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Dupleks : la mode et l’engagement

Publié le 09 avril 2011 par Greenbeautiful @wa_off
Dupleks : la mode et l’engagement

crédit photo à Michel Bousquet

C’est avec quelques heures de retard, et encore essoufflée d’une de ces journées où le temps se joue sournoisement de notre perception, que j’arrive enfin dans la jolie boutique qui borde le canal St Martin. La maîtresse de maison ne me remarque pas, elle est en pleine conversation avec une amie/cliente ( ?), je ne souhaite pas les interrompre mais laisse tomber une oreille indiscrète (qui ? moi ?) dans leur échange…il est question ici de l’éducation des nos rejetons et plus précisément de l’éducation nationale…Je reste en retrait et en profite pour déambuler entre les penderies…

Les deux femmes prennent mutuellement congé et Valérie m’aperçois au fond de sa boutique de prêt-à-porter et accessoires pour femmes du 83 quai de Valmy dans le 10ème arrt.
Je prends la posture qui est de circonstance pour le contexte dans lequel je me présente : celle de la courbure qui laisse deviner une soumission de rigueur. Ca porte le nom pompeux de programmation neuro-linguistique, ou quelque chose de ce goût là : j’essaie juste d’atténuer ma responsabilité et de loger l’humeur de mon interlocutrice dans des dispositions favorables.
Mon auto-flagellation s’avèrera inutile, puisque la co-fondatrice de Dupleks m’accueille avec un large sourire, ne me tenant même pas rigueur d’un retard tel que n’importe qui d’autre aurait pu considérer comme une absence. Avenante et disponible, elle accepte de me raconter une histoire : son histoire. Tel un enfant face à un conteur, je prends place et lui porte une écoute attentive, les yeux écarquillés par la curiosité.
Issue d’une famille militante (ou fortement engagée) écolo, Valérie le demeure jusqu’au bout des ongles : depuis son alimentation, les cosmétiques qu’elle utilise, en passant par ses activités de bénévolat au sein d’associations…Un seul bémol, elle désespère de ne trouver de quoi se vêtir de manière conforme à ses valeurs.
Son amie Rachel, qui travaille pour l’association de réinsertion Ateliers sans frontières, dresse le même constat. Non seulement elles ne parviennent pas à trouver de distributeurs pouvant répondre à leur besoin, mais réalisent aussi que la rencontre entre la mode écolo et éthique a du mal à trouver sa place dans un circuit de distribution de prêt-à-porter traditionnel.
Pour tenter d’y pallier, le projet de création de leur propre boutique voit le jour en septembre 2007 et de surcroît, elles ont l’idée de choisir un positionnement qui doit davantage connoter la mode que l’écologie d’où le choix de leur sélection et du quartier du Canal St Martin.
Les deux femmes se lancent donc en « croisade pacifiste» : elles vont à la rencontre de créateurs de mode éco-éthique, telle que Rachel Yu, fondatrice d’Ideo, et bien d’autres…
Grâce à des marques qui parviennent à allier bon nombre de rimes en « ique » sans transiger sur le style (écologique, éthique, esthétique…), Valérie et Rachel peuvent s’enorgueillir de toucher une cible de « femme qui achètent leurs vêtements avant tout parce qu’ils sont beaux et contemporains, avant d’être bio ». Peut-on considérer fièrement que la conversion peut aussi passer par là, voire, qu’il s’agit là de la plus belle des réussites ? MA réponse est oui.

La mode en tant que symbole de la société de consommation, parvenant à réconcilier les profanes avec l’écologie. En effet, toucher une cible d’écolo c’est bien, l’élargir au grand public, voilà le véritable succès ! Le retour à l’essence du couple production/ consommation (qui devrait être durable, respectueuse de l’homme et de l’environnement) paraît évident.
Mais en regardant bien, pourquoi ce qui devrait être la règle reste encore malheureusement une exception ?

La recette de Dupleks réside dans leur positionnement moyen-de-gamme (on n’y trouvera ni entrée de gamme, ni haut de gamme), ainsi souhaitent-t-elles conserver une cohérence avec l’offre mode du quartier. Une belle réponse, à mon sens, au cliché du « bio pour les riches ».

Critères de sélection produit :
Les fondatrices de Dupleks s’attachent au respect de deux critères dans leur choix de produits :
- Les matières premières doivent être naturelles (coton organique, laine naturelle…) et durables (Tissus recyclés…)
- Les conditions de fabrications doivent être respectueuses des principes du commerce équitable, et certains produits de fabrication locale (France, Portugal, Angleterre) sont un gage de travail solidaire et éthique.
Komodo, par exemple, propose une gamme de vêtements équitables, mais seulement une partie est bio : seule cette dernière remportera les faveurs de Valérie pour une distribution dans sa boutique.

Komodo

Komodo

En terme de produits et de coloris, la tendance de la boutique est au basique.

Focus produit sur :
- Les robes recyclées From Somewhere, Junky Styling, By Mutation … dont le concept se base sur la recuperation de fin de rouleaux de tissus de grands créateurs, le recyclage de vêtements de seconde main,etc. pour concevoir leurs collections.

From Somewhere

From Somewhere

junky styling SS11

junky styling

- Les bijoux de la créatrice Laura Chaves, qui conçoit en Espagne des bijoux à partir de papier japonais, qu’elle vernit.

Engagement :
Valérie me raconte sa volonté de travailler dans la durée avec les gens, de mettre en place des projets sociaux pour se conforter dans la stabilité d’une relation commerciale sincère : « quand je choisis une marque, je m’assure que les ateliers fonctionnent bien, que l’argent est bien distribué, qu’une partie des bénéfices est reversée dans des usages équitables… »
Comme pour l’alimentaire, les clients se fidélisent beaucoup aux marques avant de se fidéliser aux distributeurs, leur intégrité et la transparence sont donc primordiales.
Inciter les autres est une belle démarche de sa part, mais les fondatrices balaient aussi devant leur porte ! En effet, Dupleks fait partie des entreprises-insertion et s’inscrit dans une démarche pédagogique : Les deux fondatrices accueillent des jeunes filles en réinsertion pour les former au métier de la vente, la connaissance du vêtement, des matières, les introduire à la démarche des créateurs, etc. Elles mettent ce pied à l’étrier du monde professionnel à des « accidentées de la vie », n’ayant pas eu la possibilité de suivre des études…l’opportunité d’une résilience (ou la capacité de rebondir malgré les épreuves, les traumatismes). La seule contre-partie attendue étant leur motivation.
Lorsque je demande à Valérie ce qu’elle pense du tristement connu cliché « le bio, c’est pour les riches », elle me répond :
« C’est un faux problème. Les plus démunis recherchent le vêtement de marque avant de rechercher de quoi se couvrir. C’est malheureusement le code dans les milieux sociaux défavorisés. C’est regrettable, mais c’est le mode de vie qu’on nous propose : j’achète çà, donc je suis identifié à tel groupe. Ce comportement d’achat est proche pour la nourriture, on achète une marque parce qu’elle rassure du fait de sa notoriété : on est dans un rapport qualité-prix fortement déséquilibré. Effectivement, le bio, c’est plus cher que Tati, mais à gamme équivalente, un produit ne sera pas forcément moins cher chez Tati. Lorsque je suis face à une cliente sceptique, je l’amène à s’interroger sur ce qu’il y a derrière un prix. La répartition de la richesse est différente sur nos produits : une marque X au coût de revient de 10€ vous sera revendue 300€. Si un vêtement bio vous coute 300€, c’est qu’il revient à son producteur 100€. A ce sujet, les périodes de soldes sont révélatrices : si un distributeur arrive à proposer des réductions de 75% sur un article, c’est que le reste de l’année il le vend trop cher.»
Ca, c’est son plus à Valérie : sa façon de prendre le problème différemment. J’aime cette approche pédagogique qu’elle a avec ses clientes contrairement à une tradition, bien établit dans la vente, qui consiste à se confondre en argumentation face à un client dubitatif…


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