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Démocratie et liberté

Publié le 03 avril 2011 par Copeau @Contrepoints

Le divorce de la démocratie et de la liberté

Les libéraux radicaux ont actuellement une opinion majoritairement critique à l’égard de la démocratie.

Ce fait est étonnant dans la mesure où l’idée libérale et l’idée démocratique moderne, issues toutes deux des lumières, se sont développées simultanément et ont été défendues alors par les mêmes acteurs. En témoigne entre autre, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui s’appuie aussi bien sur l’une et l’autre.

Paradoxal au regard des origines historiques des idées contemporaines, ce fait s’explique beaucoup mieux en examinant les principes associés aux deux idéologies et les conséquences de leur application.

Périclés
statue de la liberté

Tout d’abord, dans leur énoncé même, démocratie et libéralisme sont distincts.

Concrètement cela signifie que le libéral et le démocrate pourront défendre des solutions totalement opposées concernant un cas d’espèce donné. Alors que l’un enseigne que chacun doit décider pour lui-même, l’autre affirme que la loi de la majorité s’impose à la minorité. Les décisions démocratiques ont autant de chances d’empiéter sur les libertés que de les protéger.

Ensuite, les libéraux ont eu de fortes raisons d’être déçus par l’évolution récente des sociétés démocratiques ayant vu entre autre, une forte augmentation de l’emprise de l’état sur l’économie et le recours assez fréquent à une judiciarisation des opinions personnelles.

Pourquoi il faut les rapprocher.

Nous pensons cependant que ces éléments ne doivent pas nécessairement conduire à condamner la démocratie d’un point de vue libéral.

Puisque c’est la solution à laquelle aboutirait le rejet de la démocratie par les libéraux, tentons tout d’abord de nous représenter le fonctionnement d’un état libéral et non démocratique.

Les règles libérales de la société seraient intangibles et fixées une fois pour toutes sans que la population ait le moindre droit de regard sur elles. Si la majorité de la population était satisfaite de ces règles, il n’y aurait pas de problème a priori. Pourtant, il est permis de supposer qu’une opinion majoritaire contestant l’intangibilité du libéralisme légal prendra forme à un moment ou à un autre. Le libéralisme du pouvoir aura d’ailleurs d’autant plus de chance d’être contesté par l’opinion qu’il sera présenté comme immuable. Ce qui est interdit devient d’autant plus désirable. Comment le pouvoir pourra-t-il maintenir ce mode de fonctionnement libéral face à une contestation croissante ? Devrait-il, contre ses propres principes, avoir recours à une restriction des libertés de manifestations ou d’expression voire à une violence plus directe ?

Un deuxième danger est que les hommes d’état garants de son fonctionnement libéral pourront tout à fait exercer le pouvoir à leur profit. Il n’existera au final aucune garantie que les personnes exerçant le pouvoir défendrons effectivement le libéralisme, la seule chose certaine étant qu’elles auront réussi à y accéder dans une compétition étrangère à tout débat contradictoire.

En somme, un état constitué dans une perspective libérale non démocratique aurait plus de chance de porter atteinte aux libertés qu’un régime démocratique sans garanties libérales institutionnalisées. La démocratie pourrait être la seule voie pacifique de résolution des conflits, un bien auquel le libéral devrait préférer ce qu’il considère a priori comme le mieux. Le meilleur système étant un régime de démocratie libérale, c’est-à-dire nécessitant des procédures institutionnelles complexes et solennelles pour que la majorité de la population puisse remettre en cause certaines libertés.

Il est possible de faire ici un parallèle avec la procédure judiciaire. En théorie une bonne décision de justice, en matière pénale notamment, est celle qui condamne le coupable et rétablit dans ses droits l’innocent.

Pourtant, l’homme n’est pas doté d’organes qui lui permettraient de connaitre a priori et en toute évidence la vérité d’une affaire judiciaire, surtout lorsque celui que l’on accuse proteste de son innocence. Il devra donc s’en remettre à une méthode qui lui permettra d’avoir le plus de chance possible d’accéder à cette vérité : une procédure contradictoire au cours de laquelle les arguments des deux parties seront longuement exposés. Malgré tout la décision rendue ne correspondra pas toujours à la vérité.

La démocratie est de la même manière une procédure de sélection des politiques publiques susceptible de s’éloigner de la vérité libérale mais qui aura le plus de chance de s’en approcher.

Ces avantages de la démocratie n’empêchent en rien de reconnaitre les risques spécifiques qu’elle peut présenter pour les libertés.

Les dangers de la démocratie

C’est dans les relations entre majorité et minorités que la démocratie présente les plus grands dangers.

La majorité peut se sentir peu concernée par la défense des droits des minorités, voire nourrir à leur encontre de la haine ou des envies de spoliation.

C’est une circonstance extrêmement dangereuse pour les libertés de tous et non des seules minorités. Alors, le peuple majoritaire n’est en effet plus capable d’apprécier lucidement ses intérêts et il se croira heureux si ses libertés ont été moins affectées que celles de la minorité. Cette attitude peut s’expliquer parce que toutes ses passions étant tournées vers l’hostilité qu’il nourrit à l’égard de la minorité, l’oppression qu’il subit lui paraitra négligeable en comparaison de sa satisfaction de voir mener la guerre contre elle, quand il ne regardera pas la première comme une conséquence des mesures nécessaires à la seconde.

Un tel mécanisme explique sans doute le succès de l’Allemagne nazie : cette idéologie totalitaire supprimant toutes les libertés de l’individu a séduit les foules en les soudant contre les ennemis qu’elle leur désignait.

De même et dans une bien moindre mesure, dans nos social-démocraties, le peuple devient indifférent aux lourds impôts qu’il subit car il croit que les riches en paieront plus et qu’il sera finalement bénéficiaire de la spoliation généralisée.

Ce phénomène est loin d’être systématique et bien souvent la population est consciente qu’elle risque d’être la victime des mesures adoptées à l’encontre d’une catégorie déterminée. Ainsi, dernièrement, les électeurs de l’état de Washington aux Etats-Unis ont refusé le principe d’un taux d’imposition spécial qui aurait frappé exclusivement les 2 % les plus riches.

La démocratie reste le meilleur garant des libertés

Aussi, les régimes démocratiques sont-ils en moyenne ceux où les libertés individuelles sont les mieux respectées. En moyenne écrivons-nous, seules quelques exceptions nous ont empêchés d’écrire « systématiquement ».

Mesurons le phénomène en observant la nature des régimes appliqués aux pays se classant dans les dix premiers et les dix derniers pour les libertés de la presse et les libertés économiques.

Les démocraties, au contraire des dictatures, sont en caractère gras.

Liberté de la presse (classement de Reporter Sans Frontière) :

Liste des dix premiers du classement :
Finlande Islande Norvège Pays-Bas Suède Suisse Autriche Nouvelle-Zélande Estonie Irlande

Liste des dix derniers :
Rwanda Yémen Chine Soudan Syrie Birmanie Iran, Turkménistan, Corée du Nord, Erythrée

Libertés économiques (Heritage Foundation) :

Liste des dix premiers du classement :

Hong kong Singapour Australie Nouvelle Zélande Suisse Canada Irlande Danemark Etats-Unis Bahrein

Liste des dix derniers :

Timor oriental, Iran, République Démocratique du Congo, Lybie, Birmanie, Venezuela, Erythrée, Cuba, Zimbabwe, Corée du nord.

Si l’on considère que le score idéal pour les démocraties serait d’occuper à chaque fois les dix premières places et d’être absentes des dix dernières (toutes occupées par des dictatures), leur taux de réussite global à cet égard est de 20 sur 20 en liberté de la presse et de 16 sur 20 en libertés économiques.

Quels que soient leurs défauts, les démocraties sont bien les régimes où la liberté est la mieux préservée en pratique.


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