« Où nous mène la guerre ? Vers la paix c’est évident ! » C. Lagarde le 11.04.2011 sur France Inter
C’est un peu ça le printemps français sous le régime. Une ministre de l’économie, C. Lagarde, qui occupe l’espace médiatique, vitupérant le Gosplan de l’encadrement des mirifiques salaires, les méfaits de la dette tout en accordant crédit à l’énergie nucléaire. Et le même jour, des manifestants place Notre-Dame à Paris sont arrêtés pour démonstrations illégales. Le régime protège de tout, surtout du citoyen contre lui-même. Assez mûr pour perdre sa vie à comparer des tarifs, se comporter en homo œconomicus pulsionnel, les affects colonisés par le marketing le muant en homo serpentes de grandes surfaces. Considérant aussi qu’il est incapable de prendre position, sur la provenance de l’électricité qu’il consomme ou de son attifement. De l’homo sapiens, donc, à l’homo debilis.
Concurrence alpha et oméga
Derrière le sérieux méthodique de l’ancienne avocate d’affaires américaine, depuis quatre années ministre de la République, se niche un histrionisme en totale adéquation avec l’équipée de saltimbanques qui ont la charge des affaires du pays. C. Lagarde ne fait pas exception dans le gouvernement de N. Sarkozy. C’est au diapason qu’elle récite ses mantras du laissez-faire, alors qu’une partie importante du pays s’enfonce dans la paupérisation. Caricaturalement grotesque. Face à une auditrice de France Inter lors de la matinale qui dispose d’à peu près 800 euros de retraite mensuelle, la questionnant : « comment je fais ? ». L’économiste ânonne ses leçons chicagoanes, sur le plus de concurrence pour permettre au consommateur de choisir le meilleur tarif au milieu de la pléthore d’offres potentielles. Pas de salut hors du tout marchand. Mais plus que cela, de la marchandisation de tous les niveaux de conscience, de la manière de gérer l’économie, jusqu’à la façon de vivre dans cette économie. Avec pour seul horizon l’accaparement de toutes les énergies à une activité capitale : la mise en concurrence de tous et de tout. C’est sain, et cela occupe les pauvres. La ministre illustra son action à l’auditrice sans le sou, par sa vaillante croisade pour la libéralisation du secteur des… assurances. Mesure éminemment cruciale pour clarifier le marché et faire baisser (on ne sait de combien) les polices… Encore un miracle attendu du marché. Pas un mot sur le cout du logement, la stagnation des rémunérations dans un pays qui, selon les standards du PIB, continue d’accroître de façon géométrique la « richesse » produite.
La dette nucléaire
Mais d’histrionisme, il en est aussi question lorsque C. Lagarde s’exprime sur la « dette perpétuelle que l’on laisse à nos enfants », tout en justifiant quelques instants plus tard son attachement à l’énergie nucléaire. Le billet d’entrée minimum au cercle de la raison du mediacrate ou du politicard médian l’oblige à s’exprimer de façon pontifiante sur la dette. À la manière de J. M. Apathie, pour expliquer que c’est calamiteux. On vide les caisses de la famille, métaphorisée par le pays, dans un « jeanfoutrisme » total quant à l’avenir des nos bambins. Par contre, le jardin pavillonnaire contaminé au césium 137 ne représente pas une dette « perpétuelle » pour les têtes blondes hexagonales. Plus globalement, laisser le gros tas d’immondices radioactives comme héritage multi millénaires dont on spécule ici et maintenant qu’ils s’en démerderont. Pour les baladins du pouvoir, il s’avère crucial de faire des économies sur la solidarité nationale et les services publics, en laissant en suspens des générations futures de liquidateurs. En économie, ça s’appelle du courtermisme.
Dans le large spectre des personnalités politiques, C. Lagarde occupe le segment marketing du sérieux et de la gestion. Elle en a le plumage. Le ramage, un salmigondis de training communication à la méthode Sup de co, mâtiné d’argumentaires façon think tank pour raconter tout (ce qui arrange sa classe, les dominants) et son contraire (mettre sous l’éteignoir ce qui la gêne, les gueux). Speakerine sycophantique du désastre social et écologique qui sait que pour améliorer (encore) le sort des uns, celui d’autres doit (encore) se dégrader.
Vogelsong – 12 avril 2011 – Paris