Et si je connaissais...

Chère Nelly,
Si je comprenais et parlais le langage de la folie, peut-être que je n'en serais pas là, à me torturer l'esprit, à me morfondre devant cette machine à écrire, à attendre de chaque touche un appel, un cri, un possible "choisis-moi, je t'emmènerai vers là où rien n'existe encore".
Et si je connaissais vraiment ce beau langage, les mots accouraient vers moi comme de petits enfants vers les bras accueillants de leurs parents.
Malheureusement, je suis encore bien loin d'écrire l'invisible et de voir à travers les choses...
Cet après-midi pourtant, en allant promener Seven, il y avait ce carré de pelouse clairsemée de blanc et jaune : pâquerettes et pissenlits, dans une hasardeuse mais harmonieuse combinaison.
Je l'ai trouvé pictural, divin, presque irréel. Je me suis senti, le temps d'une seconde, dans une autre réalité...
Alors je me dis que j'ai l'espoir, un jour, de tendre un peu plus vers la folie, d'accéder comme le décrit si pertinemment Serge Tribolet, à ce qui échappe à tous, à cette capacité de traverser le mur du langage...
Ce soir, je n'inventerai aucun mot. Ni sur mon balcon à deux marelles du ciel, ni avec le stinox qui modifiera ma pauvre conscience.
Pascal est en Normandie, toi peut-être déjà très loin dans des rêves inédits.
Dans la machine à écrire, cette feuille, désespérément blanche : reflet de mon affligeante réalité...