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Le Pouvoir

Publié le 04 avril 2011 par Pierre

Le PouvoirComment caractériser la notion de pouvoir dans nos sociétés actuelles ? S’il est difficile de répondre clairement, c’est certainement parce que le pouvoir n’est plus ce qu’il fut.

Le pouvoir politique, autrefois centralisé et personnalisé, est désormais largement dilué entre différents échelons territoriaux, de l’Europe à la commune, en passant par l’Etat, les régions, les départements, les intercommunalités. A chacun de ces échelons, les compétences sont encore dispersées entre différentes collectivités, agences et syndicats en tous genres. Comment comprendre dans tout ce fatras qui détient le pouvoir de décision, la capacité à peser sur les événements ?

L’écran de fumée s’épaissit quand on constate que les lieux officiels du pouvoir ne sont que rarement les lieux du pouvoir réel. Les assemblées en tous genres (Assemblées Nationale, régionale, départementale…) sont souvent devenues les lieux de la mise en scène symbolique du pouvoir politique, tandis que les décisions sont prises loin des regards, dans le secret des couloirs ou des bureaux.

L’équation se complique encore si l’on s’interroge sur le vrai pouvoir du politique, face à la dictature médiatique du spectaculaire et de l’immédiat, ou face au pouvoir des entreprises qui, avec la mondialisation, s’organisent et organisent les territoires selon des logiques qui échappent de plus en plus aux capacités de régulation des collectivités.

Pourquoi toute cette confusion ? Parce que notre époque, informatisée et interconnectée à l’extrême, est elle-même devenue d’une grande complexité, rendant nécessaire une adaptation en conséquence du pouvoir et de ses modes d’exercice ? Ou alors, carrément, que cette extrême complexité a rendu nos sociétés ingouvernables, échappant à tout pilotage, tel un aberrant navire sans gouvernail et sans équipage ?

L’écrivain Alain Damasio, dans son excellent roman « La zone du dehors », avance une hypothèse intéressante :

C’est précisément la grande force d’un système […] que de paraître aussi inefficace qu’inoffensif. C’est pourtant une loi dans nos sociétés : plus un pouvoir se veut efficace, moins il se manifeste comme pouvoir. Non seulement il a renoncé […] aux contraintes physiques, mais il évite désormais toute espèce d’injonction, d’ordre impératif ou d’interdiction formelle. Les pouvoirs modernes […] se déploient dans l’intangible, l’invisible et l’interstitiel […]. Les pouvoirs modernes sont aérodynamiques. Leur problématique, c’est un coefficient de pénétration. […] Pourquoi, comme les barbares, gaspiller 100 de force pour se voir opposer 95 et gagner 5 en pouvoir ? Ne vaut-il pas mieux développer un petit 7, discrètement mais constamment, de sorte qu’il n’y ait pour résistance que 2 ?

Finalement, peu importe que cette discrétion du pouvoir soit volontaire ou seulement la résultante d’une société toujours plus complexe. Car cette illisibilité du pouvoir, si elle participe certainement du désintérêt du citoyen pour la politique, présente en tout cas deux avantages pour ceux qui ont le pouvoir, ou du moins qui profitent des équilibres actuels du système :

  • Un système de pouvoirs complexe et illisible rend difficile son contrôle et son évaluation, ce qui permet de s’affranchir de certaines responsabilités de transparence démocratique
  • Dans une société plus inégalitaire que jamais, le citoyen moyen ne sait pas contre qui diriger sa colère, ce qui est toujours ça de gagné pour celui qui lui tond la laine sur le dos.

Peut être un thème de réflexion pour les candidats en 2012, que l’on espère préoccupés par la défiance croissante des citoyens envers le pouvoir politique.


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