La saison électorale est donc ouverte. Et comme à chaque fois, la chasse à l’électeur, petit volatile farouche et fuyant, se fait au moyen d’appeaux de plus en plus sophistiqués à mesure que les enjeux se font plus pressants. La droite, qu’on sent déchirée de luttes intestines, sait qu’elle aura fort à faire pour attirer le gogo ; elle a en conséquence déjà sorti l’artillerie lourde, les appeaux de compétition et propose déjà, sans vergogne, de voler les uns et distribuer l’argent des autres.
On trouve donc principalement deux propositions dans les cartons du gouvernement, toutes deux destinées à nous faire croire que le bon Nicolas Sarkozy s’occupe du petit peuple et de son pouvoir d’achat tout en conservant un œil expert fixé sur le budget de l’Etat qu’on fait absolument tout pour conserver à l’équilibre.
Bon.
Evidemment, une fois évaporées les volutes bleutées du splif obèse qu’on doit fumer pour croire à de telles calembredaines, la réalité reprend possession du terrain et nous ramène bien vite sur Terre à coup de pied dans les rotules : eh oui, on essaye à nouveau d’enfiler le moutontribuable, qu’on a déjà copieusement tondu, sur une machine à équarrir, dans le clapotis discret des applaudissements quasi-religieux d’une classe politique toute acquise à l’opération.
Du côté Bisous, on va mettre en place la redistribution des dividendes aux salariés.
Du côté Taxes, on va instaurer une bonne petite exit-tax des chaumières.
La carotte sera donc de 1000€ par salarié d’une entreprise qui fait des bénéfices.
Le bâton sera donc un nouveau prélèvement destiné à bien faire comprendre la joie que tout contribuable doit trouver à rester en France.
Le Mur de Berlin était en béton. Celui de la France de 2012 sera en papier, de celui qu’on utilise pour les formulaires de Bercy.
Une chose est certaine : je n’aimerais pas être à la place du petit Baroin lorsqu’il va devoir trouver un moyen pour mettre effectivement en place tout ce fourbi, annoncé pourtant en grandes pompes sur une radio, lieu maintenant normal que tout ministre choisit pour déclarer les « avancées » fiscales du gouvernement.
En effet, l’ensemble vient se greffer au système fiscal français réputé souple et par ailleurs très léger ; on imagine sans peine les quelques lignes rapides qui seront jetées dans un petit article de loi bien ficelé, en langage clair et concis, pour expliquer comment les entreprises vont devoir trouver les 1000€, pourquoi c’est 1000€ et pas 800, 1200 ou 43.
Et on sait déjà que la mesure a été pondérée de longue date et mûrement réfléchie par une cohorte d’habiles fonctionnaires des finances affûtés pour ce genre d’opérations dans de véritables camps d’entraînements de la fiscalité créative. Partant, les résultats seront forcément excellents :
- Les entreprises n’auront aucun problème pour se conformer à la nouvelle loi (pas du tout inopinée). C’est aussi ça, le charme et la douceur de vivre français : l’absence totale d’insécurité fiscale et juridique. Tout y est balisé, comme sur des rails : chaque nouvelle année apporte son lot de petites misères créatives et de déraillements fiscaux rigolos qui empêchent totalement le patron, l’entrepreneur, l’artisan, le salarié ou la profession libérale de se couler dans la monotonie. Laissons celle-ci à des pays sans imagination !
- Les actionnaires seront ravis d’avoir mis de l’argent dans l’entreprise, puisque les bénéfices seront automatiquement amputés pour les salariés. Le risque pris dans la constitution du capital de la société ne sera pas rémunéré aussi bien qu’ailleurs, ce qui incitera tout le monde à remettre au pot, c’est évident. Il semble évident que les dits actionnaires vont même se bousculer dans les entreprises françaises après une innovation aussi décisive !
- Les salariés, tout heureux de disposer d’une nouvelle manne, s’empresseront de la claquer en consommation futile, en voitures françaises, en services français, en champagne français et en putes françaises. Les Français ne thésaurisent pas, surtout en période de crise. Cela va donc, mécaniquement, augmenter leur pouvoir d’achat, d’autant qu’il n’y aura aucun nouvel impôt sur cette somme, comme Bercy s’y engage formellement croix-de-bois croix-de-fer.
Evidemment, cette nouvelle carotte ne pouvait pas rester sans le proverbial bâton qui l’accompagne.
Comme il y a un micro-risque que certains trouvent le pays de plus en plus collectiviste et conçoivent suffisamment d’amertumes à constater que l’Etat se mêle de tout, même de la façon dont les entreprises privées sont gérées, il se pourrait que ces certains-là … décident de prendre leur petite valise et partent du pays.
Ce qui serait dommage pour le paradis solidaire et festif que la France tente de devenir tous les jours un peu plus.
Malin, Baroin a donc ajouté une petite exit-tax. Le principe est simple : il s’agit donc de repérer les salauds de riches qui font des bénéfices. C’est un peu comme les entreprises capitalistes qui font scandaleusement des profits et qui méritent, pour cela, d’être punies : ici, on adapte au niveau de l’individu ce qui marche si bien au niveau des sociétés.
Cependant, le chemin est étroit pour Bercy ; tout comme on sent naître une nouvelle usine à gaz garantie sans effet de serre avec la « prime de 1000€ », le ministre va devoir naviguer finement entre le désir compulsif de la droite socialiste d’assommer les fourbes riches et les ignobles capitalistes d’une punition fiscale bien cognée, et les enquiquinants règlements communautaires de l’Union Européenne qui ont déjà passablement étrillé les velléités taxatoires françaises dans une précédente affaire : l’exit-tax de 2004 avait en effet été purement et simplement recalée (arrêt C-9/02 du 11.03.2004 de la CEJ) puisque contrevenant avec le principe de libre établissement des capitaux et des personnes en Europe.
Voilà qui n’est pas très bisou-bisou.
Seulement voilà, on peut être sûrs que les fiers barreurs de l’imposant esquif de Bercy sauront le mener dans les eaux calmes d’une fiscalité qui tabasse l’entrepreneur dans les règles.
Eh oui, vous pouvez en être absolument certain : ces promesses seront mises en place, à la force surentraînée du poignet des branleurs olympiques qui nous gouvernent. Des votes seront bel et bien achetés, à 1000€ chaque, en piquant dans les caisses entreprises qui fonctionnent encore, et dans les poches de ceux qui veulent fuir le petit enfer fiscal que devient ce pays.
Voilà qui va vraiment inciter les créateurs de richesse à rester, non ?