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Un mauvais rapport (suite)

Publié le 03 février 2008 par Caroline
Il m'arrive de me demander pourquoi je ne vais pas dans le sens du flot. Certains disent que c'est à cause de mon mauvais caractère, d'autres parce que je suis trop compliquée, d'autres encore parce que je me la pète... Alors, quand j'ai écrit ce billet sur Le rapport de Brodeck, je me suis sentie un peu seule sur mon rocher. Et croyez-moi, il n'y avait pas de provocation dans cette critique à contre-courant, mais uniquement de l'incompréhension face à ce roman.
Ça y est, je ne suis plus seule (ou presque) puisque Michel Volkovitch dans page d'écriture n°53 parue sur son site le 1er février 2008, écrit ceci :
On m'a aussi recommandé Le rapport de Brodeck, roman de Philippe Claudel (Stock), l'un des succès de la rentrée. Un gros roman fort ambitieux, sur le thème de l'exclusion d'un étranger par le groupe. Dans un village du fin fond de l'Europe centrale germanophone, un visiteur trop distingué, trop excentrique finit massacré par les hommes du coin ; le seul innocent, l'intello du bourg, rescapé des camps où l'avait envoyé sa différence d'origine, est chargé de rédiger un rapport sur le meurtre et se trouve lui-même sournoisement mis au ban.
Cela me gêne de démolir ce pavé. Non vis-à-vis de l'auteur, couvert de gloire et d'argent et qui ne me lira pas, mais par égard pour les amis chers et sûrs qui me l'ont conseillé. Pour eux j'aurais voulu aimer ce livre, adroitement construit par vagues de retours en arrière subtilement amenés. On y trouve plusieurs scènes puissantes. On y voit planer, c'est vrai, l'ombre de Kafka. Mais Kafka en aurait fait un récit d'une centaine de pages d'une maigreur tendue, inquiétante. Claudel, lui, se laisse aller. Il se fourvoie gravement dans les scènes du camp, frisant le Grand-Guignol, qu'il aurait dû totalement couper. Surtout, il se perd dans les détails oiseux, les circonvolutions d'un style fleuri, alourdi d'adjectifs et de comparaisons perpétuelles.
«La nuit avait jeté son manteau sur le village comme un roulier sa cape sur les restes de braise d'un feu de chemin. Les maisons, avec leurs toits recouverts de longues écailles de bois de pin, laissaient échapper des fumées lentes et bleues et faisaient ainsi songer au dos rugueux de vieux animaux des époques fossiles.»
Deux lignes plus bas :
«...ces dernières journées de septembre avaient été chaudes comme des fours de boulanger. Je me souviens que j'ai regardé le ciel et que je me suis dit, à voir toutes les étoiles ainsi pressées les unes contre les autres, à la façon d'oisillons qui ont peur et qui recherchent compagnie, que bientôt nous plongerions d'un coup dans l'hiver. L'hiver, qui chez nous est long comme des siècles embrochés sur une grande épée etc.»
Après avoir cru dix fois abandonner, je suis tout de même arrivé au bout en zappant les fioritures et toute la mauvaise graisse de ce livre obèse. Épuisé comme le visiteur d'une expo de peintres pompiers saoulé par un tourbillon de couleurs brutales comme des claques sonnant ainsi que des coups de grosse caisse !!!
Ce travail appliqué, scolaire, a obtenu le Goncourt des lycéens à l'unanimité. Que dire ? Les lycéens ont déjà fait bien pire en attribuant, par exemple, leur Renaudot de 2005 à Festins secrets de Pierre Jourde...

Je dois préciser que, même si certains exemples pris ça et là dans le roman de Philippe Claudel sont les mêmes que celle que j'ai faites, Michel Volkowitch n'avait pas lu Tout à Fait Décousu pour les choisir. Je me sens moins seule sur mon rocher.

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