L’industrie aérospatiale française en phase de nette reprise.
En cherchant bien, on finit toujours par trouver de bonnes nouvelles. Les résultats de l’industrie aérospatiale française pour 2010 en témoignent : les chiffres sont bons, dominés par un mouvement de reprise qui, de toute évidence, ne fait que commencer. Certes, le chiffre d’affaires de la profession a augmenté de 3,5% seulement, ŕ 36,8 milliards d’euros, mais les commandes ont fait un bond en avant de 27%, atteignant prčs de 43 milliards. Ce qui suffit ŕ confirmer que l’avenir s’annonce plutôt bien.
Jean-Paul Herteman, président du Gifas (et par ailleurs PDG de Safran), vient de livrer ces chiffres ŕ notre réflexion, ajoutant que les membres du groupement professionnel ont embauché 27.000 personnes depuis 2008, dont 8.000 rien qu’en 2010. Cette situation est malheureusement exceptionnelle et, si elle ne l’était pas, l’économie française se porterait évidemment beaucoup mieux. D’autant que les statistiques ne disent pas tout : le secteur occupe actuellement 157.000 personnes mais il s’agit lŕ d’un chiffre brut qui ne tient pas compte de l’impact, en amont et en aval, de donneurs d’ordres qui irriguent d’innombrables entreprises multidisciplinaires. Sans doute conviendrait-il de doubler le chiffre de base, de parler de 300.000 personnes au moins, pour mesurer le poids véritable de l’industrie aérospatiale.
Le Gifas rappelle que l’impact sur l’emploi, qui plus est trčs haut de gamme, ne constitue pas le seul sujet de satisfaction. L’excédent commercial, prčs de 18 milliards d’euros en 2010, est particuličrement bienvenu, la balance commerciale ayant le plus grand besoin d’un apport de cette ampleur.
Reste le fait que tout n’est pas rose. Ainsi, on constate que l’envolée des prises de commandes, Ťgrâce ŕ la dynamique du transport aérienť rappelle discrčtement l’influence considérable du poids économique d’Airbus, ŕ travers la part française de l’avionneur européen, et le grand nombre de partenaires et fournisseurs qui l’accompagnent. Si Airbus va bien, tout va, une situation qui ne présente évidemment pas que des avantages, sachant que le secteur civil représente non moins de 71% des commandes de l’année derničre, une tendance qui va se confirmer, compte tenu des succčs engrangés par l’avionneur européen, bien parti pour une année record.
En se limitant aux ténors, qui pčsent lourd dans les statistiques, en face d’Airbus, ce sont de bons résultats qui font défaut, en matičre d’exportations militaires. Il suffirait, si l’on ose dire, que les ventes de Rafale décollent enfin pour qu’il en aille tout autrement. Les conditions pour qu’il en aille ainsi ne sont pas réunies alors qu’Airbus n’a besoin de personne pour conforter ses positions. Il y a lŕ matičre ŕ réflexion –ce n’est pas nouveau- mais c’est en vain que l’on regarde du côté des autorités dans l’espoir de voir poindre un nouvel élan. Airbus vend ŕ des compagnies aériennes, Dassault s’adresse ŕ des Etats, avions d’affaires mis ŕ part.
Par ailleurs, sur un plan plus général, de grands enjeux appellent aussi une sérieuse réflexion. Ainsi, le problčme lancinant posé par la faiblesse du dollar reste entier et aucune solution n’est envisageable, si ce n’est d’accroître le rôle du billet vert dans la chaîne d’approvisionnement – ce qui n’implique pas pour autant une augmentation des délocalisations. Le secteur aérospatial parle déjŕ anglais, autant qu’il s’exprime aussi en dollars…
Dans le męme temps, Jean-Paul Herteman vient de rappeler ŕ quel point il est important que les industriels maîtrisent les technologies du futur, avec des Ťrupturesť fortes, et cela en visant dčs ŕ présent l’horizon 2030/2040. Déjŕ, 15% du chiffre d’affaires sont consacrés ŕ la recherche et au développement, ce qui est considérable, mais le moindre relâchement risquerait d’avoir des conséquences graves.
L’emploi, on l’a vu, se porte bien, mais affiche des exigences que n’expriment pas nécessairement d’autres secteurs. D’oů l’impérieuse nécessité, notamment, de créer de nouvelles filičres de formation. Enfin, martčle Jean-Paul Herteman, il convient Ťd’aller chercher la croissance dans le monde entierť. Le savoir-faire français en matičre d’exportations est reconnu mais sans doute conviendrait-il d’aller encore plus loin, d’en faire davantage. C’est un combat sans cesse recommencé.
Pierre Sparaco - AeroMorning