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Histoire des positions : l'époque moderne

Publié le 05 avril 2011 par Claramoi

Etre dessus ou être dessous quand on fait l'amour ne dépend pas simplement du plaisir donné ou reçu, mais aussi des relations de pouvoir entre les sexes qui régissent la société. Quand les hommes dirigent les affaires politiques et économiques, les femmes sont souvent maintenues dans un statut social moins élevé pour que la société ne soit pas "déstabilisée". Les choses ont elles changé à l'époque moderne ?… pas vraiment.
Ainsi, au XVIIIe siècle, un chirurgien de Lille écrit : “La femme qui, loin d'attendre mollement entre les bras de son mari les caresses dont il va la combler, s'élance au-dessus des plaisirs, en saisissant une place qui ne lui est pas destinée, trouble l'ordre des choses”. L'homme qui abdique ses responsabilités en cédant sa place de dominant ne mérite pas sa chance. De plus, son attitude est tellement incompréhensible, et “contre nature”, que l'on préfère imaginer que ce n'est pas un vrai homme, que la complaisance manifestée à l'égard de sa compagne traduit une personnalité efféminée, ou même l'homosexualité.
Le XIXe siècle, de même que le XXe, raisonnent toujours ainsi, et se crispent sur une vision de plus en plus caricaturale de l'opposition entre les sexes : l'homme actif étant le contraire de la femme passive, tout signe d'activité chez la femme, comme tout signe de passivité chez l'homme, deviennent la preuve de troubles graves. L'accouplement où la femme est placée au-dessus et l'homme au-dessous est évoqué comme exemple de masochisme, et l'on souligne la “perversion” de ceux qui aiment que la femme prenne l'initiative et agisse au lieu d'attendre, immobile : des médecins contemporains se méfient d'un homme “susceptible de ressentir un plaisir inconnu dans une position coïtale subalterne et veule, de même qu'il aime être conduit en voiture ou massé par une femme ; à un degré de plus et avec l'habitude, son émoi confine au masochisme et même à la névrose d'abaissement...
Des psychiatres ont suspecté la posture de l'homme semblable à celle ordinaire d'une femme d'être un signe d'homosexualité latente”. D'autres traitent de “malades”, de “névrosés” les hommes “qui ont besoin que la femme contribue manuellement” à leur excitation, “ce qui est de leur part un signe de passivité”. Kinsey cite, pour les critiquer, d'autres opinions similaires : “dans cette position, l'homme a tendance à s'efféminer, alors que la femme prend une autorité masculine. Ainsi l'homme perd sa dignité, et, par là-même, le pouvoir nécessaire à la bonne marche de la famille. Le fait de laisser la femme prendre cette attitude de domination dans le coït peut conduire à des troubles nerveux et dans de nombreux cas au divorce” (1948). Certaines conclusions sont inattendues : si des hommes “s'étendent sur le dos pendant le rapport, leur femme au-dessus intervenant activement du bassin, mais le visage et le torse éloignés”, c'est parce que “l'illusion avec la masturbation est presque parfaite” ! “Bien des maris n'apprécient pas les manifestations érotiques chez une femme qui n'est que la leur : ils les estiment contraires à la pudeur” (1960).
“Il faut blâmer sévèrement l'homme qui, pour augmenter ses jouissances, se place sous sa femme, en intervertissant les rôles : cette inversion est souvent le signe de concupiscences mortellement mauvaises chez celui qui ne sait pas se contenter des moyens ordinaires de pratiquer le coït” (Mgr Bouvier, 1890). À l'inverse de ces idées masculines, les femmes d'aujourd'hui sont nombreuses à se révolter contre ces préjugés : “Cela m'a terriblement agacée qu'il soit toujours sur moi et toujours le plus actif...” ; ou encore : “Je ne sais pas comment ça se passe chez les autres hommes, mais il ne peut pas supporter, lui, que je sois plus forte ou au moins aussi forte que lui. Il doit prouver sa supériorité dans tous les domaines et à tout prix, sur le plan sexuel aussi. Il ne peut avoir un orgasme que s'il est ‘dessus'” ; “Le monde s'est écroulé : je me sentais si dominée, totalement dominée : j'étais sous lui, il était dessus...”
Si toute relation saine est rendue impossible, si l'homme s'accroche à sa domination, certaines femmes préfèrent fuir ces partenaires figés dans un rôle à tenir, et fort peu intéressants. Au point parfois de vanter les amitiés ou les amours féminines : “Avec une femme j'ai plus de chance de vivre une relation d'égalité. On n'a pas de rôle à jouer, on n'a pas besoin de mimer la faible femme ou le mâle. Avec une femme, je peux me laisser aller...” Et pourtant “les relations hétérosexuelles pourraient être aussi belles s'il n'y avait pas cette dépendance...”
Une autre façon de réagir est de briser les conventions sociales habituelles : “Je sors avec des types assez jeunes, souvent des étrangers, de classe inférieure : des artisans, des ouvriers. Nous couchons ensemble. Mais je ne leur demande rien de plus, et c'est réciproque. Peut-être est-ce pour moi la seule façon de ne pas me sentir inférieure... Pendant toutes ces années, je n'ai jamais été perdante...” (cités par A. Schwarzer, “La petite différence”, 1975). Pour que la sexualité du couple s'exprime dans des rapports égalitaires, certaines femmes et certains hommes remettent en cause le choix du partenaire (son sexe ou sa classe sociale) mais aussi et toujours le type de jeu amoureux, notamment le modèle de la position à adopter.


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