Dieu jaloux, sombre turlutaine,
Cauchemar d'enfants hébétés,
Il est temps, vieux croquemitaine,
De te dire tes vérités.
Le Ciel, l'Enfer : fables vieillottes,
Font sourire un libre penseur.
Bon dieu des bigotes,
Tu n'es qu'un farceur.
Tu nous fis enseigner par Rome
En face du disque vermeil,
Que Josué, foi d'astronome,
Un jour arrêta le soleil.
Ton monde, en six jours tu le bâcles,
ô tout-puissant Ignorantin.
Bon dieu des miracles,
Tu n'es qu'un crétin.
La guerre se fait par ton ordre,
On t'invoque dans les deux camps.
Comme à deux chiens prêts à se mordre,
Tu fais kss kss à ces brigands.
Les chefs assassins tu les sacres,
Tu les soûles de ta fureur.
Bon dieu des massacres,
Tu n'es qu'un sabreur !
On connaît tes capucinades
Et l'on te voit, mon bel ami,
Te pourlécher des dragonnades.
Humer les Saint-Barthélémy.
Bûchers flambants font tes délices,
Tu fournis la torche à Rodin.
Bon dieu des supplices,
Tu n'est qu'un gredin.
Macaire t'a graissé la patte.
Larrons en foire sont d'accord.
Saint Pierre tire la savate
Sitôt qu'on s'attaque au veau d'or.
Des compères de Bas-Empire,
C'est encor toi le plus marlou,
Bon dieu des vampires,
Tu n'es qu'un filou.
- date : 1884.
- texte : Eugène Pottier.
- musique : Emile Bouillon.
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