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Coups de pompe

Publié le 18 avril 2011 par Toulouseweb
Coups de pompeLa sécurité aérienne continue susciter de sacrées surprises.
Le secrétaire d’Etat américain aux Transports Ray LaHood et l’administrateur de la Federal Aviation Administration Randy Babbitt sont littéralement hors d’eux. Et Paul Rinaldi, président de la National Air Traffic Controllers Union pour le moins embarrassé : Hank Krakowski, le chef du contrôle aérien au sein de la FAA a démissionné, obligé de jouer le rôle de disjoncteur pour cause de sale affaire.
Un contrôleur du Miami Air Route Traffic Control Center a en effet été suspendu, toutes affaires cessantes, pour s’ętre endormi devant son écran, en pleine nuit. Un coup de pompe malheureux, heureusement sans conséquences, mais révélateur d’une situation délicate. Il n’est pas rare, en effet, que des contrôleurs américains s’assoupissent, victimes d’une fatigue excessive. Pire, il est arrivé ŕ plus d’une reprise, au fil des mois, que de tels problčmes surviennent ŕ un moment oů le contrôleur est seul ŕ son poste, avec pour résultat un silence radio inquiétant, voire des avions qui se posent en vol ŕ vue.
On croit ręver, sachant qu’il s’agit des Etats-Unis, c’est-ŕ-dire d’une aviation commerciale constamment citée en exemple, qui achemine prčs de 700 millions de passagers par an, la référence, qui plus est auréolée d’un taux de sécurité inégalé oů que ce soit dans le monde. A vrai dire, on imaginait difficilement qu’un contrôleur fűt ainsi livré ŕ lui-męme, seul au milieu de la nuit, dans une tour de contrôle qui, souvent, n’enregistre pas, ŕ ce moment lŕ, le moindre mouvement. Problčme de budget ? Inconscience ? Négligence ? On ne sait trop qu’en penser. Disons, au minimum, que cette maničre de faire est étonnante et, ŕ bien y réfléchir, incompréhensible.
Quelques souvenirs reviennent en mémoire, par exemple le crash, dans le Kentucky, d’un CRJ qui avait décollé d’un taxiway, ŕ la fine pointe de l’aube, au moment oů le jour se levait, tuant équipage et passagers. Remarque du commandant de bord, immortalisée par le CVR : c’est curieux, Ťilsť n’ont pas allumé le balisage… Dans la tour, ŕ ce moment lŕ, un seul et unique contrôleur attendait impatiemment la relčve, luttant contre le sommeil. Il n’avait dormi que quelques heures en un jour et demi, enchaînant les prestations. Mais, de toute évidence, aucune leçon n’avait été tirée de cette catastrophe digne des années quarante, époque oů tout restait ŕ inventer. Mais pas aujourd’hui !
Tout le monde s’indigne, le comportement du contrôleur fatigué est qualifié d’irresponsable, d’inapproprié, de non professionnel, etc. Mais n’est-ce pas la FAA qui devrait ętre blâmée ? Elle annonce une enquęte approfondie, décrčte la fin immédiate des Ťéquipesť d’un seul homme, cherche ŕ rassurer, publie des communiqués sévčres et, ajoute Randy Babbitt, Ťce n’est qu’un débutť.
Il n’est pas besoin d’attendre les résultats de l’enquęte, que l’on imagine rondement menée, pour se risquer ŕ affirmer que le contrôle aérien américain a souffert d’une forme subtile de laxisme. Mais l’étonnement des uns et des autres ne s’arręte pas lŕ : les incidents répertoriés dans le passé auraient dű susciter des mesures rapides, par exemple ŕ la suite d’un silence de 16 longues minutes de la tour de Reno, l’unique contrôleur étant tombé bien involontairement dans les bras de Morphée. Il y a deux mois, un incident similaire s’est produit ŕ Washington National (maintenant appelé Reagan National Airport).
Le dossier est encore plus compliqué qu’il n’y paraît ŕ premičre vue. En 1981, les contrôleurs américains avaient déclenché une grčve dure, faute d’obtenir une revalorisation de leurs salaires. Le président Ronald Reagan leur avait alors mis le marché en main : ils devaient reprendre le travail sans plus attendre ou ils seraient tous licenciés. Ce qui fut fait, la transition avec les jeunes recrues, pas męme chaotique, tenant du miracle. Mais, avec une pyramide des âges écrasée, les départs en retraite, une trentaine d’années plus tard, se comptent par milliers. D’oů un vrai casse-tęte et, ici et lŕ, une histoire ŕ dormir debout.
Habitué ŕ de grands défis technologiques, męme aux Etats-Unis, le transport aérien constate ainsi qu’il fonctionne grâce ŕ des hommes (et des femmes) qui lui sont tout simplement indispensables. Y compris des contrôleurs qui apprécient de dormir 8 heures toutes les 24 heures et n’acceptent pas d’ętre abandonnés ŕ leur sort, seuls dans une tour de contrôle qui constitue l’un des piliers de la sécurité aérienne. Dčs lors, on s’interroge : le fautif de Miami mériterait peut-ętre de recevoir une prime, et non pas une lettre de licenciement.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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