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La maison du jeudi – Villa Savoye – Le Corbusier

Par Arnaudium

Construite de 1928 à 1931 par Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, la villa Savoye est un édifice phare du XXème siècle qui a contribué à redéfinir le langage de l’architecture domestique. Cette maison de week-end baptisée « les Heures claires » par ses propriétaires termine le cycle des villas blanches de l’architecte et synthétise les 5 principes fondateurs d’une architecture nouvelle : les pilotis (libérant l’espace au niveau du sol), le toit-jardin ( rendant à la nature l’emprise de la maison), le plan libre (dégagé les contraintes des murs porteurs), la fenêtre en longueur (donnant libre accès à la lumière) et la façade libre (distinction de la façade et de la structure). Occupé par les Allemands puis laissé à l’abandon, l’édifice est restauré par l’État de 1963 à 1997, avant d’être classé monument historique du vivant de son auteur en 1964, fait rarissime. Retour sur cette villa emblématique qui fut l’une des toute premières manifestation du style international, et que Le Corbusier se plaisait à décrire comme une « machine à émouvoir ».

Villa Savoye - Le Corbusier

Riche administrateur d’une compagnie d’assurances, Pierre Savoye et son épouse Eugénie confie la construction de leur maison d’habitation à Le Corbusier. Baptisée « les Heures Claires », la construction a lieu entre 1928 et 1931; le devis est dépassé et le projet n’est pas intégralement exécuté. Peu de temps après l’achèvement, des défauts de conception font leur apparition. L’affleurement des fenêtres et le toit-terrasse occasionnent en particulier des problèmes d’étanchéité. Ces désagréments ajoutés à quelques revers de fortune conduisent la famille à quitter les lieux. Pendant la guerre, la villa est occupée par les Allemands puis par les Alliés, mais dans un état très endommagé. En 1958, la Ville de Poissy achète la propriété aux Savoye pour construire un lycée, avant de la céder à l’État en 1962. L’année suivante est celle de la renaissance : la prise de conscience de la dimension universelle de la villa aboutit à sa restauration progressive jusqu’à 1997. L’État en profite pour classer la villa au registre des monuments historiques en 1964. Le Corbusier a alors 77 ans. Signe du destin testamentaire, il décède l’année suivante.

Villa Savoye - Le Corbusier - Façade arrière
Villa Savoye - Le Corbusier - Vue angle

Construite sur un terrain de sept hectares, la villa est conçue selon une géométrie simple : un parallélépipède blanc dressé et surélevé par des pilotis. Le rez-de-chaussé abrite les espaces d’accueil et de services. Pour monter du vestibule aux différents étages, on utilise un système d’escaliers et de rampes internes qui siège au centre de la villa, où la géométrie anguleuse laisse place à des formes courbes. On accède au toit par une autre rampe depuis le jardin suspendu. La « promenade architecturale » proposée par Le Corbusier met en œuvre sa conception d’une limite parfois impalpable entre intérieur et extérieur. Le site est une pelouse entourée de prairies et de vergers dominant la vallée de la Seine. D’après Le Corbusier, « la maison est posée sur l’herbe comme un objet, sans rien déranger ». Les ouvertures et la symétrie des façades d’arrivée et d’entrée suppriment toute notion de « devant » ou de « derrière ». Le rez-de-chaussée disparaît dans l’ombre du premier étage, accentuant le décollement du sol autorisé par les pilotis.

Villa Savoye - Le Corbusier - Cours intérieure et toit
Villa Savoye - Le Corbusier - Cours intérieure plan large
Villa Savoye - Le Corbusier - Entrée de la cours intérieure
Villa Savoye - Le Corbusier - Ouverture sur la cours intérieure
Villa Savoye - Le Corbusier - Séjour et cours intérieure

Voici comment se déroule la promenade architecturale :

  1. Le hall d’entrée, orienté au nord, a une luminosité égale qui tranche avec celle qui vient des parties hautes de la rampe ou de l’escalier. Avec sa casquette de designer, Le Corbusier réinterprète le guéridon d’entrée : constitué d’une tablette prise dans un poteau de structure, un lavabo y est associé.
  2. La rampe au linoléum gris conduit en douceur au premier étage.
  3. Le jardin suspendu distribue la lumière au cœur même de la maison. Les murs cadrent la vue sur le paysage, prolongeant les baies qui courent sur tout le pourtour de la maison.
  4. Le solarium est dessiné par un mur coupe vent dont les courbes répondent à celles du rez-de- chaussée. Dans l’axe de la rampe, la vue sur la vallée de la Seine est mise en scène par un « trou dans le mur » qui focalise l’attention et fonctionne comme un diaphragme.
  5. L’escalier tournant, enveloppé dans son garde-corps plein, descend jusqu’à la cave.
  6. Les espaces d’habitation
    L’habitation de la famille Savoye se situe au premier étage et se distribue autour du jardin suspendu. Dans toutes les pièces, des tablettes en béton situées sous les fenêtres couvrent des placards à portes coulissantes en aluminium.

  7. Le séjour dispose d’une baie vitrée qui s’ouvre sur la terrasse. La nuit, il est éclairé par une longue suspension en acier nickelé.
  8. La cuisine est accessible via un office équipé de placards et d’un passe-plat. Les nombreux rangements et plans de travail carrelés témoignent de l’importance de cette pièce de service.
  9. La chambre d’amis possède un parquet, comme toutes les chambres, à la demande de madame Savoye. Un placard protège l’intimité du cabinet de toilette éclairé par une fenêtre zénithale.
  10. Le couloir accuse la perspective vers la chambre du fils des Savoye par le bleu outremer très dense d’un des murs et l’éclairage zénithal.
  11. Une salle de bain est accessible aux amis et au fils grâce à ses deux portes.
  12. La chambre du fils dispose de deux espaces, de sommeil et de travail, séparés par un placard.
  13. La chambre des Savoye. Un placard ménage une entrée et sépare la pièce de la salle de bain. Sur le mur gris de gauche, l’emplacement du lit est suggéré par l’alcôve formée par deux pilotis.
  14. La salle de bain est théâtralement mise en scène par la méridienne, le rideau de toile et un puits de lumière.
  15. Le boudoir s’ouvre sur le jardin suspendu. Il est réservé aux espaces de service : WC, garage
    et chambres du personnel compris.
  16. La buanderie-lingerie, par son orientation et sa luminosité, est aussi un véritable jardin d’hiver.
  17. La chambre de service présente une exposition documentaire sur la villa Savoye.

Villa Savoye - Le Corbusier - Cuisine
Villa Savoye - Le Corbusier - Interieur
Villa Savoye - Le Corbusier - Escalier
Villa Savoye - Le Corbusier - Couloir
Villa Savoye - Le Corbusier - Salle de bains
Villa Savoye - Le Corbusier - Cours intérieure
Villa Savoye - Le Corbusier - Coursive et toit
Villa Savoye - Le Corbusier - Toit

La Villa Savoye n’a rien d’une demeure luxueuse, c’est bien davantage une « Machine à habiter » ou une « machine à émouvoir », selon les mots de son concepteur, qui l’a dotée d’une architecture fonctionnelle.

Villa Savoye - Le Corbusier - Plan de l'étage
Villa Savoye - Le Corbusier - Plan du rez de chaussée

La villa Savoye en bref :

Localisation : 82 rue de Villiers 78300 Poissy
Style : Mouvement moderne
Type : Villa
Architecte : Le Corbusier
Destination initiale : Villa de week-end
Propriétaire : État français
Destination actuelle : Musée
Protection : Monument historique, Label « Patrimoine du XXe siècle
Site internet : http://villa-savoye.monuments-nationaux.fr/


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