Paul Watzlawick, l'un des pionniers des thérapies brèves et de l'école de Palo Alto, raconte l'anecdote suivante. Etudiant, il était un fumeur de pipe endurci. "Je possédais un grand nombre de pipes de valeur, de mélanges personnalisés, et tout l'attirail. Cela convenait à l'image que j'avais du "jeune psychologue", explique-t-il*.
Lors de sa première rencontre avec le célèbre psychiatre Milton Erickson, celui-ci remarqua le penchant de son élève pour la bouffarde, et commença alors à raconter l'histoire amusante d'un de ses amis, fumeur de pipe lui aussi. Celui-ci, lui dit Erickson, était "embarrassé". De fait, les raisons de cet embarras, qu'Erickson entrepris d'exposer par le menu, étaient fort nombreuses.
"Il était embarrassé parce qu'il ne savait pas où mettre la pipe dans sa bouche. Devait-il la placer au milieu de la bouche ? A un centimètre à droite du milieu ? Un centimètre à gauche ?" Et puis "il ne savait pas comment mettre le tabac dans le fourneau. Devait-il se servir de son bourre-pipe ? De son pouce ? De son index ?" Et même, "il ne savait pas comment allumer la pipe. Devait-il procéder en présentant la flamme au fourneau ? A l'arrière du fourneau ? Sur le côté droit ? Le gauche ? Il était embarrassé." Et ainsi de suite.
Car l'histoire semblait ne jamais devoir finir. Watzlawick découvrait, un peu éberlué, les façons innombrables dont on pouvait être embarrassé en fumant sa pipe. Lui-même ne s'était jamais senti embarrassé de fumer la pipe. Il se demandait où voulait en venir Erickson...
Le lendemain, il rentra chez lui, à San Francisco, en voiture. En arrivant, il se dit brusquement qu'il ne fumerai plus. Et de fait, il ne fuma plus jamais la pipe.
L'histoire que lui avait raconté Erickson lui avait fait prendre conscience que le processus de fumer l'embarrassait effectivement. Sans doute l'étudiant fût-il sensible à l'influence indirecte d'un maître respecté. "Erickson a fait peu, conclut-il. Il ne m'a pas dit d'arrêter de fumer. Il ne m'a pas mis en garde contre les dangers pour la santé. Il m'a seulement raconté une histoire. C'est moi qui ai fait quelque chose de constructif."
*Cette anecdote est tirée de Stratégie de la Thérapie brève, Paul Watzlawick et Giorgio Nardone, Seuil.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 31 mars à 09:01
Bonjour, je vous convie à la découverte de mon blog consacré au rire et au tabac. Merci, Pascal.