Magazine Moyen Orient

Journaliste en Syrie #prélude Valse avec Bachar

Publié le 06 avril 2011 par Jujusete

syrie, protest, manif

« Are you journaliste ? »

Gné ? Je suis au Prince, sur l’avenue principale d’Homs. Chich Tawouk, pepsi, homous, Guerre et Paix, le passage sur Austerlitz. On vient de donner un coup dans l’arrière de ma chaise.

« Are you journalist ? » Dit de nouveau la voix du type qui se trouve en face de moi. Il a la bouche de traviole, les dents sur le côté ont été refaites. Il est gros.

« journalist for Belgium ?»

Alors ils savent même que j’ai pigé pour la RTBF.

« Monsieur, je ne suis pas Belge, je suis Française, vous faites erreur. »

Oui, on a un gouvernement, nous. Tout pourri, mais on en a un…

Je serre les fesses. Je sais que j’ai deux bonhomme derrière, je les sens, et je fais mine de ne pas comprendre. Dans mon idée, c’est déjà trop tard, ils sont là pour venir me chercher.

« we know… I’m english teacher. I’ve a problem, I want to translate a letter and you can come with me to help me…”

Non mec, je suis française et comme tous les français, j’ai un anglais déplorable, adresse toi à quelqu’un d’autre. Et non, je ne vous suivrai pas. Du moins pas si facilement.

Il se penche vers moi.

« You are afraid of me ? »

Ce qui me fait peur, c’est de ne pas savoir si les deux gars derrière sont armés de couteaux ou de guns. Mais non, je n’ai pas peur de mecs qui se mettent à trois pour secouer une gamine. Vous êtes ridicules. Je lui sors ça direct en anglais, le menton haut, mais je n’ai qu’une envie sur le moment c’est de me fiche en boule sur le sol et de pleurer.

Je flippais comme jamais et je voulais juste avoir l’air forte. J’imagine que je tremblais. Pas question qu’ils m’emmènent aussi facilement, sans résistance. Dans mon sac à dos, à côté de moi, j’avais tout mon matos, la carte SD de l’appareil avec les photos de manif, l’ordi. Je devais être blanche, voire transparente.

Respirer.

Ce n’est pas l’ambassade qui viendra me chercher (cf un prochain billet) on me l’a bien fait comprendre quand j’y suis allée. Et je suis dans un bled paumé.

Respirer

« You don’t want to help me ? »

Non, ni toi ni les autres. Ca m’obsédait, ces types dans mon dos. Ne pas savoir. Et les secondes passaient sans que je sache si j’allais me faire choper.

Il y a un blond, là bas, à la table, lui pourra tous vous aider.

Le temps de baisser les yeux, je relève la tête. Plus personne.

Plus personne dans mon dos,

Plus de bonhomme avec sa bouche de traviole.

Respirer.

Boule au ventre.

L’avant veille, suivie à Tartous, en bord de mer par deux bonhomme (cf autre billet), j’étais partie me réfugier à Homs. Mas rien n’y a fait....

Hotel, chambre.  Cogiter

J’appelle une twittos qui vit à Damas et lui raconte « ah oui, c’est bizarre ». Et de me conseiller de rentrer sur Damas « il sauront où tu te trouves, mais s’ils viennent te chercher, des gens seront au courant… »

Ouais mais bon, l’idée ce n’est pas de passer deux mois en geôle, comme le dernier français qu’ils ont pris pour un espion, sans aucun contact avec l’ambassade, sans savoir ce qu’il se passe dehors, si on le cherche… J’avais peur qu’ils débarquent à l’hôtel, j’ai rassemblé des affaires, pas toutes dans la précipitation.

Le matin même, j’avais demandé à passer une nuit supplémentaire dans le coin. C’était si reposant, sur place. Tout ce qu’il me fallait pour récupérer avant vendredi.

Mais non, ils ne veulent pas de journalistes à Damas vendredi. Ca ne sent pas vraiment bon.

Il fallait une nouvelle fois filer. Taxi, bus station. Direction Damas où j’ai eu de nouveaux soucis (cf encore un prochain billet), ce qu m’a convaincue de partie direction Beyrouth dans une vieille voiture sans phares sous la pluie, avec traversée de la vallée de la Becka façon noir intense. Je crois que passée la frontière Syrienne, j’aurais pu taper la bise à n’importe qui, même aux types du Hamas.

A Beyrouth, je suis retournée chez mes amis Ans et Georges, qui m’ont accueillie en urgence. J’ai ouvert twitter et vu le billet de David que Gaël a fait tourner, dans le canapé où j’allais passer une longue et régénératrice nuit. J’ai bien failli en avoir besoin, du commando des buveurs de bière ! A quelques heures près, peut-être…

Et pour les litres, une tournée au prochain KDB après mon retour (mai) s’impose !


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