Maroc : La ligne de séparation indispensable

Par Abdellah HAMMOUDI Anthropologue
La consolidation du mouvement du 20 février et son action bien ciblée sont de bon augure pour son succès.
Cependant, à l’heure qu’il est, le mouvement rencontre sur son parcours un grave danger, qui est celui du mélange des genres et de la confusion entretenus. Pour échapper à ce danger, il parait indispensable de dissiper les confusions en traçant des lignes de démarcation claires et historiquement conséquentes.
Une première ligne consisterait à séparer l’action authentiquement militante visant à réaliser des changements décisifs et durables d’une part et, d’autre part, les participations opportunistes aux
manifestations. Ceci est particulièrement vrai de certaines personnalités politiques qui parasitent le mouvement tout en continuant à occuper des places au gouvernement et parlement. Il s’agit d’un comportement qui va à l’encontre de toute éthique et, bien sûr, du
minimum d’éthique en politique. Le mouvement du 20 février réclame un
assainissement du régime, c’est a dire aussi un assainissement des directions des partis. Il est temps que ces directions cèdent la place a leurs militants sincères, jeunes et moins jeunes, afin que ceux-ci constituent un front uni avec toutes autres composantes. La deuxième ligne de démarcation devrait permettre de faire face à un danger encore plus redoutable. Elle devrait séparer de façon décisive la démocratie demandée par le mouvement dune part et, d’autre part, « le prétendu modèle marocain » de démocratie qu’on nous propose. C’est pour la énième fois qu’on tente de nous faire avaler des prétendus modèles marocains pour tout. C’est un expédient politique qui nous force à faire du sur place depuis un demi-siècle.
En fait, le seul modèle démocratique
véritablement marocain est celui pour lequel les marocaines et marocains militent depuis des générations, et que le mouvement actuel cherche à réaliser avec une prise de conscience sans précédent. L’autre modèle , celui qu’on cherche, une fois de plus, à nous imposer , n’est pas un modèle marocain , mais en réalité un système autoritaire hérité du passé colonial, mis à jour après l’indépendance et passé à un certain vernis politique moderne .
Le véritable modèle marocain est celui que réclament aujourd’hui les Marocains. N’est-ce pas là la preuve irréfutable de son authentique marocanité?
Le mouvement va sans doute se
renforcer de par les initiatives qui se
multiplient, telle l’heureuse initiative du collectif des signataires du nouveau mémorandum détaillé concernant les réformes urgentes et incontournable à entreprendre.
Pourtant les risques n’ont jamais été plus grands. Et il y aurait risque fatal d’échec si par malheur nous négligions la question brulante et capitale de la procédure. Car en effet, et alors que tout est clair en ce
qui concerne les revendications, la commission nommée unilatéralement d’en haut continue son travail secret comme si de rien n’était. Les partis du Palais présentent leurs propositions, et le rythme de préparation d’une constitution octroyée s’accélèrent, ceci à quelques deux mois de l’été, période de choix pour passer, à chaque fois, toutes les décisions contestables.
Il y a des chances très sérieuses que
cette commissions d’« experts », qu’il serait plus judicieux d’appeler commission de dilution des revendications démocratiques, finisse son travail très rapidement, et que nous serions mis devant le fait accompli d’un référendum. Et que l’appareil du makhzen agisse pour réaliser un résultat connu d’avance. Alors ?...Alors il semblerait qu’on nous accule à l’unique choix possible : sortir en masse et de façon permanente pour convaincre le souverain de donner congé
à cette commission préparatoire, et
laisser la place a une assemblée
constituante représentant toutes les
composantes du peuple. Dans ce cadre et dans ce cadre seulement devrait s’élaborer la nouvelle constitution démocratique et légitime de notre pays.