Magazine Société

Tôle froissée

Publié le 14 avril 2011 par Toulouseweb
Tôle froisséeA380 contre CRJ 700 : plus de peur que de mal.
L’incident n’est pas banal et, Internet aidant, il bénéficie d’une publicité mondiale : un Airbus A380 d’Air France a heurté un Bombardier CRJ 700 de Comair sur un taxiway de New York JFK. On imagine que l’A380 a été tout au plus ébranlé par le choc tandis que le CRJ 700 faisait un impressionnant quart de tour sur lui-męme. Bilan : un moment d’émotion, de la tôle froissée, pas un seul blessé, deux avions immobilisés et des commentaires tous azimuts, pour la plupart sans intéręt, voire franchement idiots.
Le sujet ne relčve pourtant pas des seuls faits divers et mérite qu’on s’y attarde. Un lecteur qui sait de quoi il parle (il est commandant de bord A380 !) nous a fait part d’une précision importante : les images visibles sur Internet sont montées en accéléré et, de ce fait, tout ŕ fait trompeuses.
En effet, on pourrait croire que l’équipage de l’A380 fonce tęte baissée vers le seuil de piste alors qu’il n’en est rien. Bien au contraire, comme le dira certainement l’enquęte du NTSB le moment venu, le trčs gros porteur s’achemine lentement vers l’extrémité du chemin de roulement, sans aucun doute ŕ une vitesse trčs en dessous de 10 noeuds. D’autant qu’il faisait nuit et qu’il pleuvait. Cela, les sites ont oublié de le préciser –ils ignoraient certainement ce détail- ce qui confirme, si besoin est, que l’information immédiate, livrée hors contexte et sans contrôle, recčle de sacrés dangers.
Heureusement, l’incident n’a pas fait de blessés et ses conséquences seront limitées. Ce qui n’interdira pas d’en tirer d’utiles conclusions. Ainsi, il faudra que le contrôle au sol de JFK s’explique : le CRJ 700 s’est arręté, et pas au meilleur endroit, parce qu’il ignorait vers quel emplacement se diriger pour débarquer ses passagers. On est tenté d’évoquer un manque de vigilance et de réactivité, alors que les risques de problčmes opérationnels sont grands quand les avions sont au sol. Et, on a tendance ŕ l’oublier, ils roulent beaucoup et longtemps sur les aéroports les plus importants et les plus encombrés.
En élargissant le débat, voici l’occasion de rappeler que les incidents et accidents au sol sont fréquents. Sur base des statistiques produites par Ascend, Airbus estime que 30% de l’ensemble des accidents aériens relčvent de ce qu’il est convenu d’appeler les Ťrunway excursionsť, c’est-ŕ-dire davantage que les tristement célčbres CFIT, Controlled Flight Into Terrain. En langage commun, cela revient ŕ dire que 30% des accidents se produisent ...au sol. Un comble !
Des efforts importants sont mis en oeuvre pour éradiquer cette faiblesse, qu’il s’agisse de formation améliorée, de procédures revues et corrigées ou encore de progrčs techniques. Reste le fait que l’incident de New York conduit ŕ créer une nouvelle catégorie, Ťtaxiway incursionsť, qui constitue en quelque sorte une petite leçon d’humilité pour les spécialistes de la sécurité aérienne.
C’est aussi un rappel : aucun détail, aussi minime soit-il, ne doit ętre négligé pour parfaire la sécurité aérienne, pour tendre davantage vers un niveau toujours meilleur. Les résultats obtenus sont enviables, avec un taux de 0,2 accident mortel par million de vols pour les appareils de la génération actuelle.
Le sujet est trop sérieux pour tolérer une pointe d’humour. Mais il n’est pas interdit de penser que la collision de JFK est tout ŕ la fois comique, honteuse et impardonnable.
Pierre Sparaco - AeroMorning

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine