurre

Garniture(Larousse des desserts)
- 250 g d'abricots secs
- jus d'1 citron
- 1 cuillère à café de miel d'acacia
- 10 cl d'eau
- poivre noir du moulin

RÉALISATION

Garniture abricots (je ne l'ai pas mis dans cette tarte mais j'aurai du respecter la recette !)
Pressez le citron, coupez les abricots secs en gros cubes et mettez-les dans une casserole avec l'eau, 2 cuillères à soupe de jus de citron, 1 pincée de poivre et le miel.
Portez à ébullition, puis baissez le feu et continuez la cuisson pendant 8 minutes à feu doux.
Versez le mélange dans un saladier et laissez macérer au frais 3 ou 4 heures.

Pâte
Fendre la gousse de vanille et grattez les graines .
Dans un bol, mélangez les graines et le sucre glace.
Tamisez la farine et la saupoudrer de sel.
Disséminez le beurre coupé en petits morceaux sur la farine.
Frottez la farine et le beurre entre les mains pour obtenir un mélange sableux.
Faire un puits au milieu du mélange sableux, cassez l'oeuf au centre, y verser le sucre vanillé et la poudre d'amandes.
Mélanger mais sans trop malaxer la pâte.
Avec la paume de la main, écrasez la pâte en la repoussant.
Formez une boule, enveloppez-la dans du film alimentaire et laissez reposer 4 heures au réfrigérateur.
Préchauffer le four à 160°
Étalez la pâte sur une épaisseur de 2 à 3 mm. Détaillez des disques de 10 cm de diamètre et les réfrigérez 30 minutes ou formez une grande tarte.
Beurrez des moules à tartelettes et y placer les disques, les piquer avec une fourchette.
Pour les mini-tartelettes, couvrir de ronds de papier sulfurisé de 14 cm de diamètre frangés sur 2 cm. Mettez dessus des haricots secs.
Pour la grande tarte recouvrir d'un grand rond de 28 cm de diamètre frangé sur 3 cm.
Enfournez pour 20 minutes environ (25 minutes pour une grande tarte).

Ganache aux fruits de la passion
Hachez le chocolat.
Coupez les fruits de la passion en deux, évidez-les, à l'aide d'une petite cuillère, dans une passoire. Pressez le contenu de la passoire au-dessus d'un bol pour recueillir le jus (la quantité est insuffisante à mon goût, j'en mettrai plus la prochaine fois).
Dans une casserole portez à ébullition la crème, la purée de fruits, et le sucre. Aux premiers bouillons, retirez du feu, versez la moitié de cette préparation sur le chocolat. Mélangez. Incorporez le reste de la crème aux fruits puis le beurre. Remuez pour obtenir un mélange homogène.

Montage
Coulez une couche de ganache sur les fonds de tartelettes cuits.
Déposez la moitié des cubes d'abricots sur la ganache puis les recouvrir d'une deuxième couche de chocolat.
Placez les tartelettes 30 minutes au réfrigérateur.
Décorez les tartelettes avec l'autre moitié des cubes d'abricots