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206ème semaine de Sarkozy : pourquoi Sarkozy sent bien sa réélection

Publié le 16 avril 2011 par Juan
206ème semaine de Sarkozy : pourquoi Sarkozy sent bien sa réélectionLa petite phrase a été lâchée mercredi devant un parterre de députés UMP rincés à l'oeil à l'Elysée. Elle était préparée et destinée à être répétée : « Moi, je la sens bien » déclara le candidat officieux à propos de l'élection présidentielle. Nicolas Sarkozy savait qu'elle ferait mouche. Effectivement, tous les avenirs sont possibles.
Eparpiller les centristes
Depuis son élection, il y a 206 semaines, Nicolas Sarkozy a suscité un rejet inédit auprès d'une frange croissante de l'électorat, y compris à droite. Il révulse, énerve, heurte davantage que sa propre politique. Depuis l'automne 2007, son impopularité est majeure, comme en témoignent tous les scrutins électoraux intermédiaires et tous les sondages. La « droitisation » de ses propos (et marginalement de ses actes), depuis le discours de Grenoble en 2010, a été mal comprise par la plupart des commentateurs politiques.
Certains n'y ont vu qu'un assouplissement vers l'électorat tenté par le FN. Sarkozy a pris acte de son incapacité à rassembler sur son nom. Il faut donc éparpiller pour rester numéro un et franchir le premier tour. Il a ainsi brillamment réussi à faire sortir du bois les centristes de son camp. En choisissant Fillon plutôt que Borloo lors du remaniement de novembre, il s'est assuré l'absence de compétition interne au coeur du clan : Boloo a pris le large, sans grande chance de convaincre de sa soudaine « indépendance ». A défaut de rassembler, Sarkozy éparpille l'électorat centriste entre Borloo, Bayrou, Hulot et sans doute DSK. Et il continue de déplacer l'agenda politique sur des thèmes anxiogènes et porteurs, l'immigration, l'islam et la sécurité.
A l'Elysée, ce mercredi, il pouvait être content. L'écolo-centriste venait d'annoncer sa candidature.
Faire croire à la reprise
Lundi, le Monarque se reposait encore. Il était au Cap Nègre, depuis samedi, avec Carla. Un mois jour pour jour après celui du 11 mars, un nouveau tremblement de terre secoua le Japon à 80 km de la centrale de Fukushima. C'est confirmé. Cette catastrophe nucléaire est bien aussi grave que celle de Tchernobyl. 270.000 personnes ont été évacuées. L'Océan pacifique est contaminé. Et ce n'est pas terminé. En France, chut ! Pas un mot. Le gouvernement travaille. L'inutile ministre de l'écologie était en déplacement en Louisiane. Et Eric Besson, son collègue de l'industrie, n'avait pas envie de commenter les sales secrets de la filière nucléaire.
Avec Christine Lagarde et Frédéric Lefebvre, il recevait quelques pétroliers. Ces derniers acceptèrent une ponction de ... 115 millions d'euros sur leurs profits de l'année. L'an passé, la seule TOTAL a dégagé ... 10 milliards d'euros de bénéfice net. On applaudit pour l'effort. Cette obole permettrait de financer la revalorisation des frais kilométriques déductibles des impôts promise par Fillon il y a 10 jours. Cela ne concerne qu'une minorité d'automobilistes, mais Lagarde se força le sourire devant les photographes en sortant de la réunion. Le patron de TOTAL confia plus tard que le litre d'essence sera prochainement à 2 euros. En entendant ces propos, Sarkozy s'énerva, les jugent « indécents ». Il promit de s'« en occuper».
 
Le même jour, Christine Lagarde était surtout heureuse des prévisions de l'OCDE. C'était la vraie bonne nouvelle, celle qui devait effacer le reste de l'actualité du jour : 2% de croissance pour 2011 ! En réalité, cela suffira tout juste à atteindre les objectifs de réduction du déficit budgétaire cette année. Cela 4 ans que Lagarde se plante sur ses prévisions. Applaudissons donc quand, pour la première fois, Christine Lagarde ne s'est pas trompée ! L'an prochain, la dette publique atteindra tout de même 86% du PIB. La production industrielle n'a pas recouvré son niveau d'il y a 3 ans.
La reprise reste bien molle.
Jouer social
Lundi 11 avril, le gouvernement remplaçait l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF), supprimée depuis 1er janvier 2011 sur l'autel de la rigueur, par une rémunération de fin de formation (R2F) de 30% inférieur à la précédente. Cette information n'est pas commentée. Deux jours après, François Baroin focalisait l'attention médiatique sur une proposition démagogique et sans engagement, le versement (facultatif) d'une prime de 1.000 euros (maximum) aux salariés d'entreprises qui versent des dividendes.
Le lendemain, c'était encore Noël en avril, le SMIC va augmenter de 2% au 1er juillet ! En fait, ce n'est qu'une indexation automatique et minimale sur le rythme de l'inflation.
En coulisses, la réforme de la dépendance se prépare. Le Medef a dévoilé ses propositions, une vingtaine, pour privatiser davantage le système. Il suggère, entre autres, de réduire encore les « capacités hospitalières publiques dans un souci d'optimisation de l'offre de soins ». Ne comptez pas sur Roselyne Bachelot ou Xavier Bertrand pour commenter. La première nous a diverti avec sa proposition de pénaliser les clients de la prostitution. Le second est en croisade contre Servier.
Jeudi, le candidat Sarkozy rencontrait quelques enseignants, en visitant un établissement de réinsertion scolaire (ERS). Il a même joué au ping-pong avec l'un des 9 élèves. Aux enseignants, il rabâcha ses vieux arguments. Il faut « mettre fin à cette omerta sur la violence à l'école ». Et le manque de manque de personnel d'encadrement, qui a provoqué grèves et manifestations de parents il y a plus d'un an ? « Nos méthodes doivent changer » et « tout ne se résout pas par des problèmes de quantité ». Les suppressions de postes dans la fonction publique n'économisent qu'une grosse centaine de millions d'euros par an, selon la Cour des Comptes. Tout ça pour ça...
Le candidat est en campagne. Il prend son envol.
Rester présidentiel
En fin de journée, lundi, les forces françaises délogeaient Laurent Gbagbo de son bunker. Pendant tout le week-end, elles ont bombardé les installations de l'ancien président ivoirien, pour détruire ses armes lourdes. Finalement, ce sont les forces républicaines d'Alassane Ouattara qui arrêtèrent les époux Gbagbo. Au sous-sol, les cuisines abritaient des stocks d'armes et d'obus. L'après-midi même, François Fillon à l'Assemblée nationale expliquait que la France et l'ONU avaient ainsi envoyé « un message symbolique extrêmement fort à tous les dictateurs.»
Vraiment ? L'administration Sarkozy a surtout eu la trouille. Prise de vitesse par l'offensive militaire du camp Ouattara, elle a rapidement engagé ses troupes déjà présentes sur place (via l'opération Licorne) pour protéger nos ressortissants. La Côte d'ivoire reste un pré-carré colonial bien utile. Ailleurs en Afrique, le gouvernement Fillon/Sarkozy soutient des présidents contestés et autocrates. En France, il  bloque comme il peut les enquêtes et plaintes contre les détournements de fonds et autres « bien mal acquis » par des autocrates africains amis.
En Syrie, des ONG comptabilisent déjà 200 morts victimes de la répression du dictateur Al-Assad. En Libye, les diplomates français négocient une solution politique. La situation s'enlise. En début de semaine, les Américains se sont retirés. Les Français assument la majorité des attaques aériennes; le boucher de Tripoli et ses fils ont envoyé des snipers dans les villes rebelles pour terroriser la population. Alain Juppé s'agaçait, mardi, du ralentissement des attaques de l'OTAN. Le Washington Post révèle, samedi, que l'Alliance atlantique est en fait à court de munitions !
Jeudi, le Monarque co-signait une tribune avec Barack Obama et David Cameron réclamant le départ du colonel Kadhafi. Et ? Et rien. On parle. On discute. On se positionne.
En Côte d'ivoire, « la France a fait son devoir », commenta le Monarque devant ses ministres.
En France, le Président des Riches fait le sien. La réforme fiscale tant attendue est dévoilée jeudi. On supprimera ce fichu bouclier fiscal auquel notre Monarque tenait tant. Il a tardé jusqu'à mardi pour se résigner à la sacrifier. François Baroin eut les bons arguments : le toilettage consécutif de l'ISF permet de rendre un gros milliard d'euros à la clientèle fortunée
Rester anxiogène
Lundi,  la loi sur l'interdiction du voile intégral entrait en vigueur. Une poignée de femmes tout en voile se précipitèrent devant les caméras de télévision pour crier leur indignation. Mardi, la réforme de la garde à vue est enfin adoptée. Pressé par la Cour européenne des droits de l'homme et le conseil constitutionnel, il fallait agir. Les 800.000 gardés à vue pourront être accompagnés d'un avocat dès la première heure. Vendredi, la Cour de Cassation confirma. Les syndicats de policiers s'énervèrent.  Claude Guéant, l'homme-robot du discours sécuritaire, publia le courrier de protestation qu'il a adressé à Fillon.
Mercredi, heureusement, son collègue Mercier dévoilait sa réforme judiciaire : des jurés populaires vont être introduits dans quelques 40.000 procès correctionnels, pour les délits les plus graves. En cour d'assises, la République n'a pas assez d'argent pour indemniser ces citoyens assesseurs. Cette réforme électoraliste, coûteuse et impraticable, est si chère à Nicolas Sarkozy qu'il ne fallait pas décevoir.
Vendredi, Guéant organisait une table ronde, au ministère de l'intérieur et de l'immigration, sur la laïcité. Il voulait calmer la polémique. Le soir, sur TF1, il relança pourtant sa grande idée - pardon -l'idée de son patron : il faut réduire l'immigration légale de 200 à 180.000 régularisés par an. Le premier flic de France reprit l'une des antiennes du discours de Grenoble : « l’intégration est en panne.» Et il ajouta cette précision statistique si plaisante aux oreilles d'une Marine Le Pen : « Il faut savoir que 24% des étrangers non européens qui se trouvent en France sont des demandeurs d’emploi. »
Ami sarkozyste, réjouis-toi.

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