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On a marché sur le Chimborazo

Publié le 04 avril 2011 par Keimuta

Avec le brouillard, et la nuit qui tombait, on n'y voyait pas à 5 mètres. On a commencé à faire comme si on était sur la lune, à marcher tout doucement, à essayer de flotter et le refuge s'est dessiné devant nous. Pas moyen de continuer vu l'heure, alors on a toqué pour savoir si c'était possible d'avoir une place pour la nuit.

Le refuge, il était tout en pierre et quand on rentrait dedans c'était tout neuf. J'ai pas bien dormi, parce qu'il y avait un angoissé allemand qui a hurlé toute la nuit à cause de l'altitude. Mais quand je me suis réveillée, j'ai eu l'impression que j'étais membre d'une mission spatiale. La fenêtre de notre chambre était assez basse et dehors il y avait des éclairs dans le brouillard. C'est comme si, j'avais été un scientifique à qui on distribuait de l'air et qui était en mission pour étudier l'environnement hostile qui l'encerclait.   On a marché sur le Chimborazo J'ai refermé les yeux et c'était 5h du matin, l'heure de faire l'ascension. On a commencé à avancer sur l'unique route, chacun à son rythme parce que moi je préfère l'endurance plutôt que le sprint. Cette fois j'en étais sûre, j'étais sur la lune. Je m'attendais à de la neige, des glaçons partout, et devant moi il n'y avait qu'un magnifique paysage apocalyptique, sec, silencieux et sans vie. Des petites boules d'herbes vertes pâles parsemaient le sol. De la vapeur sortait de la terre comme si celle-ci allait exploser sous mes pieds. Ça faisait bien 2h qu'on marchait et ça montait sévère (comme partout ici on dirait) ! On passait d'une mer de pierres rouges, à un océan de pierres jaunes. Un pic gris anthracite sortait des nuages et j'étais claquée. J'ai dis bonjour aux vigognes, j'ai suivi l'oiseau au gros ventre blanc, j'ai pleuré un petit coup parce que j'étais trop heureuse. J'ai failli marcher sur un tas de crottes. J'ai couru dans les cailloux, mais j'ai pas fais un roulé-boulé moi quand on a décidé de couper par les flancs inexplorés.   On a marché sur le Chimborazo Quand j'ai commencé à trouver le chemin un peu long, un pick-up s'est arrêté et m'a proposé de monter. Franchement, j'ai pas hésité et j'ai sauté à l'arrière avec toute la famille. La petite fille m'a demandé d'où venaient mes yeux bleus. J'ai senti le vent souffler sur mes joues, il commençait à faire froid alors qu'il était même pas 9h et j'ai vu de la neige apparaître sur le bord de la route. On a roulé, roulé. Et comme si j'avais entendu un gros « DONG !!! », les nuages se sont écartés, le soleil est revenu et j'ai vu le sommet du Chimborazo apparaître devant moi. Ça m'a fait plein de frissons et je crois que j'avais un sourire un peu niais mais personne a dû le remarquer.   On a marché sur le Chimborazo J'ai posé mon sac au second refuge puis je suis restée dans un coin du dortoir jusqu'à ce que tous les bus de touristes hystériques et irrespectueux des autres avec leurs aboiements et leurs sales manières s'en aillent et je suis montée au troisième refuge. C'était raide, j'ai fait plein de pauses mais j'y suis arrivée. C'est la première fois de ma vie que je suis si prêt de toucher la lune. 5000m. J'ai eu le souffle coupé devant toutes les tombes des aventuriers jamais retrouvés, j'ai pensé à Humboldt qui a dû avoir le même regard que moi quand il a vu le volcan la première fois et je suis redescendue me cuisiner quelques pâtes à la lumière de l'unique bougie du refuge, tout en sirotant un petit maté de coca.

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