Alex June

C’était mon pseudo à l’époque où j’étais au Laos. Je l’avais trouvé au pifomètre quand je pigeais pour le Gavroche, magazine en français de Thaïlande. A plein temps dans un canard, je n’avais pas vraiment le droit de piger, d’où le choix d’un pseudo.

J’avais attaqué fort, 10 pages sur les trésors cachés du Laos, textes et photos. Alex, on ne sait pa si c’est Alexandre, Alexia… brouillons les pistes. Et June parce que ous étions en juin. Tout simplement.

Puis il a fait son petit bout de chemin.

J’avais dans l’idée d’en faire un héros de bouquin, sorte de gringo apeuré, pas du tout enclin à la découverte culturelle se retrouvant, malheureusement pour lui, dans des pays où il est obligé de se faire violence. Entre situations rocambolesques, vannes cyniques et néocolonialisme, ça promettait d’être bien marrant.

Puis j’ai laissé tomber.

Alex a une page Facebook, il a 32 ans, c’est un garçon, du moins c’était jusqu’à ce qu’il ait une voix.

Je m’en servais pour aller sur des forums border line, entrer en contact avec des révolutionnaires, cherker la situation au Soudan… Depuis que j’avais quitté le Laos, Alex June n’avait qu’une vague existence fantôme en ligne.

Puis la Syrie où je devais, pour des raisons de sécurité, travailler sous pseudo. Même si cela ne suffisait pas.

J’ai donc signé mes papiers de son nom, faisant d’Alex June THE journaliste se trouvant dans the place to be. Uis il a eu une voix, en France et en Belgique. Et c’était une voix de fille, la mienne.

Puis il a eu une nationalité. Dans les cybers, pas question de donner mon passeport, qui se trouvait toujours officiellement à l’hotel, et c’est son nom que je donnait, avec un faux numéro de passeport, au gré de mon imagination. Nationalité ? BELGE !

Si on m’avais demandé un lieu de naissance, j’aurais pu dire Namur… Bon, Namur du sud, hein, parce que l’accent, c’est pas vraiment ça.

Et Alex June a pris vie, allant même jusqu’à inquiéter la sécurité d’Etat.

Je l’aimais bien, moi, en Gringo ridicule et franchouillard.

Faut croire qu’il a vieilli.

Moi aussi.