Pour bien commencer la semaine, et compléter une certaine résolution du 19 septembre 2008
Frédéric Lordon, économiste et directeur de recherches au CNRS, a animé une conférence philosophique très intéressante sur la critique du néolibéralisme (le système économique dominant actuel), en s'appuyant principalement sur la théorie des affects humains de Spinoza pour expliquer l'asservissement des individus et de leurs désirs afin qu'ils coïncident avec le désir-maître de l'entreprise, qui met tout en oeuvre pour manipuler les affects joyeux des individus... mais cela ne fonctionne pas à tout les coups et parfois se dresse le mécontentement ou l'indignation et la nécessité d'une résistance dictée par sa propre nature.
S’il y a une spécificité du néolibéralisme c’est bien qu’il se donne pour vocation de coloniser intégralement l’intériorité des individus, des travailleurs, c’est-à-dire de refaçonner intégralement leurs désirs et leurs affects. Le régime de mobilisation néolibéral ne se contente pas de ce que des salariés viennent et accomplissent les actions qu’on leur a dictées d’accomplir, comme c’était le cas dans le fordisme. Le néolibéralisme exige que le salarié refaçonne entièrement ses dispositions pour être dans un état de mobilisation générique et permanente. C’est-à-dire, non pas d’être simplement en état de faire précisément ce qu’on lui dit, selon une check-list analytique, mais d’avoir incorporé en soi, d’avoir fait sien, le désir-maître de l’entreprise de telle sorte que la coïncidence soit telle que la mobilisation soit quasi-parfaite. Puisqu’en s’activant au service du désir-maître, le salarié a en fait le sentiment de s’activer au service de son propre désir. C’est çà, la suprême habileté de la manœuvre mobilisatrice du néolibéralisme (…)
Source : « Frédéric Lordon : Capitalisme, désir et servitude », Passerellesud.org, première diffusion le 4 décembre 2010. URL : http://passerellesud.org/Frederic-Lordon-Capitalisme-desir.html
Pour ceux qui ont un peu de temps, l'intégralité de la conférence MP3 est à l'écoute sur le site de Passerelle Sud
F. Lordon revient notamment sur la notion d'intérêt souverain, arguant ciomme Spinoza que tous nos actes, même désintéressés, sont toujours et sans exception anmés par un intérêt qui souvent nous échappe, car nous ignorons les causes qui nous déterminent, cet intérêt est l'objet du désir ou conatus chez Spinoza, désir de persévérer au sens large.
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