Magazine Internet

La politique de jeu responsable de la Française des jeux masque un activisme commercial forcené

Publié le 09 avril 2011 par Alain Dubois

Francaise des jeuxGambling France : Française des jeux,  Christophe Blanchard Dignac, incitation au jeu, jeu responsable, éthique,  responsabilité sociale de l’entreprise, observatoire des jeux, observatoire des drogues…

CRESCENDO, CREATIO , MOTS CROISES, MILLE BORNES,2° TIRAGE POUR EUROMILLIONS … : LES MULTIPLES NOUVEAUX JEUX DE LA FRANCAISE DES JEUX

LA POLITIQUE DE JEU  RESPONSABLE DE LA FRANCAISE DES JEUX  MASQUE UN ACTIVISME COMMERCIAL FORCENE

------

Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin ( sociologue)

Flash info dernière = En marge du dossier gambling « recherche sur le jeu, observatoire des jeux, observatoire des drogues ». Nous venons d’apprendre que JM Costes , directeur de l’observatoire des drogues ( OFDT) qui a été nommé il y a un mois  membre de l’observatoire des jeux « vient d’être limogé » de l’OFDT par Etienne Apaire ( directeur de la Mildt, la tutelle de l’observatoire des drogues). Voir ci après notre encadré sur cette affaire qui sous de nombreux aspects concerne directement le champ du gambling et la question du rapport entre l’autorité publique et les Observatoires.

  • Après avoir lancé « Crescendo » en novembre 2010 et « 2011 année de rêve » en décembre, la Française des jeux (FDJ) a commercialisé «  Mots croisés » en février 2011 et quelques jours après « Créatio », un jeu de grattage disponible uniquement sur internet. Rien ne va plus, les jeux sont faits ? Pas pour la FDJ  qui a lancé depuis « Mille Bornes », un jeu qui n’est pas  donné par les temps qui courent  (5 euros) . L’opérateur vient d’annoncer en outre un deuxième tirage ( le mardi) pour Euromillions à partir du 10 mai 2011 alors  que le Loto compte déjà trois tirages hebdomadaires  (lundi, mercredi, samedi)
  • Christophe Blanchard Dignac ( PDG de la Française des jeux) peut se réjouir, ses équipes marketing font preuve d’une imagination débordante pour lancer en permanence de nouveaux « jeux » et notamment des jeux de grattage. Peut-être faudrait-il  d’ailleurs parler de « produits », de « coups marketing » tant l’intérêt ludique de ces jeux paraît parfois restreint. Il s’agit en réalité de faire le plus d’argent possible le plus rapidement possible en jouant, coté joueur sur la tentation du « je vais essayer au moins une fois », coté médias sur « le buzz de la nouveauté. Agences de presse et médias jouent en effet un rôle considérable dans ces lancements en reprenant pro domo les nombreux « communiqués de la FDJ » , nonobstant les budgets publicitaires considérables qui accompagnent ces lancements. Le fait que par ailleurs la FDJ « arrose » en permanence de ses publicités  de nombreux journaux ( locaux et nationaux) et organes d’information ( radio, télé), favorise ce curieux prosélytisme ludique, opéré gratuitement par les médias à chaque nouveau jeu. La directrice de la communication de la FDJ  (Laetitia Olivier) ne cache pas qu’elle doit jongler entre des métiers très différents dont «  influence ( lobby, presse) » et RSE ( cité par Stratégie .fr du 27 janvier 2011 : «  Laetitia Olivier, du tac au tac » par Gilles Wybo)
  • L’opérateur historique avait déjà surperformé en 2010 (+5,5 %) en dépassant pour la première fois la barre symbolique des 10 milliards. Avec une telle politique, l’opérateur « publique » atteindra certainement le taux de croissance de 3% qu’il s’est fixé pour 2011 et sans doute le dépassera-t-il. Mais de tels résultats ne tombent pas du ciel. Ils proviennent de « l’activisme commercial » de la FDJ. Christophe Blanchard Dignac court donc le risque de subir des critiques pour « cette incitation au jeu  particulièrement prononcée », alors qu’il affiche dans le même temps une politique de jeu responsable.
  • Ainsi, certains esprits chagrins pourraient accuser le PDG de la Française des jeux de surfer - et même d’exploiter sans vergogne - une crise économique qui perdure. Les Français en grande difficulté financière cherchant plus que jamais à « décrocher le pactole » pour « changer de vie » , «  se refaire », ou tout simplement pour  essayer « d’améliorer l’ordinaire ». Un ordinaire de plus en plus affecté par l’augmentation des prix, la dépression mondiale, l’ imposition fiscale locale et nationale; sans oublier l’arrivée inflationniste de l’Euro dont nos concitoyens ne se sont toujours pas remis en réalité. Conscient de cette situation ( parfois dramatique pour les catégories populaires et désormais aussi pour les classes moyennes) CB Dignac  exploiterait sans le dire, la « théorie de la pauvreté » de certains économistes spécialisés dans le gambling : plus on est pauvre plus on joue.
  • D’autres pourraient soupçonner le «  patron » de la Française des jeux  de n’avoir guère « l’esprit public », de ne pas avoir le sens de l’intérêt général,  mais d’agir en réalité comme « la pire des entreprises privées »,  exploitant jusqu’à la corde dans une vision courtermiste, un précieux patrimoine ludique national qui ne lui appartient pas, contribuant ainsi tel un catoplébas à « tuer la poule aux œufs d’or » de Bercy, tout en piétinant sans vergogne un  « principe de précaution », longtemps instrumentalisé pour freiner l’ouverture à la concurrence et combattre  les directives européennes. Même  si elle a depuis retourné sa veste ( et d’une belle manière) la FDJ a longtemps mis en avant sa politique de jeu raisonnable pour tenter de prouver  que la meilleure façon de lutter contre le jeu pathologique était de maintenir le monopole,  qui existe encore en matière de loteries et de jeux de grattage.
  • Mais c’est justement  sur ce terrain du jeu responsable, du jeu pathologie maladie, de la responsabilité sociale de l’entreprise Française des jeux (RSE), que Christophe Blanchard  Dignac pourrait en final être montré du doigt, mis en accusation et en contradiction, et cela  sur trois registres  

1/   Le premier concerne la « dangerosité » des jeux que vend l’opérateur historique à travers un réseau très dense de distributeurs (35800) Le chercheur Jörg Häfeli  a établi « un instrument d’évaluation du potentiel de dangerosité des jeux de hasard et d’argent » (1) Parmi les critères qui le définisse on trouve notamment  :

Ø  Le critère de disponibilité : la probabilité accrue de développer un comportement de jeu problématique est directement lié à la disponibilité d’un jeu

Ø  Le critère du degré d’interactivité : dans certains jeux « le joueur est émotionnellement impliqué », » il vit à fleur de peau la façon dont se prépare l’issue du jeu » . J. Häfeli précise « on observe cela pour les loteries dont le tirage s’effectue en direct à la télévision « 

Ø  Le critère de mise sur le marché : une mise sur le marché à grande échelle entraine une banalisation du jeu. Cette normalisation favorise l’excessivité. La routine se substitue à la réflexion critique précise par ailleurs deux autres chercheurs Meyer & Hayer ( 2005)

Ø  Le critère de l’anonymat : le potentiel de risques de jeu excessif s’élève avec le degré d’anonymat d’un jeu car le joueur ne craint aucune stigmatisation. L’anonymat supprime l’effet modérateur du contrôle social induit dans le fait de déclarer son identité, comme par exemple quand on joue dans un casino. En outre cet anonymat rend plus difficile la prévention, précise J. Häfeli.

On s’aperçoit que ces critères correspondent exactement aux caractéristiques des  jeux de la FDJ, notamment celles des loteries et des jeux de grattage. Les jeux de l’opérateur historique possèdent objectivement un potentiel addictogène important et ne correspondent pas à une offre « douce » comme l’admet le sens commun véhiculé par la FDJ. A l’avenir  et notamment si l’Observateur des jeux fonctionne comme un véritable Observatoire scientifique et non comme une  simple Commission ( voir ci-dessous), la FDJ devra faire avec des instruments d’évaluation objectifs et ne pourra plus définir elle même la dangerosité ou l’innocuité de ses produits. Les jeux considérés comme les plus dangereux étant dans l’imaginaire du joueur freudien véhiculé par la doxa du jeu pathologie maladie ( financée par la FDJ), les jeux de casino (roulette, black-jack, machines à sous, poker) et les paris hippiques.

2/ Le deuxième registre concerne plus largement les études sur le jeu. La Française des jeux essaie depuis deux ans ( avec une accélération depuis la libéralisation des jeux en ligne) de verrouiller entièrement le volet  « recherche sur le jeu pathologique ».  Elle finance le centre du jeu excessif de Nantes à hauteur de deux millions d’euros sur 8 ans, soit la bagatelle de 13,11 millions de nos bons vieux  francs. La FDJ, comme elle le précise elle-même, est le «  partenaire fondateur »  du centre nantais. Ce n’est pas pour rien et ce n’est pas hasard qu’elle a fondé ce centre, auto proclamé centre de référence sur le jeu excessif. Alors que bien entendu le centre historique de rèfèrence sur le jeu pathologique c’était d’évidence Marmottan, qui n’a pas été oublié pour autant. Marc Valleur recevant au moment opportun la Légion d’Honneur des mains d’Eric Woerth. La Française des jeux  vient par ailleurs soudainement  de verser 270 OOO euros à deux universités parisiennes pour verrouiller un volet plus large gambling & sciences sociales. Christophe Blanchard Dignac instrumentalisant à cette occasion certaines conclusions de l’expertise Inserm, qui invitaient les pouvoirs publics ( et non les opérateurs !) à mener des recherches sur les jeux d’argent et surtout à  installer un Observatoire des jeux. La également les circonstances et les raisons de ce « financement parisien »  soudain sont loin d’être clairs. Ne parlons même pas de l’étude sur « le caractère addictif des jeux en ligne » réalisée par MM. Ladouceur/Lejoyeux à Bichat et financée également par la FDJ. Les conflits d’intérêts semblent se cumuler dans le champ ludique vu que Michel Lejoyeux fait partie dans le même temps de la Commission n° 1 de l’ARJEL. Quant au psychologue cognitiviste Robert Ladouceur ses rapports « incestueux » avec Loto Québec ( qui se chiffrent en millions de dollars canadiens) ont été dénoncés depuis des lustres ( 2) et les résultats de ses études sur le jeu pathologique  ont été critiqués. Il y a  bien au niveau de la recherche sur le jeu la mise en place par Christophe Blanchard Dignac d’un « Plan B », sans Comite consultatif du jeu et sans Observatoire. La Française des jeux finançant la quasi-totalité des études en cours sur les jeux,  nonobstant « sa commande à l’AFNOR », visant à auto définir la notion de « jeu responsable » pour mieux la contrôler. Toutes ces actions et tout cet argent engagé par l’opérateur des loteries ont pour but de cour-circuiter l’Observatoire des jeux, avant même que celui ci ne soit installé et sans doute même au départ pour qu’il ne soit jamais installé. La FDJ est bien entendu en conflit intérêts jusqu’au cou dans cette affaire. On est face à un plan stratégique parfaitement concerté et parfaitement orchestré. Certes depuis le 11 mars 2011 l’Observatoire des jeux (ODJ) a été installé. Mais sa composition semble pour l’instant confirmer les craintes que nous avons exprimées dans différentes contributions ( 3 ). A savoir que les que les pouvoirs publics cèdent à la tentation de mettre en place de manière délibérée un Observatoire « croupion ». Actuellement chacun en conviendra  ( la qualité des personnes retenues n’est pas en cause) l’Observatoire des jeux  ressemble davantage à une Commission,  à un COJER bis, qu’à  un  Observatoire scientifique des jeux de hasard et d’argent. L’ODJ apparaît  en outre strictement mono-disciplinaire et centré sur le jeu pathologie maladie. Pour remettre les compteurs à zéro en matière de recherches sur le jeu il aurait fallu dès le départ ( et après plus d’un an d’une curieuse attente !) doté l’observatoire de moyens qui soient à la hauteur des enjeux scientifiques et statistiques du secteur, c’est à dire avec un budget au moins aussi important que celui de l’Observatoire des drogues. Au lieu de ça  « le cabinet » nomme Jean Michel Costes à l’Observatoire des jeux  alors qu’il est déjà directeur de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT). La également la qualité, et en l’occurrence vu le cumul des fonctions, les nombreuses qualités de la personne ne sont pas en cause mais on peut s’interroger sur les raisons qui motivent de tels choix, nonobstant une capacité parisienne à cumuler les fonctions… qui force le respect.

Flash info dernière : nous apprenons aujourd’hui mais l’information date de quelques jours que JM Costes directeur de l’observatoire des drogues et des toxicomanies ( OFDT) vient d’être limogé de l’OFDT par Etienne Apaire ( directeur de la Mildt, la tutelle de l’observatoire des drogues.) JM Costes va pouvoir se consacrer entièrement à l’Observatoire des jeux… Plus sérieusement nous reviendrons dans d’autres contributions sur cette éviction qui pose un problème sérieux, commun aux jeux et aux drogues. Quel est le rôle d’un Observatoire ? Notre réponse : Observer objectivement de manière pluridisciplinaire ( faire des statistiques, des enquêtes etc…). Il ne doit donc en aucune manière  gêner, orienter ou encore moins décider d’une politique ( des jeux ou de la lutte contre la drogue) qui doit relever de l’autorité politique, qui a été élue. C’est visiblement pour avoir oublié cette règle de base de la décision publique républicaine ( nonobstant la soumission légitime à la tutelle) que JM Costes a été remercié. Il s’est prononcé pour les « salles de shoot », alors qu’E. Apaire, le gouvernement et certainement une très grande majorité de Français sont contre. A suivre car JM Costes va  recevoir des soutiens de la gauche, d’une partie de la doxa des toxicologues et des médias ( le Monde et Libération en tête) qui mènent depuis des mois un activisme répétitif ( et ce n’est pas la première fois) en faveur des salles de shoot qui relève de la propagande mais qui est loin d’être partagée par la totalité des spécialistes en toxicomanie. En aucune manière cela ne doit occulter la vraies questions : quel est le rôle d’un Observatoire en matière de drogue ou en matière de jeu ? La décision, l’orientation d’actions publiques ne doit-elle pas forcément en final relevé de l’autorité politique garante de l’intérêt général, sous peine d’entraver systématiquement l’action publique ?

3/ Nous l’avons vu la FDJ en fait beaucoup en matière de jeu responsable mais elle en fait sans doute trop. Et cela nous permet d’aborder le troisième registre sur lequel le PDG de la Française des jeux pourrait être mis en contradiction, voire en accusation. Nous pensons que cet engagement en matière de RSE cache une autre réalité. La politique jeu responsable de Christophe Blanchard Dignac serait beaucoup moins  éthique qu’elle veut bien le dire et aurait pour fonction de tenter de masquer un activisme commercial & marketing forcené. La FDJ met en avant  une politique  des jeux raisonnable, « finance ses ennemis » (les anti jeu de la doxa du jeu pathologie) pour mieux les contrôler mais dans le même temps se lance dans une course effrénée à la croissance, une incitation au jeu jamais vue depuis sa création. En final la politique éthique mis en œuvre par CB. Dignac aurait pour conséquence en réalité - sous couvert d’une action visant à lutter  contre le jeu excessif et le jeu de mineur -  de produire plus de jeu. Habile stratège le patron de la FDJ aurait profité du débat sur le jeu pathologique, de l’inquiétude des pouvoirs publics en matière de santé publique,  non pour mettre la pédale douce en matière de développement mais au contraire pour accélérer sa croissance tout azimut.

Si notre hypothèse se vérifie cela voudrait dire que la politique de jeu responsable  mis en œuvre par CB Dignac  va produire en réalité…  du jeu pathologique et va en produire plus que si la FDJ n’avait pas engagé de politique de jeu responsable.  Les meilleures preuves de cette démonstration se situent dans les résultats de l’opérateur. Si la FDJ a réussi contre toute attente en pleine crise économique à augmenter son CA c’est certes paradoxalement ( voir ci avant) à cause  de la crise économique mais c’est principalement parcequ’elle qu’elle a très fortement boosté son offre de jeux et qu’elle continue à le faire à marche forcée. Dans une moindre mesure un phénomène similaire a été observé pour le PMU à tel point que  certains joueurs s’inquiètent désormais pour savoir si on n’a pas atteint un point de saturation en ce qui concerne le nombre de courses en France. (4) Cette très forte  augmentation de l’offre du PMU a été signalée par Hubert Monzat ( directeur de France Galop) lors du colloque du 22 mars dernier à la Maison de la Chimie ( 5)

------

Certes  certains pourront considérer que le PDG de la FDJ – responsable mais pas coupable - n’est  après tout qu’un grand commis de l’Etat qui fait très bien son travail et   remplit  avec zèle les caisses du Trésor Public. Reste à savoir de quelle marge de manœuvre CB Dignac a disposé dans cette affaire et si elle n’a pas été trop grande justement. Reste à savoir si la politique des jeux de la France doit se décider à Bercy ou dans la forteresse de Boulogne (siège de la FDJ). Reste à savoir si les excès de zèle du patron de la FDJ et de ses équipes, sa politique expansionniste, sa boulimie  ne sont pas en contradiction en réalité avec la Politique des jeux responsable affichée par le gouvernement depuis quelques années, et inaugurée par Nicolas Sarkozy avec les casinos quand il était Ministre de l’Intérieur ( mise en place d’un contrôle aux entrées obligatoire pour les machines à sous). Dans tous les cas de figure en termes de santé publique et de RSE, l’effet boomerang serait terrible pour les pouvoirs publics. Ils seraient accusés d’incompétence, pire de duplicité.

D’autres considèreront que ce n’est pas un problème de personne et que les vraies questions sont les suivantes : «  L’industrie des jeux de hasard et d’argent est elle compatible avec les notions de jeu responsable et de développement durable ? « ( Martignoni 2010),   « Comment réussir à concilier une politique responsable de développement des activités de jeux ? »  ( Peano 2010) «  L’éthique dans l’industrie du jeu, quels enjeux et quelle crédibilité ? « (Massin 2010) ,  « La gestion des jeux de hasard et d’argent : une perspective éthique ? « (6) Ces problématiques, certains chercheurs spécialisés dans le gambling les posent depuis longtemps. La puissance publique pourrait s’en inspirer. Quant à la question du financement par l’industrie du jeu de la recherche sur le jeu excessif (une convergence d'intérêts primaires qui entraîne un conflit intérêts que la Française des jeux connaît bien)  la également les chercheurs ont travaillé  la question (Hurst, Mauron , 2010) (7) Monsieur Blanchard Dignac pourrait peut être également s’en inspirer. Potius sero quam numquam*

CQFD = quelques heures après que le présent article soit terminé, la Française des jeux lançait un nouveau jeu de grattage à 3 euros : POKER. Ce lancement conforte la présente contribution qui ne constitue pas une critique virulente ou provocatrice de l’opérateur mais s’inscrit dans « l’analyse sociologique des logiques » d’un des principaux acteurs du champ ludique : la FDJ. Signalons que La FDJ  exploite depuis longtemps la symbolique des jeux de casino ( Vegas Brando & Brenda,  Black jack, Banco…) avec ce nouveau jeu, elle vise à surfer plus directement sur la « vague poker ».

Article rédigé par  JP Martignoni © , avril 2011 ( 2° mouture réactualisée , 12 avril 2011) et publié par Alain Dubois

* Mieux vaut tard que jamais

-----------

Notes

(1) Jörg Häfeli : «  Un instrument d’évaluation du potentiel de dangerosité des jeux de hasard et d’argent » (75-91) In C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010

(2) Pierre Desjardins : « Le livre noir de  Loto Québec «  ( Les intouchables Montréal, Québec, 2003)

(3) JP Martignoni : « Il ne faut surtout pas que l’Observatoire soit un Observatoire croupion »* (IGAmagazine  n°9, avril 2011, 42-45) ; Communiqué sur l’observatoire des jeux de hasard et d’argent annoncé par un arrêté du 11 mars publié au journal officiel ( 13 mars 2011) ( 2 pages, 21 mars 2011)

(4) Isabelle Toussaint : «  Hippisme : trop de courses tue les courses «  ( dépêche AFP du 12 mars 2011)

(5) « Les jeux d’argent en ligne : un an après son adoption quelle mise en œuvre de la loi sur la libéralisation des jeux d’argent en ligne «  (Colloque Agora Europe organisé par JF Lamour et F. Trucy, Paris, Maison de la Chimie, 22 mars 2011)

(6) JP Martignoni : L’industrie des jeux de hasard et d’argent est-elle compatible avec les notions de jeu responsable et de développement durable ? : intérêts, contradictions et enjeux » ( 226-232) Valérie Peano :  « Comment réussir à concilier une politique responsable de développement des activités de jeux avec une industrie globale de plus en plus performante ? (233-237) Sophie Massin : «  «  L’éthique dans l’industrie du jeu, quels enjeux et quelle crédibilité ? « (213-218)Magali Brodeur : « La gestion des jeux de hasard et d’argent : une perspective éthique ? «  ( 219-226) Ces quatre article se trouvent dans l’ouvrage collectif : C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010

(7)Samia A. Hurst, Alex Mauron : «  Financement industriel de la recherche et conflits d’intérêts », (241-248) ibid. : C. Dunand, M. Rihs-Middel, & O. Simon (Eds.), Prévenir le jeu excessif dans une société addictive : D’une approche bio-pscho-sociale à la définition d’une politique de santé publique. Genève : Éditions Médecine & Hygiène., 2010


Retour à La Une de Logo Paperblog

LES COMMENTAIRES (1)

Par homo ludens
posté le 19 juillet à 14:38
Signaler un abus

Chance de gagner à Euromillions, affaire Riblet, aléatoire prépondérant, financement et instrumentalisation du jeu pathologie maladie : la Française des jeux se croit tout permis et se permet tout

LE DOUBLE JEU DE LA FRANCAISE DES JEUX : UN JEU DANGEREUX

Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin (sociologue)

La Française des jeux finance ses ennemis, les anti-jeu de la doxa du jeu pathologie maladie - notamment le centre du jeu excessif de Nantes dirigé par JL Vénisse - pour mieux les contrôler mais dans le même temps se lance dans une course effrénée à la croissance, jamais vue depuis sa création. La politique éthique mise en œuvre par Christophe Blanchard Dignac (PDG de la Française des jeux) a pour conséquence en réalité - sous couvert d’une lutte contre le jeu excessif et le jeu de mineur - de produire plus de jeu. Habile stratège - mais certains pourraient considérer cela comme de la duplicité - le patron de la FDJ a profité du débat sur le jeu pathologique, de l’inquiétude des pouvoirs publics en matière de santé publique, de la loi sur les jeux en ligne, non pour mettre la pédale douce en matière de développement mais au contraire, pour accélérer sa croissance tout azimut par une incitation au jeu accrue. La politique de jeu responsable mis en œuvre par la Française des jeux va produire en final du jeu excessif… Les meilleures preuves de cette démonstration se situent dans les résultats de l’opérateur de loteries. En pleine crise économique il surperforme (+5,5 % en 2010) en dépassant pour la première fois la barre symbolique des 10 milliards. Dans le même temps la société dirigée par Christophe Blanchard Dignac a l’audace - ils se croient tout permis et ils se permettent tout - de lancer en juin 2011 « une campagne nationale contre l’addiction au jeu » ! Au même moment Jean Luc Vénisse (financé à hauteur de 2 millions d’euros par la FDJ) associé aux addictologues M. Reynaud et A . Belkacem sortent un fascicule : « Du plaisir du jeu au jeu pathologique, IOO questions pour mieux gérer la maladie» Et Michel Reynaud d’affirmer dans France Soir du 6 juin 2011 que « de tous les opérateurs la Française des jeux est celui qui en fait le plus pour le contrôle et la prévention du jeu excessif. La boucle est bouclée. La collusion d’intérets marche à fond pour les deux parties en présence. Dernières précisions qui montre le vrai visage de la Française des jeux : l’inflation et les chances de gagner. L’opérateur historique profite du lancement de nouvelles formules, de nouveaux jeux, pour augmenter fortement ses prix et diminuer tout aussi fortement l’espèrance statistique qui permet de décrocher la cagnotte. Ils se croient tout permis et ils se permettent tout. Ainsi en 2008 le Loto passe de 1,2 euros à 2 euros ( soit une augmentation de 67 % !!) et l’espèrance statistique évolue d’une chance sur I4 millions à une chance sur I9 millions. Pour le nouvel Euro Millions sorti en mai 2011 la FDJ a fait encore plus fort. La probabilité de trouver les 7 bons numéros passe d’une chance sur 75 millions à une chance sur 116 millions ! La politique mise en œuvre par la Française des jeux n’a donc rien à voir avec une politique des jeux raisonnable, modérée et qui respecte sa clientèle. Elle apparaît au contraire comme une politique anti consumériste de rentabilité accrue, qui abuse de sa position dominante et son monopole. Elle agit de plus en plus comme un Etat ludique dans l’Etat Croupier peu soucieuse en réalité de l’intérêt général et des Français qui jouent. Le PDG de la Française des jeux fait jouer à une société qui ne lui appartient pas, un double jeu très dangereux qui risque à terme d’énerver Nicolas Sarkozy, à l’origine de la politique jeu responsable quand il était Ministre de l’Intérieur. Cette duplicité risque également d’irriter fortement Bruxelles et la Cour de justice Européenne.

Quant à la récente affaire d’Euro Millions qui voit une joueuse (Laure Meilheureux) déposer plainte contre la FDJ auprès de la Commission Européenne, elle dévoile aussi beaucoup du vrai visage de la Française des jeux. Si le journal le Parisien se fourvoie quand il précise que « les chances de gagner ne sont pas les mêmes selon les pays », on peut en effet s’interroger pour savoir pourquoi c’est en France que le nombre de combinaisons possible en jeux multiples pour Euromillions est le plus bas ( 378 pour 756 euros, alors qu’un joueur espagnol peut jouer 2520 combinaisons en une seule fois pour une mise de 5040 euros). La FDJ souhaite t elle vraiment protéger les joueurs comme elle l’affirme : « nous souhaitons compliquer la vie du joueur excessif pour ne pas encourager les abus qui peuvent conduire à des addictions » ou instrumentalise t elle la question du jeu pathologie maladie en essayant d’éliminer les gros joueurs ou les regroupements de joueurs qui voudraient investir ou jouer gros jeu dans Euromillions ? On peut sérieusement s’interroger. Cette histoire rappelle l’affaire des jeux de grattage (découverte aussi par un joueur qui jouait gros jeu Robert Riblet) ou l’on voyait la FDJ inventer un concept inconnu en probabilité ( aléatoire prépondérant) pour contrôler la distribution des gros gains sur tout le territoire. Elle cherche désormais aussi à contrôler la manière de jouer des joueurs. L’ensemble indique que l’opérateur historique plus que jamais se croit tout permis et se permet tout.

© JP G. Martignoni-Hutin, Lyon, France, 173. Juillet 2011

A propos de l’auteur


Alain Dubois 1019 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte