Plus le réel s’étend,
plus il se ramifie,
plus il se complique et semble se segmenter,
plus il perd le contact
avec son unité,
cet arbre masqué par
la forêt qui palpite !
Si l’être humain, dans ses moments d’intense solitude, parle tout seul, c’est vraiment parce qu’il n’existe pas hors de l’échange verbal.
Faute d’Autre face à lui, c’est en lui qu’il s’en va chercher l’Autre. Il convoque alors l’Autre du Je, pour en faire l’Autre du jeu. L’Autre du Jeu de la survie.
Le vide a ceci d’intéressant qu’il a besoin qu’on le remplisse.
L’Homme parle.
Et puis après ?
Où est l’extraordinaire de la chose ?
La Nature dans son ensemble est un ballet d’informations.
Les oiseaux chantent, les abeilles dansent, les chiens aboient, les loups hurlent et même les arbres s’envoient des signaux…
Par contre, il n’y a sans doute que l’Homme pour s’extasier ainsi sur lui-même !
La notion d’émergence, de « phénomène émergent », est fascinante.
Dès lors que plusieurs éléments s’associent, ils forment une entité nouvelle, qui ne peut être ramenée à leur simple agrégation : « le tout n’est pas égal à la somme de ses parties ».
Des phénomènes comme le Temps, la Vie sont des phénomènes émergents.
Notre organisme, comme celui de toutes les formes de vie constituées d’associations de cellules, l’est aussi.
Et il en va probablement de même pour notre conscience, notre pensée.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’émergence réserve bien des surprises !
Mais quelle est sa raison d’être ?
Sans les cellules qui, assemblées, constituent le corps, un être humain n’existerait pas.
Mais quand le corps meurt, ce sont toutes les cellules qui meurent avec lui.
Les cellules ont absolument besoin de l’organisme pour leur survie, mais elles se mettent également à la merci de ce dernier. Et c’est le corps qui se reproduit.
Tout se passe comme si chaque cellule vivante basique se dessaisissait de son « immortalité » potentielle pour la déléguer aux cellules germinales, qui assurent le processus de reproduction.
Chaque cellule basique parait s’oublier dans le travail qu’elle accomplit avec ses pareilles à l’intérieur du tissu spécialisé des différents organes. Si elle cessait de « s’oublier », cela deviendrait un cancer et cela menacerait alors l’ensemble de l’émergence et, par là même, chaque colonie de cellules, chaque cellule.
N’est-ce pas plutôt paradoxal, et proprement vertigineux, lorsqu’on y songe ?
Nous sommes constitués d’une multitude d’émergences qui s’interpénètrent.
D’autre part, il ressort de tout ceci qu’il semble que ce soit la tendance à se regrouper qui anime les éléments, la « force d’agrégation », qui ait la vertu de créer de l’inédit, de la nouveauté.
Reste une question de taille : ce « nouveau » est-il prévisible, imprévisible, ou les deux ensemble ?
P.Laranco.